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Retour du Red Star en Ligue 2

À la belle étoile

Sommaire

Pendant longtemps, le Red Star avait sa place en première loge d'un football français qui se construisait. Puis le Red Star s'est un peu perdu en route. La faute à une gestion souvent hasardeuse et des résultats sportifs parfois décevants. Mais que peut faire une poignée d'hommes face à la volonté d'une ferveur populaire désormais centenaire ? Récit d'une étoile qui continue coûte que coûte de scintiller dans le ciel du football français.

Playlist RED STAR

« On marche encore et nous sommes de plus en plus forts. Nous remontons une à une toutes les divisions, alors ensemble on essaiera encore de faire honneur aux couleurs qu'on a dans nos cœurs! »

La guerre de l'Étoile

De son logo à ses supporters, en passant par son histoire, son stade, ses joueurs et ses dirigeants, le Red Star est un club à part dans le foot français à tous les égards. Un club qui a pris l'habitude de revenir de loin.

La joie des joueurs le soir du Vendredi 24 mai 2013.

Vendredi 24 mai 2013, huit heures du soir. Saint-Ouen, à quelques encablures de la porte de Clignancourt et de son si célèbre marché aux puces. Dix ans après une rétrogradation administrative en DH, le Red Star joue sa survie en National, trois échelons plus haut, lors de la 38e et dernière journée, en position de premier relégable. En face, Fréjus Saint-Raphaël peut obtenir la montée en Ligue 2 en cas de victoire. Autant dire que l'opposition entre les gars du Sud et les banlieusards parisiens est promise à une tension certaine. Près de 2 500 spectateurs sont entassés dans le séculaire antre du Stade de Paris, surnommé stade Bauer, du nom de la rue qui longe ce dernier. Dont les membres du kop audonien qui, après avoir enquillé les bières chez Akli, à l'Olympic, le troquet d'en face, commencent à dérouler banderoles et chants en l'honneur des « Vert et Blanc » . Pourtant, ce sont les visiteurs qui ouvrent le score un peu avant l'heure de jeu. La menace d'une première relégation en dix ans se fait de plus en plus pressante. Sauf que le Red Star ne tombe jamais sans avoir tout donné. Tandis que le public de Bauer entonne une farandole de chants sans fin, l'équipe locale se réveille peu à peu pour reprendre son destin en main. Jean-Jacques Mandrichi, attaquant corse recruté au mercato d'hiver et dont le look ventre rebondi/cheveux en arrière/bandeau-éponge sur le front fleure bon les années 80, plante une première banderille dix minutes plus tard. Puis une seconde à cinq minutes de la fin du match. Auteur d'un incroyable doublé, Mandrichi n'avait pourtant marqué jusqu'ici qu'un seul but avec le maillot du Red Star sur le dos, après avoir battu à la course un défenseur qui venait de se claquer... Les yeux plongés dans sa bière et dans ses souvenirs, Vincent Chutet-Mezence, président de l'association de supporters Collectif Red Star-Bauer, n'en revient toujours pas : « C'était incroyable ! Je crois que je ne l'ai jamais vu sauter aussi haut que lorsqu'il est venu fêter le deuxième but devant le kop ! » S'il ne reste que six mois au club, Mandrichi aura symbolisé le temps d'un instant ce qu'est le Red Star : un club dont l'engagement et la ferveur sont indéfectibles, même s'il a toujours eu la fâcheuse tendance de se réveiller lorsqu'il était dos au mur. Voire bien au fond du trou. Bref, un club qui ne s'est jamais résolu à mourir malgré les nombreux genoux à terre qui ont jalonné sa longue histoire.

