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La jeunesse allemande avec la Grèce: "Qu'est-il arrivé à notre démocratie?"
Des jeunes défilent dans les rues et appellent au boycott des produits allemands en signe de soutien à Athènes


Alors que les dirigeants de l’Allemagne maintiennent la pression sur la Grèce, la jeunesse allemande soutient Athènes. Des activistes qui défilaient les rues de Berlin au moment où des émeutes ont éclaté dans la capitale grecque ont pris d’assaut le palais du Reichstag vendredi, criant au coup d’état. La police allemande a bloqué leur route et procédé à trois arrestations en marge des affrontements, selon les manifestants.
Les activistes allemands, âgés entre 20 et 30 ans pour la plupart, ne sont pas seulement venus à cause de la crise financière grecque. “Il est question de nos valeurs démocratiques”, s’exclame Hannah Eberlo du groupe ‘Blockupy’, organisateur de la manifestation. “Il est clair pour tout le monde que nous ne cherchons pas une solution pour l’Europe, nous essayons simplement de faire du chantage à la Grèce. J’en ai honte. La presse et nos dirigeants me rendent furieuse. La Grèce est sous occupation en quelques sorte", poursuit-elle.
La centaine de manifestants réunis vendredi devant le parlement lors d’un débat sur la crise grecque scandaient : “dites le haut et fort, Schauble n’est pas le bienvenu ici”, faisant référence au ministre allemand des Finances. Mercredi, quelque 1500 militants (selon les organisateurs), ont forcé l’entrée du ministère appelant à un “Schaublexit”. Des milliers de jeunes ont défilé le même jour un peu partout en Allemagne mais aussi dans d’autres capitales européennes.
Les manifestations publiques restent toutefois un moyen de protestation limité. Aujourd’hui, les jeunes expriment leur mécontentement sur le net. Il existe différents moyens de mobilisation: des simples dons ou des campagnes de ‘crowdfunding’ pour les associations grecques, à la création de pétitions en passant par les appels au boycott des produits allemands, les réseaux sociaux sont devenus une arène importante pour mener une campagne contre le gouvernement.
Le mouvement social-démocrate Jusos a par exemple rejoint une large campagne européenne, encourageant ses membres à se prendre en photo avec un panneau portant l'inscription “I stand with Greece” (Je suis solidaire avec la Grèce, ndlr).
“Lorsque je rencontre des collègues européens, je me sens obligée d’expliquer que nous ne pensons pas tous comme Angela Merkel", explique la présidente de Jusos, Johanna Uekermann. “J’essaie de les convaincre qu’il y a encore de l’espoir pour l’Allemagne mais en ce moment, je suis très frustrée.”
Ce défi devient de plus en plus difficile alors qu’un récent sondage montre que la majorité des Allemands soutient les mesures d’austérité. Selon ce sondage effectué lundi, 52% des Allemands sont favorables au nouveau plan d’aide pour la Grèce et 57% d’entre eux jugent les réformes adéquates. 22% ont d’ailleurs déclaré qu’il faudrait davantage de réformes.
“En plus de l’Union chrétienne démocrate, j’accuse aussi le Parti social-démocrate”, déclare Uekermann. “Il prétend être un parti qui défend l’Europe mais son dirigeant, Sigmar Gabriel, a largement participé au dénigrement de la Grèce ces dernières semaines et personne n’admet la nécessité de trouver une autre solution. Les politiciens affirment dans les médias que les Grecs ne veulent pas des réformes ou ne veulent pas travailler et la population allemande y croit.”
L’Allemagne n’est pas à l’abri

“Les jeunes ici en Allemagne doivent aussi faire face à un haut taux de chômage. Ils ont des amis qui viennent d’Italie ou d’Espagne pour chercher du travail car il n’y en a pas dans leur pays.”, ajoute Eberle. Elle souligne que si la jeunesse mène ces protestations, elle n’est pas toute seule.
“Les personnes âgées de plus de 60 ans nous soutiennent aussi car ils sont inquiets pour leur pension, tout comme en Grèce”, explique cette activiste, insistant sur le fait que l’Allemagne n’est pas à l’abri de ces problèmes qui touchent le sud de l’Europe. “Notre gouvernement discute également de coupes budgétaires pour les écoles et les hôpitaux. Les gens craignent pour leur futur, cela encourage la solidarité.”
Le vrai point de rupture a été, selon elle, l’attitude de l’Allemagne après le referendum grec. “Les Grecs ont pris leur décision, ils ont dit non au chantage mais les attaques venant de l’Allemagne ont empiré. Les gens savent aujourd’hui que le gouvernement n’a aucun respect pour la souveraineté grecque et qu’il veut simplement contrôler l'Europe. Qu’est-il arrivé à nos valeurs? C'est comme si nous disions à la Grèce de ne pas être un état démocratique. C’est absurde.”
Une leçon de l’histoire

D’autres ont simplement publié une liste de compagnies allemandes en accusant à boycotter, ou exhorté les internautes à arrêter de soutenir "le quatrième Reich"
“Je pense que l’Allemagne doit être plus sensible et doit se rappeler de son histoire, de comment les autres pays européens l’ont aidé après la Seconde guerre mondiale”, remarque Uekermann, doutant de l’efficacité de l’appel au boycott. “Je peux comprendre ces personnes car elles sont frustrées et cherchent un moyen de pression politique mais je ne suis pas favorable à un boycott, je ne pense pas que cela soit approprié.”
Alors que des journaux européens décrivent Wolfgang Schauble comme “la plus grande menace pour l’Europe”, il est évident que l’image de Berlin a pris un coup. Des experts ont conseillé à l’Allemagne d’améliorer sa réputation par des gestes de soutien tel une visite de la chancelière dans les pays en crise. Les opposants de Merkel prônent toutefois un changement plus profond de l’attitude allemande.
“Nous avons une opportunité historique de pouvoir changer l’Europe”, affirme Eberle qui refuse de perdre espoir. “Nous devons investir en Grèce au lieu d'accroître notre autorité. Nous ne devons pas prendre toutes les décisions. Nous avons besoin d’une Allemagne européenne, pas d’une Europe allemande".
Polina Garaev est la correspondante de i24news à Berlin