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Économie

"Nous sommes les vrais responsables de la crise en France"

OPINION Fabrice Houzé, trader professionnel, nous a envoyé cet article que nous avons jugé intéressant.
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Pour la majorité des Français, l'orage de la crise ne fait que commencer.
(C) SIPA

Les causes de la profonde Crise, la plus grave depuis 1929, que subissent tous les pays du globe avec plus ou moins de sévérité depuis 2008 – une petite pensée pour l’Espagne – sont âprement débattues entre les économistes : bulle immobilière, taux trop bas de la Réserve fédérale américaine, stupidité et avidité des banquiers, immigration, chômage technologique (inadéquation entre les qualifications des chômeurs et les qualifications requises par les nouvelles technologies), tensions sur le prix de l’énergie et des matières premières, crise écologique, excédent commercial chinois ou allemand, montée de l’individualisme

Bref, la crise en France ne serait pas vraiment de notre faute, mais relèverait de causes exogènes ou de changements irréversibles et mondiaux. Passons-les en revue.

Oui, il y a eu une bulle immobilière aux Etats-Unis, donc un gâchis important dans la construction de maisons encore vides aujourd’hui. Mais les bulles immobilières sont fréquentes, rien qu’en France la dernière date de 1990.

Oui, plus les taux sont bas, plus le consommateur achète à crédit et plus les entreprises lancent de projets en s’endettant. Comme à chaque sommet euphorique de chaque cycle économique, tous les 8 à 10 ans.

Oui, des banquiers se sont aveuglés et d’autres ont menti pour s’enrichir. La dernière fois ? En 2000 lors de la bulle internet : les analystes recommandaient chaudement des actions à l’achat tout en écrivant en interne "XYZ.com is such a piece of crap!". Délits pour lesquels les banques avaient déjà payé quelques milliards de dollars en amendes.

Oui, l’immigration peut coûter cher quand elle est non choisie, conjuguée à la discrimination et à un coût du travail peu qualifié élevé. Mais beaucoup de pays intègrent mieux, et même à profit, leurs immigrés que la France.

Oui, la formation professionnelle est faible au regard des avancées technologiques rapides car les incitations sont insuffisantes pour les travailleurs comme pour les entreprises. Mais les emplois peu qualifiés dans les services peinent à être pourvus, et en parallèle Internet permet à chacun de se former plus librement et efficacement que jamais.

Oui, l’énergie est plus chère aujourd’hui. Le prix réel du baril de pétrole (ajusté de l’inflation) est le même qu’au moment du choc pétrolier de 1979. Mais en 30 ans le revenu par habitant a doublé, donc le coût relatif de l’énergie a été divisé par deux.

Oui, l’environnement n’a jamais été aussi maltraité : océans bientôt vidés de leurs poissons, pollutions, réchauffement climatique avec sécheresses et tempêtes à gogo. L’impact économique sera majeur, mais comme sur l’île de Pâques, tant qu’il restera un arbre debout, c’est business as usual.

Oui, la Chine a une balance commerciale très excédentaire. Mais l’Europe, tirée par l’Allemagne, aussi ! Autrement dit, les Allemands produisent plus qu’ils ne consomment, et donc épargnent. Il est tout à fait raisonnable d’épargner de la part d’un vieux pays, dont la population ne se renouvelle pas, car la génération future ne pourra pas lui payer sa retraite. Et rappelons qu’au niveau mondial la somme des excédents égale la somme des déficits.

Oui, les gens sont de plus en plus individualistes. Mais les valeurs de solidarité, Famille et Patrie, de nos parents et grands-parents les ont menés à deux guerres mondiales… La perte des valeurs, c’est aussi la fin de certaines idéologies.

Des crises qui n'ont rien à voir les unes avec les autres

Alors? Alors peut-être que le ralentissement mondial toujours en cours six ans après la crise n’est que la résultante de crises simultanées mais très différentes dans des pays très différents. Qu’y a-t-il de commun entre les Etats-Unis avec 33 % de prélèvements obligatoires et la France avec 53%?