Né sur un coin de table

Une histoire qui débute un jour de février 1897 sur un coin de table d'un bar du quartier de Grenelle à Paris. Jules Rimet, son frère et deux de ses amis décident de fonder un club de football qui « permet aux enfants de toute classe sociale de pouvoir faire du sport » assure Steve Marlet, ancien international français passé par Lyon et Fulham, formé au Red Star et désormais directeur sportif du club. Aussi, « Jules Rimet voulait lier l'activité culturelle à celle du sport » croit savoir Gérard Valck, ancien dirigeant et historien du club, attablé à un café aux abords du stade Bauer. En somme, la bande à Rimet prône l'humanisme. Ne reste plus qu'à trouver un emblème fort à ses valeurs : ce sera l'étoile rouge. La red star. Comme dans toute légende qui s'affranchit de la réalité, les historiens ne parviennent pas à s'accorder sur l'origine de cet astérisque anglophone : provenant de l'étoile de Buffalo Bill pour les uns, d'une nurse anglaise proche de la famille Rimet qui aurait pris la Red Star Line pour traverser la Manche pour les autres. Dans tous les cas, le club a le regard définitivement rivé vers l'ouest avec, en exemple, le fair-play des gentlemen anglo-saxons... La mairie de Paris, elle, voit plus au nord pour le Red Star. Prié de déménager de son terrain de Grenelle, censé accueillir la construction du funeste vélodrome d'Hiver, le club passe les boulevards pour s'installer en 1909 à Saint-Ouen, au Stade de Paris, un terrain construit sur d'anciens jardins ouvriers. Un mal pour un bien : le club y restera sans discontinuer pendant presque un siècle, jusqu'en 1998, avant d'y revenir en 2011 lors de la remontée en National. Surtout, il commence à y écrire les plus belles pages de son histoire. Le club compte alors dans ses rangs plusieurs internationaux français : le défenseur et capitaine Lucien Gamblin, la machine à buts Eugène Maës, suppléé plus tard par Paul Nicolas. Et surtout, le gardien de but Pierre Chayriguès. Considéré comme le meilleur du monde à son poste, il invente le plongeon, la sortie au poing, ainsi que le fait de se jeter dans les pieds des attaquants. Un homme en avance sur son temps qui se permet le luxe de refuser un contrat mirobolant de 12 000 francs de l'époque (soit un peu plus de 38 000€ actuels, ndlr) avec Tottenham pour rester à Saint-Ouen, et qui participe à la fin de sa carrière à l'élaboration du Larousse du XXe siècle. Après la Grande Guerre, nombre de joueurs du Red Star ne reviennent pas des tranchées. Gamblin, lui, rentre du front en héros et conduit ses troupes dans la nouvelle compétition nationale qu'est la Coupe de France. Et pendant que Joséphine Baker fait danser le charleston au Tout-Paris, de l'autre côté des boulevards, les Audoniens font valser les adversaires. Au total, le club remporte quatre fois le trophée en huit ans, dont trois d'affilée (1921, 1922, 1923 et 1928).

Tu sais que tu es supporter du Red Star quand…


Par Florian Lefèvre, Lucas Duvernet-Coppola et Nicolas Ksiss-Martov

... tu chantes « Étoile rouge ! » juste pour faire chier les supporters qui mettent des drapeaux tricolores à tout bout de champ.

... tu chantes « Banlieue rouge ! » même si la mairie est désormais aux mains de l'UDI.

... ton joueur argentin préféré, c'est José Farías. Tu laisses Maradona à Naples.

... tu as plus de 40 ans et tu as connu le vrai Red Star.

... tu ne t'y feras jamais, Red Star Olympique Audonien, ça avait quand même plus de gueule que Red Star Football Club 93.

... tu ne mets désormais tes Fred Perry et tes Docs que pour aller au stade.

... tu as même des potes qui ont joué dans la section rugby du Red Star.

... tu es capable de dire de Jules Rimet qu'il a fondé le Red Star avant de lui attribuer la paternité de la Coupe du monde.

... quand on te parle de la fusion avec Toulouse, tu n'as pas besoin d'aller sur Wikipédia pour comprendre.

... tu te poses des questions aussi peu pertinentes que de savoir si Patrice Haddad ne va pas être le Aulas du 9-3.

... il te reste des jetons de casino dans les poches, mais c'est pour payer ton merguez-frites au stade.

... tu as du mal à reconnaître que le dernier titre, une Coupe de France, date de 1942.

« Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star »

Quelques années plus tard, le club amorce sa seconde mue. D'un côté, le club est aux premières loges de la création du championnat de France de football professionnel, auquel s'oppose pourtant Jules Rimet, devenu entre-temps président de la Fédération française de football. De l'autre, l'arrivée des usines lourdes dans le Nord de Paris, et notamment à Saint-Ouen, bouleverse le paysage et la démographie du coin, transformant les petites échoppes bourgeoises en un tissu de maisons ouvrières. En outre, l'apparition du Front populaire en 1936 amorce une vague d'avancées sociales sans précédent. Et pendant que Léon Blum annonce la création des congés payés et des quarante heures de travail par semaine, le Red Star échoue deux fois en demi-finales de Coupe de France malgré sa paire d'ailiers virevoltants Aston et Simonyi. Le club audonien doit attendre les heures les plus noires de la France pour briller une nouvelle fois en Coupe nationale. Dans une France occupée par les nazis, les Vert et Blanc, parmi lesquels un certain Helenio Herrera, parviennent à remporter le trophée en 1942 face à Reims. Cependant, une ambiance lourde plane au sein de l'effectif : l'entraîneur par défaut est soupçonné d'être un collabo, tandis que le capitaine, Léon Foenkinos, est d'obédience judaïque. Surtout, un petit jeune qui vient d'intégrer le groupe pro cette année-là s'illustre d'une tout autre manière. Rino Della Negra, six mois passés au Red Star durant la saison 1942-43, intègre la résistance au sein du groupe Manouchian, popularisé par l'Affiche rouge placardée sur tous les murs de la France de Vichy. Dès lors, les rumeurs les plus folles courent sur ce fils d'immigré italien, notamment celle qui veut qu'il ait caché des armes dans le Stade de Paris. Tristement, la vérité est tout autre. Parmi vingt et un autres, dont Missak Manouchian, Rino Della Negra est fusillé au mont Valérien le 21 février 1944. Avant de partir, l'aspirant-joueur du club audonien envoie une lettre à son frère : « Embrasse bien fort tous ceux que je connaissais. Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. » Parce que la guerre fait taire les hommes, les liens ténus entre Rino Della Negra et le club audonien demeurent inconnus du grand public pendant longtemps. En 2004, pour les soixante ans de sa mort, une plaque commémorative est installée devant le stade Bauer, stade qui doit d'ailleurs son nom au docteur Jean-Claude Bauer, autre résistant de renom à Saint-Ouen. Dans ce berceau d'engagement et de lutte face à l'oppression, le Collectif Red Star-Bauer décide de faire de Rino Della Negra son porte-drapeau. Littéralement. À chaque match, l'association brandit une banderole avec le portrait du résistant, accompagnée du chant « Tribune ! Rino ! Della Negra ! » , le collectif militant pour que sa travée soit honorée du nom de ce dernier. Vincent Chutet-Mezence explique : « Rino Della Negra, ça nous correspond beaucoup. On a eu de grands joueurs, mais en tant que supporters, il n'y a pas que ce club dont on est fous amoureux. Il y a tout ce contexte autour, et Rino Della Negra représente bien ce lien entre les deux. »


Des magouilles au sein de la banlieue rouge

C'est que le club devient vite la propriété « intellectuelle et morale » des supporters et des gens du coin, dépassant le simple cadre du sportif, bien aidé il est vrai par quelques coups du destin. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le rouge flotte sur toutes les villes qui jouxtent Paris au nord, et la municipalité de Saint-Ouen devient pour la première fois communiste. Fernand Lefort, maire élu en 1945, restera en place jusqu'en 1979. C'est la naissance de ce que l'on va communément appeler la « banlieue rouge » . Une dénomination tellement symbolique qu'elle résonne encore aujourd'hui dans les tribunes du stade Bauer sous la forme d'un chant de supporters : « Hou ! Ha ! Banlieue rouge ! » Pierre Hercy, secrétaire du Collectif Red Star-Bauer, ne cherche pas à masquer ce « côté militant, engagé que l'on retrouve dans le Red Star » , tandis que son oncle Olivier lâche, entre deux bouffées de cigarette, un « Qu'on le veuille ou non, le Red Star, c'est connoté. » Ou quand le Red Star devient l'étoile rouge. Sur le terrain et en coulisses, les résultats en dents de scie et les magouilles ternissent l'image de rempart solidaire du club. S'il reste dans l'élite pendant cinq ans, de 1945 à 1950, il descend vite à l'échelon inférieur après la séparation du Red Star et du Stade français cette même année. Le club végète en D2 et se retrouve même inquiété par une affaire de corruption durant la saison 1954-55. Paul Nicolas, ancien du Red Star et alors président du groupement des clubs professionnels (ancêtre de la LFP, ndlr), empêche le Red Star de monter en D1 à l'issue de la saison. En cause ? Des versements de 10 000 francs faits à des adversaires... Charles Nicolas (aucun lien), l'entraîneur audonien, est radié à vie du football français pendant que le président Zenatti, considéré officiellement comme innocent, est banni pendant trois ans. Peut-être Zenatti paye-t-il sa mauvaise réputation, bien connue sur Paris, de gérant de tripots... Rebelote cinq ans plus tard quand le gardien hongrois de Nantes Lehel Somlay se voit proposer la somme de 20 000 francs par un inconnu à son domicile... Qui n'était autre que le trésorier du Red Star. En conséquence, le club repartira en DH Paris, la cinquième division de l'époque. Pour la première fois, la municipalité communiste de Saint-Ouen vient mettre le nez dans les affaires du club et cinq ans plus tard, sous la coupe de l'entraîneur Jean Avellaneda, le Red Star retrouve l'élite... Pour redescendre l'année suivante. C'est alors que débarque un homme providentiel : Jean-Baptiste Doumeng.

