Amazon fête ses 20 ans, avec toujours la même soif de croissance
Vingt ans après sa création, Amazon continue d’essuyer les pertes : 241 millions de dollars l’an dernier. Il étend son empire à de nouveaux secteurs : cinéma, stockage informatique et services à la personne, notamment.
Par Lucie Robequain
Il y a tout juste vingt ans, Jeff Bezos activait le site Internet d’Amazon, avec l’idée de livrer des bouquins à domicile. Personne n’avait été embauché pour faire les colis. Flanqué de quelques amis, le jeune entrepreneur se charge donc d’empaqueter les livres la nuit, pour les expédier le lendemain par la poste. Mais Jeff Bezos a besoin d’argent pour grandir. Pour séduire les investisseurs, il promet un chiffre d’affaires de plus de 100 millions de dollars à l’horizon 2000. L’objectif semble excessivement optimiste à l’époque. Il est pourtant très loin des performances réalisées in fine : en 2000, Amazon affiche un revenu de 1,6 milliard de dollars, 15 fois supérieur au montant espéré. Il dégagera ses premiers bénéfices deux ans après - un exploit au moment où l’éclatement de la bulle Internet terrasse nombre de ses concurrents.
Au jour de son vingtième anniversaire, l’entreprise compte plus de 100.000 employés et vaut plus de 200 milliards de dollars en Bourse. Elle vend non seulement des livres - 40% des exemplaires neufs aux Etats-Unis -, mais aussi des chaussures, des fruits et légumes, des prestations de ménage et des cours de mathématiques. Elle s’impose comme le leader mondial du stockage informatique, via sa filiale Amazon Web Services. «Le cloud est même beaucoup plus rentable que les autres activités du groupe», relève Jan Dawson, analyste spécialisé dans la high-tech. Amazon produit également des films pour concurrencer Netflix, tout en distribuant des liseuses (Kindle) et des décodeurs de télévision (Fire TV).
Certains projets lui ont moins réussi que d’autres : commercialisé l’an dernier, son téléphone Fire figure ainsi parmi ses plus grands échecs. Amazon refuse de dire combien il en a vendu, mais sa part de marché serait quasi nulle. Des milliers de salariés d’Amazon ont pourtant travaillé sur ce téléphone pendant quatre ans. Il s’agit de l’un des rares exemples où Amazon s’est complètement mépris sur les chances de succès d’un nouveau produit.
Pour aller plus loin
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Croissance insolente, mais profits en berne
Sa croissance demeure néanmoins insolente, quel que soit l’indicateur retenu. Le nombre d’utilisateurs actifs, qui dépassera bientôt les 300 millions dans le monde, augmente de 20% par an, si l’on tient compte de la moyenne des cinq dernières années. Le nombre de produits vendus bondit, lui, de 36% par an. «La croissance d’Amazon dépasse celle du commerce en ligne, ce qui suggère que l’entreprise continue de grignoter des parts de marché sur la concurrence», résume R.J. Hottovy, analyste chez Morningstar. Les victimes sont nombreuses : les chaînes Circuit City (électronique), Borders (livres) Radioshack (électronique) et Linens’N (literie) ont toutes déposé le bilan. Barnes & Nobles (livres), Sears (articles de maison) et Office Depot (équipements de bureau) s’en sortent à peine mieux. «Amazon représente le bouleversement le plus important que le commerce ait connu ces dernières décennies», ajoute R.J. Hottovy.
Un seul indicateur reste en berne : les profits. Comme à ses débuts, Jeff Bezos préfère noyer les bénéfices dans de nouveaux projets, plutôt que récompenser les actionnaires. Les dépenses consenties l’an dernier (88,8 milliards) sont ainsi à peu près égales au chiffre d’affaires qui a été dégagé (89 milliards). Malgré des ventes qui explosent (+15% sur un an), le groupe continue d’essuyer les pertes. Ce fut encore le cas au trimestre dernier, avec un résultat négatif de 57 millions de dollars. Amazon a aussi engagé une certaine forme de cannibalisation : il offre une multitude de contenus gratuits à ses clients privilégiés - ceux qui paient 99 dollars par an pour recevoir des livraisons illimitées. Ceux-ci disposent d’un accès libre à des milliers de livres, films et musiques. La fidélité des clients passe avant les profits… en tout cas pour l’instant.