 

Le premier essaye désespérément d’augmenter l’Etat-providence (ObamaCare) et les impôts (fin des tax cuts de Bush), pendant que le second veut les réduire (ou, du moins, le prétend).

Autour de la Méditerranée, les pays du printemps arabe sont tous en pleine instabilité politique, entre démocratie et charia.

Sur un autre continent, l’Inde est empêtrée dans le manque d’infrastructures, la corruption, les castes traditionnelles et le morcèlement entre Etats intérieurs. Enfin la Chine, toujours sur le chemin d’une libéralisation à pas de fourmi, amorce la délicate bascule d’un modèle exportateur vers la consommation de masse.

Dans ce but, elle essaie tant bien que mal d’assainir son système bancaire très politisé. Car les banques prêtent les yeux fermés aux entreprises publiques, les géants de l’énergie et de la construction bénéficiant de la garantie d’Etat, mais prêtent peu aux entreprises privées, les industriels de la consommation.

Bref, aucune crise commune entre tous ces pays.

Ce que les Français ne doivent qu'à eux-mêmes 

Revenons à la France.

Les difficultés du logement, c’est seulement de la faute des Français qui réglementent, construisent, achètent, vendent et gèrent les biens immobiliers.


La dés-intégration des immigrés, c’est nous aussi.

Le déclin de l’éducation, c’est nous.

Le trou de la Sécurité Sociale, c’est nous.

Le mille-feuille territorial (commune, intercommunalité, département, région), c’est nous.

La pollution des sols et rivières aux pesticides, c’est nous.

La fiscalité très élevée sur le travail plutôt que sur la consommation, c’est nous.

L’instabilité juridique et fiscale (rétroactive !), c’est nous.

Le manque de création d’entreprises d’envergure, c’est nous.

Tous ces problèmes ne relèvent ni de l’Europe, ni de la Chine, ni de l’OMC, mais bien de nous.
N’espérons pas que la croissance revienne simplement en attendant. Certes, si les autres pays règlent leurs problèmes et que l’économie mondiale repart, nous en récupérerons quelques miettes, mais pas une croissance significative.

 

Fabrice Houzé
Trader (sans reproche) depuis 2002,
Ingénieur Supélec et titulaire d'une maîtrise d'économie-gestion.

A la suite de la parution de cet article nous avons reçu le commentaire suivant d'un de nos fidèles internautes, Didier Lebriez :

Voilà en effet un article fort intéressant de la jeune génération brillante et décomplexée qui ne fait que constater l’héritage économique et social actuel que laisse notre classe politique de tous bords, sans exception, de ces 30 dernières années et donc un délabrement toujours plus grandissant de notre pays touchant tout particulièrement de plein fouet ceux qui sont au bord de la route sans parler de ceux qui sont déjà à la rue.

Oui, Monsieur Houzé, vous avez tout à fait raison, les maux de la France d’aujourd’hui ne sont dus, pour la plupart, qu’à la véritable faillite des élites de notre pays de ces dernières décennies. Celles-ci n’ont pas su, pourtant sortant des plus prestigieuses écoles de la République financées par les contribuables, voulu ou plutôt pas eu le courage de prendre les décisions qui s’imposaient et que d’autres pays ont prises en temps pour redresser la situation et éviter ainsi  l’échouage voire le naufrage à pic, entre autres industriel, auquel nous assistons démunis en comptant chaque mois le nombre d’entreprises qui ferment et celui des personnes supplémentaires qui se retrouvent au chômage pour une longue durée dans la majorité des cas.