Eusébio, Bellion et Promo Gévaudan

Surnommé le « milliardaire rouge » , cet entrepreneur au physique bonhomme surplombé de lunettes à grosse monture façon Jean-Paul Sartre devient membre du PCF à seize ans, avant de faire fortune grâce au bloc soviétique. Deux termes qui, en principe, ne s'accordent pas, mais qui, d'après Didier Daeninckx, historien de la Seine-Saint-Denis, tombe sous le sens avec Doumeng. « Il fait fortune en important des tracteurs soviétiques "increvables" en France, puis en faisant dans l'agro-alimentaire. Doumeng, c'est un communiste intégral et une sorte de génie des échanges commerciaux, aussi. C'est un personnage sulfureux parce que le principe de toutes ses sociétés, c'est l'opacité. » En matière de football, s'il ne délaisse pas son goût pour le soufre, Doumeng joue en revanche carte sur table. Président du Toulouse FC, le natif de Lavernose-Lacasse est dans le viseur de la mairie socialiste de la Ville rose. À l'image d'un propriétaire de franchise NBA, l'homme d'affaires délocalise manu militari son équipe... à Saint-Ouen. Pour le plus grand bonheur du club du Nord de Paris qui, finalement, se maintient en D1 avec un effectif complètement renouvelé, sans doute plus compétitif et aux teintes rouges sur son vert et blanc. Cette manœuvre est d'ailleurs à l'origine d'une règle dans le football français interdisant à deux clubs distants de plus de quinze kilomètres de fusionner. Le Red Star reste en première division jusqu'à la saison 1972-73, durant laquelle Doumeng et Zenatti choisissent tous deux de se retirer du club, tandis que l'équipe descend en D2. La municipalité remet à nouveau son nez dans les affaires du club et décide de nommer Paul Sanchez, premier adjoint à la mairie, président du club. Étonnamment, le Red Star flambe durant les mercatos et attire d'anciennes gloires du foot français : Nestor Combin, Roger Magnusson, Fleury Di Nallo ou encore Jean-Claude Bras, sous les ordres de l'Argentin José Farías. Historiquement, le Red Star est toujours parvenu à faire venir de grands joueurs en raison de la proximité avec la ville de Paris. Mais pas que. Plus tard, Safet Sušić, Tony Cascarino et plus récemment David Bellion signent pour les Vert et Blanc. À ce titre, Bellion déclare notamment au site 20Minutes.fr : « Ici, il y a aussi quelque chose de plus brut, comme quand tu pars gamin jouer avec ton sac sur le dos. Les supporters t'encouragent tout le temps. Tu prends un but, ils applaudissent, tu marques, ils applaudissent. On se croirait en Angleterre. » Sentiment partagé par le directeur sportif Steve Marlet. Selon lui, « quand on veut faire venir un joueur, on lui parle de l'histoire du club. On parle de ce second club parisien avec d'autres valeurs que l'argent » . Si la pléiade de stars signée dans les seventies aide le club à remonter en D1, il fait également l'ascenseur l'année suivante, en 1975. Le Red Star ne le sait pas encore, mais cette année est la dernière que le club passera dans l'élite. Devant le fiasco total, et parce que le club coûte trop cher aux pouvoirs publics, la mairie communiste retire ses billes du club et fait d'un certain Jean-Claude Massot le nouveau président des Vert et Blanc. Propriétaire de la société Promo Gévaudan, l'entrepreneur n'a que 29 ans et des promesses plein la tête. D'abord, celle de faire du Red Star le club des régions délaissées et pas uniquement celui de la banlieue rouge. Ensuite, celle de faire venir la légende portugaise Eusébio qui, soi-disant, serait intéressée par une pige à Saint-Ouen. Bien évidemment, rien de tout cela n'arrivera. Massot ne verse pas un seul centime dans les caisses du Red Star et quitte un navire, dont il est censé être le capitaine, en train de couler. Le Red Star a un genou à terre. Le second tremble fébrilement alors que la liquidation judiciaire du club est annoncée.

