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Politique

Bruno Le Maire, cette force (trop) tranquille qui monte contre Sarkozy ?

Entre approbation du Mariage pour tous et rencontre des agriculteurs en colère, Bruno Le Maire a réussi la séquence de communication parfaite. Dur pour Nicolas Sarkozy qui a raté la sienne, entre vélo et Tunisie.
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Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy
Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy
afp

C’est ce que l’on appelle une séquence réussie. En deux jours, Bruno Le Maire vient de démontrer pourquoi il est le seul quadra de son époque à prétendre pouvoir se présenter à la Primaire de "Les Républicains" avec une chance réelle de ne pas y faire de la figuration, dans l’attente de 2022, voire 2027. Le contraste est même sévère pour l’actuel président de LR, Nicolas Sarkozy qui, pour sa part, vient de boucler une autre séquence, entre Tour de France et Tunisie, qui ne parait pas aussi maitrisée que celle de Bruno Le Maire.

Ce lundi donc, le député de l’Eure était sur les routes de Normandie, à la rencontre et à l’écoute des agriculteurs. En bras de chemise. La mine concentrée. Tout en proximité. Bruno Le Maire a écouté les agriculteurs en colère. Il leur a parlé. L’image a fait le tour des chaines d’information continue toute la journée. Avec réactions des agriculteurs à l’appui : "Lui, il nous écoute", "Ça fait du bien de pouvoir dire ce que l’on a à dire".

Dont acte. Le Maire a su produire la bonne image au bon moment. Le bon geste dans le bon tempo. La sérénité de l’homme de pouvoir face à la colère populaire. L’image de Le Maire face aux agriculteurs en colère était de nature à inspirer ce sentiment que l’on nomme rassurance.

Une force tranquille?

Le Maire a quelque chose de rassurant. Et cette taille haute. Entre de Gaulle et Chirac. La stature de l’homme en impose. Mais ce n’est pas tout. Pour que le succès d’une telle opération soit complet, encore faut-il convaincre, c’est-à-dire être capable de faire preuve d’authenticité, c’est-à-dire de produire une image en adéquation avec le sentiment qu’inspire le personnage. Là encore, Bruno Le Maire a réussi son coup. Il y a de la force tranquille en lui, qui suscite le respect, même celui des agriculteurs en colère.

L’image avait été pensée, elle ne pouvait qu’être réussie.

Mieux encore, la veille, dans le Journal du dimanche, Bruno Le Maire avait assumé prendre à contre-courant les positions des activistes les plus acharnés à vouloir revenir sur l’instauration du mariage entre personnes de même sexe. Et de proclamer sa fierté d’avoir été hué et sifflé par les militants extrémistes du mouvement Sens commun, en novembre dernier : "Je suis reconnaissant aux gens qui m'ont hué car cela m'a permis d'éprouver mes convictions et de vivre ces moments forts où l'on coïncide avec soi-même". Et de surenchérir : "Oui je crois au mariage homosexuel, oui je crois que l'amour homosexuel vaut l'amour hétérosexuel. Il faut avoir conscience que nos combats dépassent notre personne."

Avant le social du lundi, Le Maire avait fait dans le sociétal le dimanche.

Un jour, les gays. Un autre, les agriculteurs.

Un jour, la revendication de la modernité de la société à travers l’ouverture de droits légitimes à des citoyens jusque-là exclus. Un autre, la considération pour un métier attaché à l’identité de la France, des paysans inséparables des grands rendez-vous de l’histoire du pays.

Un jour, le progrès. Le lendemain, la tradition.

Le Maire vs Sarko: une opposition de style

A coup sûr, cette séquence authentiquement française vaudra des voix à Le Maire quand viendra le temps de la Primaire. On imagine avec quelque difficulté les gays électeurs de droite glisser un bulletin Sarkozy dans l’urne de la Primaire dans un tel contexte. Idem pour les agriculteurs, population acquise par tradition à la droite, surtout en Normandie, et qui n’a jamais considéré Nicolas Sarkozy comme l’incarnation de la valeur travail chère à la paysannerie française depuis des siècles. Bruno Le Maire, lui, est député de l’Eure, département rural où le mot "terre" fait encore sens. Qui connait un peu ce territoire sait combien les paysans lui sont attachés.

Oui, le contraste entre les séquences Le Maire et Sarkozy de ces trois derniers jours n’est guère favorable à l’ancien président de la République.

Le vendredi, c’était Tour de France dans le Parisien. N’en déplaise aux supporters de l’ancien président, le coup de com’ était raté. Pour toutes les raisons contraires qui font que Le Maire a parfaitement exécuté ses deux coups de communication politique.

Le week-end, Nicolas Sarkozy était en Tunisie. Ce fut un festival comme l’ancien président sait les produire. Critique de la politique étrangère de la France à l’étranger : "Envoyer des avions, ce n'est pas suffisant. Il faut qu'ils soient efficaces et que cette guerre soit gagnée. Et la France qu'on aime, c'est la France qui a un leadership, qui est puissante". Mise en accusation de la France et de ses alliés de ne pas avoir fini son formidable travail accompli en Lybie : "Depuis trois ans, la Libye a été abandonnée. Aujourd’hui, c’est un pays à la dérive". Enfin, mise en cause de l’Algérie, pays dont il ne fait bon d’être le voisin, au même titre que la Libye : « La Tunisie est frontalière avec l’Algérie, avec la Libye ce n’est pas nouveau, vous n’avez pas choisi votre emplacement", le tout dit avec un petit sourire ironique.

Au bilan : retour du Sarkozy people dans sa version Tour de France, et du Sarkozy boute-feu, dans sa version politique étrangère. De l’art de rater une séquence. A croire que Nicolas Sarkozy est la proie d’un syndrome d’échec.

C’est à dessein que l’on oppose ici les séquences Sarkozy et Le Maire des trois derniers jours écoulés, dans la perspective de la Primaire 2016 de LR.

Le Maire, encore un peu trop sage

Ils ne sont que trois à pouvoir empêcher, à droite, le retour de Nicolas Sarkozy à l’Elysée : François Bayrou, Alain Juppé et Bruno Le Maire. Les deux premiers ont déjà été vus et revus par les Français. Ils peuvent se poser en contre-choix de Nicolas Sarkozy, mais ils n’incarnent ni renouveau, ni avenir. Ce n’est pas le cas de Bruno Le Maire qui, seul à droite aujourd’hui, ne parait pas occuper les écrans depuis la fin des années 80. Dans une France en demande de nouveauté et de réappropriation de son destin confisqué par des élites qu’elles jugent déconnectées, cela compte.

Bruno Le Maire est le seul à pouvoir créer la surprise attendue, voire souhaitée par les Français en 2016 et 2017. Il en a le potentiel, comme en atteste la séquence réussie de la semaine. Mais l’élève Le Maire est encore un peu trop appliqué. Il lui manque pour le moment cette dimension romantique et échevelée, ce souffle romanesque, qui fait les personnages prédisposés à devenir président de la République. La force tranquille, c’est bien quand c’est Mitterrand, quand l’image est portée par le discours. Mais quand c’est Barre ou Jospin, qu’une campagne ressemble à un émollient et ennuyeux Grand O de Sciences po, ça fait beaucoup moins rêver.

En Primaire, face à Sarkozy, la force devra être tranquille, mais pas trop quand même. Le Maire sait produire des images, très bien. Mais il lui manque encore le verbe.

 

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