Beauté fatale

Un compte pour suivre l’actualité des thèmes développés dans « Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine », un essai de Mona Chollet, Zones / La Découverte, Paris, 2012.

  • Comment la pudeur érotisa le monde - LeTemps.ch
    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/ac3b03ce-2ca1-11e5-8a84-afa5481f305f/Comment_la_pudeur_%C3%A9rotisa_le_monde

    Pendant ce temps, les érudits discutent : la pudeur, est-ce la même chose que la honte ? Est-ce une passion naturelle et universelle ? Si elle échoit à l’humanité après le péché originel, pourquoi les Indiens Tupi ne l’éprouvent-ils pas ? Et surtout, est-elle une vertu ou un vice ? On se le demande. Par exemple, face à l’impératif de vérité nue qu’implique le sacrement de la confession, « c’est le diable qui orchestre la pudeur calamiteuse du pécheur » : il faut alors « libérer la langue trop pudique » de ce dernier pour qu’il se livre. Plus fondamentalement, on soupçonne la pudeur d’être vicieuse parce qu’on constate qu’elle excite le désir – de savoir, de voir, de toucher du doigt, de jouir.

    Ce qui se tisse ainsi, et que Dominique Brancher met au jour, c’est donc un vaste mouvement d’érotisation rendu possible, paradoxalement, par la pudeur. Erotisation de la nudité, de la chair, de l’organe sexuel lui-même. Au Moyen Age, la représentation de celui-ci avait en effet d’autres fonctions : une visée apotropaïque, par exemple, c’est-à-dire de conjuration du mauvais sort. En réduisant le sexe « à son pôle sensuel et érotique », l’Eglise favorise, à son corps défendant, « la naissance de la pornographie ». Quant aux nombreux traités médicaux consacrés aux « contrepoisons au venin de l’amour » et à la façon de « désenvoûter les victimes d’Eros », ils propagent le mal qu’ils affichent de combattre, car leur prose aimantée par la chair ne peut qu’exciter le désir.

    (...)

    Reste à relever – ce n’est pas un détail – que tout cela est puissamment genré, c’est-à-dire construit selon les différences attribuées aux genres. L’un des enjeux majeurs est bien la « possession patriarcale du corps des femmes ». Or celles-ci sont envisagées de manière contradictoire : naturellement pudiques, on les considère en même temps sexuellement insatiables, car dirigées par les exigences de leur matrice, qu’on décrit alors comme un animal incontrôlable. Comme ce sera le cas pour Freud trois ou quatre siècles plus tard, la science de la pudeur achève ainsi, face aux femmes, de s’emmêler les pinceaux.

    #femmes #corps #sexe #pudeur #shameless_copinage