Tu sais que tu es supporter du Red Star quand…


... tu n'as pas envie que ton club devienne à François Hollande ce que le PSG est à Sarkozy.

... tu es étrangement fier qu'Anthony Guy Cascarino, joueur de Millwall et du Celtic Glascow, ait aussi (un peu) joué au Red Star.

... tu adores raconter de belles histoires sur Pierre Chayriguès, gardien des Bleus et du Red Star, et amateur marron en 1925.

... tu as clashé Claude Askolovitch sur Twitter le soir du dernier Red Star – OM au stade de France.

... tu as suivi le club à La Courneuve, et en transports en commun.

... tu as vu le Red Star taper l'OM, 2 à 1, à domicile au milieu des fumis et des bastons en 1994.

... tu t'en fous du Stade de France, de Beauvais ou d'un nouveau stade à Saint-Ouen, car le Red Star, c'est à Bauer !

... tu sais qui étaient les Partizans 93.

... tu kiffes bien le nom des Perry Boys, mais tu n'arrives pas à oublier Manchester pour autant.

... tu penses que Red Star/PFC, c'est aussi puissant qu'un derby OL/ASSE.

... tu as acheté le dernier album du 8°6 Crew juste pour la pochette.

... tu sais que dans le groupe Manouchian de la FTP-MOI, il y avait Rino Della Negra, mort fusillé pour la France et contre le fascisme, en pensant à ses copains du Red Star.

... l'étoile rouge, c'est un nom qui te parle. Tu serais pas de gauche, par hasard ?

... tu fais semblant d'oublier que le nom Red Star, en fait, ce serait un hommage à une employée anglaise de la famille Rimet.

... tu avais appris deux mots en serbo-croate pour encourager Safet Sušić en 1992.

... les Puces de Saint-Ouen, tu trouves ça super. La guitare manouche dans les petits rades alentour aussi.

... tu le répètes toujours aux néophytes, le foot, c'est pas une question de résultat, mais d' « âme » .

Steve Marlet : « On veut s'inspirer du modèle de l'Ajax »


Espoir, puis joueur de renom, avant de devenir directeur sportif depuis 2014, Steve Marlet est une gueule du Red Star. Ailier fougueux dans les années 90, il est devenu l'un des hommes forts du projet de Patrice Haddad et aborde la Ligue 2 avec un projet ambitieux.

Le Red Star accède cette année à la Ligue 2. Vous êtes pile dans les clous des objectifs fixés par le président Haddad à son arrivée en 2008.
Honnêtement, ce n'est pas une surprise, sans vouloir être prétentieux. Quand on regarde nos deux premières saisons ensemble, on a souffert, mais l'année dernière (en 2013-14), on n'est pas passés si loin de la montée. On avait payé cash notre mauvais début de saison. En 2014-2015, on est repartis sur la même dynamique avec très peu de changements et un staff identique. On avait tout prévu.

La saison prochaine, l'équipe a trouvé une terre d'accueil à Beauvais, car le stade Bauer est en travaux. Désireux de construire un stade neuf ailleurs, le président Haddad s'est finalement résolu à rénover Bauer, comme l'espéraient les supporters. En tant que directeur sportif et ancien joueur apprécié de tous, que représente Bauer à vos yeux ?
Sur ou en dehors du terrain, c'est la même chose : j'ai toujours eu beaucoup de plaisir à jouer ici, et j'en ai tout autant en m'installant dans les tribunes à présent, même si c'est plus frustrant. C'est le stade où j'ai commencé le football. Maintenant, toutes les catégories jouent à Bauer, mais avant, fouler cette pelouse était un honneur, c'était seulement en lever de rideau. Donc pour moi, c'est le stade de l'équipe première, celui des grands. J'aimerais que les jeunes aient aujourd'hui cette même réflexion, que ce soit un honneur pour tous les gamins du coin de venir ici, comme à l'époque.