Le fait que la France soit, pour très peu de temps encore, qualifiée de 5ème puissance mondiale prête plus à un sourire jaunâtre, sarcastique et désabusé tant il est clair que le déclin ne va qu’en empirant chaque jour. Et ce n’est pas avec les discours de bonnes intentions du gouvernement, ni ceux du ministre du travail se voulant rassurant sur la courbe du chômage, ni les efforts d’un ministre de l’industrie, tel un Don Quichotte, pour tenter de sauver quelques activités, souvent moribondes, çà et là que la situation va promptement s’améliorer pour les quelque 60.000 personnes ayant perdu leur emploi dans l’industrie et pour les 300 entreprises ayant mis la clef sous la porte cette année, ni pour ceux qui sont déjà depuis trop longtemps, des années pour certains, sans emploi et n’ont que peu de chance d’en retrouver.

Oui, il faut le crier haut et fort: "nous sommes pleinement responsable de la chienlit dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui". La Crise n’a fait que la provoquer un peu plus rapidement et plus durement. Les signes avant-coureurs n’ont pourtant pas manqué depuis les années 70 avec la première crise pétrolière puis la deuxième dans les années 80. Je me rappelle à l’époque d’une l’inflation à 16%, que M. Houzé n’a vraisemblablement pas connu, et déjà du chômage de masse ainsi que de la moitié des ingénieurs de ma promotion qui, n’ayant pas trouvé de travail, a du se reconvertir dans des métiers auxquels mes camarades n’étaient pas destinés. Les choses n’ont guère changé sauf l’inflation grâce à l’Euro mais surtout grâce à la rigueur allemande.

Qu’ont alors fait nos dirigeants pendant toutes ces années ? Ils ont "géré" la situation sans apporter ni mettre en œuvre de réelles solutions durables mais ils se sont beaucoup occupé de leur carrière politique, à droite comme à gauche, grâce à nos impôts. Ils ont aussi démonstrativement affiché le faste d’un pays qui n’en avait déjà plus les moyens (les Allemands prennent régulièrement un plaisir narquois à nous appeler "La Grande Nation") au lieu de préparer l’avenir.

Ah, les belles années fric, grâce à la dette, et celles des coalitions gauche-droite, droite-gauche qui ont paralysé le pays et anesthésié les français en leur promettant à chaque élection un monde meilleur, avouant ensuite être incapables de réaliser leurs promesses. Nos tout derniers dirigeants n’ont pas dérogé à cette règle.

Ah oui, j’oubliais la construction de l’Europe et l’introduction de l’Euro, ou le miroir aux alouettes pour gouvernements aveuglés par leur propre ego et trop confiants dans un système n’ayant pas fait ses preuves et affublé d’institutions européennes défaillantes en matière de contrôle économique mais une véritable aubaine pour états indélicats et dirigeants menteurs. Le grand marché unique de 500 millions de consommateurs devant nous assurer un avenir économique radieux s’avère de plus en plus devenir un marché de dupes, de dumping et de régression sociale pour les citoyens des états fondateurs et une opportunité d’émigration légale pour des populations rejetées au sein de leur propre pays. Il semblerait que ces problèmes, évidents pour le commun des mortels, aient complètement échappé à nos dirigeants surdiplômés et à leurs équipes pléthoriques de conseillers surpayés en tout genre.

Que de temps perdu pour le pays et sa préparation à une mondialisation féroce, imposée par nos "amis" américains, et dont l’avenir est aujourd’hui plus que compromis voire plus sombre que jamais! L’année 2014 ne sera pas meilleure, ni en matière de chômage ni en terme de redressement économique décisif.

Je me rappelle du discours prôné dans les années 80 nous ventant l’avènement de la société des services, l’industrie étant condamnée à disparaître. Bingo ! Pour une fois le discours politique s’est suivi d’effets bien réels mais dévastateurs. Le seul souci du secteur des services est qu’il ne donne du travail qu’à guère plus de la moitié de la population active, les autres doivent se débrouiller avec un secteur industriel ne représentant plus que 12% des activités.

