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L’Eglise veut mieux accueillir les divorcés-remariés

Le sort de ces croyants, privés de sacrements, suscite frustrations et incompréhensions, mais la marge de manœuvre du Vatican est étroite.

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Publié le 21 décembre 2013 à 10h01, modifié le 25 décembre 2013 à 16h32

Temps de Lecture 5 min.

Pape François, voyage au Brésil en juillet 2013.

Améliorer l'accueil des divorcés-remariés dans l'Eglise catholique fait partie des dossiers que le pape François a érigés en symboles d'une institution plus « ouverte », en prise avec les réalités sociologiques. Dans de nombreuses familles catholiques, confrontées au divorce dans des proportions quasiment similaires au reste de la population (13 % des pratiquants réguliers étaient divorcés en 2009 contre 17 % des Français, selon un sondage Pèlerin-TNS Sofres), l'interdiction faite aux divorcés de se remarier religieusement et de recevoir la communion (un moment central dans la vie des croyants) reste une source d'incompréhension, voire de colère.

Pour beaucoup, elle constitue en outre un motif pour s'éloigner de l'Eglise. Aussi, le sujet, « serpent de mer depuis vingt ans », selon un membre de la curie, suscite-t-il de fortes attentes chez les fidèles : 76 % des pratiquants réguliers jugeaient en 2009 que l'Eglise devrait « adopter une position plus souple sur cette question ». Pourtant, d'un point de vue doctrinal, les marges de manœuvre sont étroites et le potentiel de déception élevé.

Le pape François et l'Eglise catholique n'ont nullement l'intention de toucher au caractère « sacré et indissoluble » du mariage qu'ils tirent de leur lecture des Evangiles. En septembre, devant les prêtres romains, le pape a simplement estimé que le devoir de l'Eglise était « de trouver une autre voie, dans la justice », pour ces croyants.

Ce « grave problème » suppose de « repenser toute la pastorale matrimoniale », a-t-il aussi indiqué le 29 juillet, lors de la conférence de presse donnée dans l'avion à son retour du Brésil, suggérant un meilleur accueil de ces couples dans l'Eglise. Il a dans la foulée confié à un synode extraordinaire sur la famille, convoqué en octobre 2014, le soin de se pencher sérieusement sur la question. Une première. Depuis, chacun y va de sa réflexion.

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POSSIBLE DÉVELOPPEMENT DE LA NULLITÉ

Le pape lui-même a évoqué l'exemple de l'Eglise orthodoxe, qui, après une prière de « pénitence », autorise une deuxième union à l'église ; il a aussi mis l'accent sur un possible développement de la nullité des mariages, qui permet aux fidèles de se remarier conformément au droit canonique. Mais cette démarche, psychologiquement, voire spirituellement éprouvante, ne convient qu'à une infime partie des couples concernés et apparaît même à beaucoup comme une fausse bonne idée.

En France, seules quelque 400 nullités sont prononcées chaque année, contre 3 000 en Italie. Au cours d'une procédure qui dure un an en moyenne et coûte 1 100 euros, il s'agit de démontrer devant un tribunal ecclésiastique, appelé aussi « officialité », un « vice » dans le consentement lors de la première union.

Dans son bureau parisien, derrière les murs en brique d'un immeuble jouxtant une école catholique, le jeune vice-official pour la région parisienne, le Père Emmanuel Petit, détaille les critères qui permettent de tirer un trait sur le sacrement d'une première union : « Dans les motifs les plus fréquemment retenus, il y a l'immaturité psychologique, la découverte d'une maladie psychique ou d'une addiction d'un des conjoints, un mariage consenti sous la pression familiale, l'infidélité au moment du mariage ou le refus d'avoir des enfants. »

Le prêtre reconnaît toutefois que la plupart des couples se sont mariés de bonne foi, convaincus que « leur union devant Dieu durerait toujours ». Mais, empreint de juridisme canonique, il insiste : « La différence entre un divorce et la nullité d'un mariage, c'est qu'avant un divorce il a pu y avoir un mariage heureux, ce qui n'est pas le cas dans un mariage nul. »

« HYPOCRISIE DE L'EGLISE »

Ce discours « afflige » Marie-Cécile Beurrois, une croyante divorcée, qui a eu quatre enfants de son union. « Cela convient peut-être à certains cas, mais, moi, je ne me vois pas inventer une quelconque immaturité. Il faudrait que l'Eglise propose d'autres critères de nullité » Marie (le prénom a été modifié), 30 ans, dénonce elle aussi « l'hypocrisie de l'Eglise » en la matière.

La jeune femme, dont le père a obtenu il y a quinze ans la nullité de son mariage pour pouvoir se remarier religieusement, n'a « pas digéré cette procédure, symboliquement violente pour les enfants ». « C'est pervers d'obliger les gens à mentir en reniant quelque chose qui a existé. Il suffirait de dire que le mariage est une bénédiction et qu'il peut être rompu. De plus, ni ma sœur ni moi n'avons eu un mot de l'Eglise pour nous dire quelle était désormais notre place. »

« Le droit canon, c'est le souci de la charité : on pourrait envisager un allégement des procédures, mais je ne pense pas que cela suffise », estime de son côté Denise Vincent qui, depuis quinze ans, au sein de la communauté du Chemin neuf, accompagne des couples divorcés-remariés.

Lire les témoignages : Article réservé à nos abonnés « Face à nos situations, les prêtres sont démunis »

« La théologie de la famille est connue », tranche pour sa part Mgr Augustin Romero, le supérieur du Père Petit. S'il admet, comme le pape, que l'Eglise pourrait encourager les fidèles à recourir aux nullités, il prône une certaine prudence. Certains craignent en effet que faciliter les procédures n'augmente le nombre de divorces.

Récemment, les évêques français ont insisté sur la nécessité d'une meilleure préparation au mariage, même si, dans la plupart des cas de divorces au sein de couples catholiques, cette procédure avait bien eu lieu. Certains évoquent une préparation au mariage pour les jeunes célibataires. D'autres imaginent une sorte de « prémariage », qui ne deviendrait sacrement qu'au bout d'un certain temps. D'autres encore une « période de pénitence » après un divorce, qui ouvrirait la possibilité de se remarier et de communier.

LA HARDIESSE D'ÉVÊQUES ALLEMANDS RECADRÉE

Plus directs, des évêques allemands ont annoncé début octobre leur intention d'accorder la communion aux divorcés-remariés, au cas par cas. Mais, signe que le sujet est épineux dans la hiérarchie catholique, cette hardiesse a été recadrée par le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Mgr Gerhard Müller a estimé que, « si l'on admettait ces personnes à l'eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l'Eglise concernant l'indissolubilité du mariage ».

Depuis, le secrétaire du synode prévu sur la famille, Mgr Lorenzo Baldisseri, a semblé infléchir de nouveau la position du Vatican. « Le magistère n'est pas figé, a-t-il déclaré à La Stampa. L'Eglise doit savoir déterminer l'application de la doctrine selon le cas concret des personnes. »

« Tout l'enjeu du synode sera de concilier l'Evangile, qui dit que “l'homme ne rompt pas ce que Dieu a uni”, avec une approche bienveillante des pasteurs », juge, comme nombre de catholiques engagés, Mme Vincent. En attendant, la plupart des fidèles concernés s'arrangent avec la doctrine, avec leur conscience… et avec leur curé.

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