On a l'impression pourtant que l'attachement des jeunes au Red Star s'est atténué avec le temps. Est-ce qu'il y a une volonté du club de faire revivre ce petit truc à part ?
Oui, c'est l'une des bases du nouveau projet. Une montée en Ligue 2 entraîne forcément de redevenir un club formateur. C'est le gros chantier pour l'avenir avec le stade. On veut essayer de faire quelque chose de différent de ce qu'il y a déjà à Paris. On veut se baser sur ce que fait Lyon avec un recrutement régional ciblé. Il y a un si gros vivier en Île-de-France qu'il y a de belles opérations à faire sur le plan sportif. On veut aussi s'inspirer du modèle de l'Ajax Amsterdam et faire revenir des anciens pour monter un socle familial, ce qui est en accord avec la philosophie du Red Star.

Aux yeux des jeunes du club, vous représentez une partie de l'histoire du Red Star. Aujourd'hui, votre fils joue ici, vous lui en parlez parfois ?
Il est encore jeune et veut faire comme son papa. Il a toujours voulu jouer ici et rêve de porter lui aussi ce maillot dans ce stade. Tous les gamins que je vois ici ont leurs parents de ma génération qui venaient nous voir jouer et qui connaissaient le club avec une base de formation, forcément, ils en parlent. On a une responsabilité auprès d'eux aussi.

Les joueurs assurent vouloir créer leur propre histoire, une nouvelle page du Red Star. Est-ce que vous partagez cette vision ?
C'est exactement ce que l'on recherche. Il y a une autre histoire écrite par de grands joueurs d'une autre époque, dans un contexte différent ; maintenant, on doit écrire la nôtre. Après, on veut continuer à perpétrer certaines traditions, comme nos exploits en Coupe de France. L'histoire d'un club s'écrit avec des trophées ou des matchs références. On a posé la première pierre, le futur dictera la suite.