Le développement de l’industrie au sens large, dont le dernier et excellent ministre en titre remonte à M. René MONORY, n’a plus suscité d’engouement de la part de nos dirigeants, mis à part quelques grands groupes, reliquats d’anciennes sociétés nationales à des fins de reconversion d’anciens ministres et autres conseillers d’Etat en quête de carrière et de salaires somptuaires. Inutile de souligner ici tout l’intérêt d’une telle politique, vouée à la débâcle économique actuelle, pour l’Allemagne qui profite du champ libre offert sur un plateau et qui bat des records avec plus de 65% d’exportations industrielles et quelque 140 milliards d'euros d’excédents commerciaux alors que nous battons chaque année d’autres records bien moins glorieux de l’ordre de -70 milliard d'euros.

Pourtant le Changement, c’est-à-dire l’électrochoc attendu, promis par nos dirigeants actuels n’a pas (encore ?) eu lieu. Ou bien si, mais il est surtout d’ordre fiscal pour ceux qui n’ont pas recours aux montages opaques et complexes d’optimisation des sociétés internationales via des comptes et des fondations off-shore, au sein même de l’Europe, permettant de soustraire quelque 60 Mrd € par an de revenus fiscaux à l’Etat en incluant fraudes à la TVA et autres artifices savants prodigués par d’éminents conseillers de sociétés de services ayant pignon sur rue.

- Où sont les réformes structurelles courageuses et nécessaires afin de renflouer durablement le pays ?

- A quand la remise à plat du mille-feuille administratif et la grande réforme du fonctionnement de l’Etat, des départements et des régions ?

- Quand le gouvernement tiendra enfin compte des multiples rapports de la Cour des Comptes dénonçant la gabegie publique et ceux, de M. René Dosière par exemple, concernant les frais de fonctionnement excessifs de l’Etat voire les excès indécents de certains de nos élus, sans parler des régimes de retraite d’exception auto-attribués sans approbation des contribuables ?

- A quand une véritable transparence de nos politiques en matière de patrimoine et de revenus en tout genre dont le projet de loi a de nouveau été retoqué par la majorité actuelle (un comble après l’affaire Cahuzac) et finalement largement édulcoré pour des raisons d’éthique svp ?

- A quand la chasse sans merci aux fraudeurs de tout poil et l’imposition à sa juste hauteur des sociétés internationales opérant dans notre pays ?

- Et à quand l’accès sans limite des données secrètes de Bercy aux magistrats de notre pays, seuls garants d’une véritable démocratie ?

Combien de temps voulons-nous encore reculer devant l’ampleur de la réforme de l’Etat au sens le plus large et donc du pays et de son fonctionnement qui se doit d’être compétitif à l’égal d’une entreprise et à l’unisson des efforts très douloureux que les concitoyens les plus modestes doivent endurer ?

Il ne s’agit plus ici de politique mais d’urgence économique de survie en commençant par enfin réduire sensiblement et durablement tous nos déficits ainsi que notre dette colossale afin d’assurer un avenir digne de ce nom à tous les français, de souche et issus de l’immigration. Ce n’est que par l’assainissement des comptes publiques et par le fonctionnement exemplaire et beaucoup plus sobre de l’Etat, sans pour autant supprimer toute protection sociale, que nous attirerons de nouveau les investisseurs et les industriels afin qu’ils puissent développer en toute confiance leurs affaires et l’emploi dans notre pays.

Avant qu’un changement radical ne nous soit finalement imposé de l’extérieur par des contraintes économiques de plus en plus dures et inextricables ou par un violent revirement électoral porté par la rancœur et une déception grandissante des partis politiques traditionnels, soyons enfin les acteurs du Changement tant promis à chaque nouvelle élection depuis 30 ans et œuvrons sans plus tarder en profondeur pour sortir le pays de l’ornière dans laquelle il ne s’est que trop longtemps enferré.

Monsieur Hollande, un peu de courage, c’est pour ce Changement que vous avez été élu !

 

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