Accessibilité : sur Internet aussi, les handicapés devront attendre

Accessibilité : sur Internet aussi, les handicapés devront attendre

« Encore un peu de patience », semblent murmurer les députés aux personnes handicapées. Lundi, l’Assemblée nationale a adopté des délais supplémentaires pour les mises aux normes des établissements recevant du public. Dix ans...

Par Robin Prudent
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« Encore un peu de patience », semblent murmurer les députés aux personnes handicapées. Lundi, l’Assemblée nationale a adopté des délais supplémentaires pour les mises aux normes des établissements recevant du public.

Dix ans après la loi sur l’égalité des chances de 2005, seuls 40% des gérants d’établissements ont réalisé les aménagements nécessaires. Toute une vie quotidienne qui se complique. Car la législation ne prévoyait pas seulement l’installation de rampes d’accès ou d’ascenseurs. L’article 47 stipulait ainsi :

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« Les services de communication publique en ligne des services de l’Etat [...] doivent être accessibles aux personnes handicapées. »

4% de sites accessibles

Comprenez, Internet doit aussi être accessible aux handicapés. Ou, du moins, les sites web des établissements publics. Aveugles, sourds et handicapés moteurs doivent pouvoir accéder aux informations et aux services en ligne comme tous les autres citoyens. Dans ce domaine, les structures sont également très loin des résultats attendus.

Le logiciel de traduction en braille Duxbury
Le logiciel de traduction en braille Duxbury - SAM PANTHAKY/AFP

Alex Bernier, directeur technique de l’association BrailleNet, qui lutte pour l’accessibilité du numérique, fait les comptes :

« En 2014, nous avons comptabilisé les sites publics qui avaient inscrit une déclaration de conformité pour l’accessibilité de leur site internet : il y en avait 4%, sur 600 sites. »

Le résultat est sans appel – et il ne traite pas des sites privés, qui n’ont pas d’obligation légale.

« Un site accessible », quésaco ?

Il faut dire que peu de personnes savent en quoi consiste l’accessibilité d’un site internet.

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La différence avec un site non adapté aux personnes handicapées n’est pas toujours visible à l’œil du néophyte. Pas d’ascenseur ou de chien-guide avec dossard, c’est le code et le webdesign qui doivent être adaptés :

« Très concrètement, pour aller sur Internet, un aveugle a deux possibilités. Il utilise : soit un logiciel d’assistance vocale qui lit tout ce qui est écrit à l’écran ; soit un logiciel qui retranscrit en braille le contenu sur un objet connecté à l’ordinateur. Dans les deux cas, les images ne passent pas. Il faut donc qu’il y ait une description précise de ces éléments pour garantir leur accessibilité. »

Pas de souris, pas de chocolat

Les personnes aveugles ou handicapées moteurs ont aussi un point commun dans leur utilisation de l’informatique : elles n’utilisent pas de souris. Essayez de débrancher la vôtre quelques minutes pour vous apercevoir à quel point l’objet (ou son équivalent pavé tactile sur un ordi portable) est indispensable à votre navigation.

Eux doivent faire sans, avec des raccourcis clavier et l’aide de la touche « tabulation ». Alex Bernier :

« Sauf qu’il y a parfois des pièges. Dans certains questionnaires, on ne peut pas passer d’une case à l’autre grâce au clavier. Il y a quelques années, le site internet des impôts qui permettait de faire sa déclaration de revenus en ligne avait tout prévu… sauf le bouton final “soumettre”. Impossible de l’actionner depuis le clavier, les personnes handicapées restaient bloquées. »

Des normes reconnues

Il existe pourtant des normes depuis de longues années dans le secteur. Le texte sacré des développeurs, rédigé par le consortium W3C, a émis des recommandations très claires.

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Tout comme pour les normes utilisées dans les langage de programmation- - comme le HTML –, l’initiative d’accès au Web fait figure de référence. Ces recommandations ont même été renforcées en devenant une norme ISO en 2012.

Les textes sont prêts. En France, un décret de 2009 organise le référentiel général d’accessibilité pour les administrations. Les changements concrets, eux, se font attendre. Alex Bernier a ses explications :

« Il est vrai que les 1 200 pages de normes font un peu peur. Mais nous avons justement développé des formations et le module Accessiweb pour que tous les développeurs retrouvent les critères d’accessibilité et puissent réaliser des tests très concrets. Mais il faudrait aussi ajouter de véritables incitations. Aujourd’hui, la pire sanction pour un site public qui ne respecte pas les normes, c’est de figurer sur une liste noire… Ça fait peur ! »

Comme pour le métro et les poussettes

L’association regrette aussi que l’accessibilité sur Internet ne soit pas un droit opposable devant la justice. Aux Etats-Unis, des actions de groupes ont déjà fait plier des sites, comme celui du distributeur Target, pour rendre leur contenu accessible aux personnes handicapées.

Et pour ceux qui auraient encore des doutes, les sites accessibles à tous ne doivent pas ressembler à une vieille page Facebook de 2004. Au contraire, les normes favorisent la stabilité, l’ergonomie et la démarche qualité :

« C’est comme lorsque l’on rend accessible une station de métro pour les handicapés, ça profite aussi aux autres, comme les personnes avec des poussettes. »
Robin Prudent
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