Propos recueillis par Maxime Brigand et Florian Lefèvre
Reservoir Dogs

400 spectateurs en 5e division

Sauf qu'un autre Jean-Claude, Bras cette fois-ci, ne peut se résoudre à voir ce club mythique agoniser pour des raisons bassement pécuniaires. En 1978, l'ancien joueur du club est nommé président d'un Red Star qui repart à nouveau depuis la DH Paris et qui va désormais s'appuyer sur son tout récent centre de formation. Et la tâche est d'ampleur. De l'autre côté du périphérique, un autre club est en train d'émerger : le PSG. Ce qui arrange bien Paris, à vrai dire. « Quand Jacques Chirac est arrivé à la mairie de Paris, il voulait qu'il y ait un club à Paris, mais surtout, il ne voulait pas que ce soit le Red Star. Donc il y a eu une campagne en faveur du PSG, orchestrée notamment par Europe 1, pour faire la nique au Red Star. Maintenant, Paris, c'est PSG pour les gens » , croit savoir Gérard Valck, un verre de Perrier dans la main. « Mais le Red Star a quand même survécu à toute cette période. Combien de clubs sont morts ? Le Stade français et le CA Paris ont disparu complètement, le Racing est en DH. Le PSG, c'est artificiel. Quand on me parle de Barcelone, de Madrid, de Rome... Oui, ce sont des clubs centenaires. Le PSG n'a que 40 ans. Et dans les années 70, le PSG faisait 15 000 spectateurs. Nous, on faisait 10 000. » Évidemment, lorsque le club retombe en cinquième division, les supporters sont bien moins nombreux. Mais répondent toujours présent. Valck, toujours lui, assure que « quand d'autres clubs pouvaient crever devant dix ou quinze spectateurs en DH, au Red Star, on était trois cents ou quatre cents à venir supporter le club dans les tribunes » . Olivier Hercy, autre mémoire vivante du club, va plus loin : « Bras, heureusement qu'il était là pour qu'on entende encore parler du club parce que sinon, on finissait comme n'importe quel autre club omnisports de la région parisienne. On disait qu'il était sympathisant communiste. C'était à l'époque où le PCF comptait encore un peu, il y avait Georges Marchais (ancien secrétaire du Parti communiste français, ndlr) dans les tribunes, parce que son gendre Xavier Pérez goalait dans les buts du Red Star. » Didier Daeninckx ne dit pas autre chose : « Bras, c'était un agent municipal, en gros. Il était dirigeant du club et, en même temps, très lié à l'appareil politique municipal. Un personnage politique. » De fait, le président du Red Star a des alliés de choix pour subsister dans un football qui commence salement à sentir l'argent. La mairie, d'abord : Paulette Fost, qui succède à Fernand Lefort à la tête de Saint-Ouen, perpétue les valeurs communistes de la ville. Et du club, indirectement. « Le but était de construire un football sportif et pas financier, si vous voyez ce que je veux dire. On a participé à ce que le club ne meurt pas de ses "frasques". On a considéré ça comme des malheurs momentanés en essayant de participer à une meilleure santé du club » , assure l'ancien maire, pétillante malgré ses soixante-dix-sept ans. Le conseil général de Seine-Saint-Denis, ensuite : sous l'impulsion du président du conseil Robert Clément, accessoirement maire PCF de Romainville, le club devient un vecteur de valeurs pour la jeunesse et le sport local, renforcé par la création d'un tissu de clubs dont les sections jeunes sont chargées d'abreuver le Red Star en sang neuf. En conséquence, le club de Saint-Ouen épouse enfin sa condition et devient le club « du 9-3 » . « Le Red Star, ça représente plus que Saint-Ouen. Ça représente la Seine-Saint-Denis ouvrière » , termine Paulette Fost. Sur le terrain, le club se stabilise dans le ventre mou de la D2 entre 1982 et 1999, s'autorisant même un petit passage de deux ans en D3, entre 1987 et 1989. En vérité, c'est surtout sur le banc que les choses se passent. En moins d'une décennie, le club audonien est coaché par Roger Lemerre, Georges Eo, Philippe Troussier et même Robert Herbin, l'entraîneur d'autres Verts mythiques. Ceux du grand Saint-Étienne des années 70, de Glasgow 1976 et des poteaux carrés. Larqué, Rocheteau et les frères Revelli sont désormais loin pour Herbin, remplacés dans son système de jeu par des jeunes pousses telles que Steve Marlet, Samuel Michel et Ted Agasson, formés au club. Ils manquent de peu la montée en D1 lors de la saison 1992-93, un an après un parcours honorable en Coupe de France qui les verra échouer en quarts de finale.

« Le Red Star, ça représente plus que Saint-Ouen. Ça représente la Seine-Saint-Denis ouvrière » Paulette Fost

Un stade de 105 ans et un supporter de 93 ans

Mais la bulle économique du football, qui vécut dans les années 90 une incontrôlable frénésie à l'image de la mise en place de l'arrêt Bosman, aura une nouvelle fois raison du club d'irréductibles Audoniens. Et de Jean-Claude Bras. « C'était un type un peu dépassé par l'arrivée du sport business. L'argent, les prétentions des joueurs, devoir jouer avec des budgets fluctuants... C'était pas facile pour lui » , s'amuse Didier Daeninckx. Surtout, la LFP oblige le Red Star à quitter sa légendaire mais vétuste enceinte de « Bauer » , ce stade « à l'anglaise avec ses tribunes qui sont toujours les mêmes depuis les années 50 » dixit Valck, et qui ne répond pas aux normes du football moderne. Bras réclame de jouer au récent Stade de France parce qu'après tout, ce dernier a été construit au beau milieu de la Seine-Saint-Denis. De « son » 9-3. Mais le club finit au stade Marville, une enceinte de 10 000 places dans la ville voisine d'Aubervilliers. « Un mouroir » d'après Olivier Hercy. Et ce dernier ne croit pas si bien dire. Une dernière fois, en 2001, le Red Star dépose le bilan, après un baroud d'honneur en Coupe de la Ligue 2000 où il échoue en demi-finales face au futur vainqueur Gueugnon. Depuis, le Red Star s'est remis à faire ce qu'il sait faire de mieux : remonter une à une toutes les divisions, lentement mais sûrement, appuyé par un indestructible kop de supporters qui couvre pendant 90 minutes n'importe quel bruit alentour, dans un stade qui vient tout juste de fêter son centenaire. Ce qui ne dérange pas plus que ça Vincent Chutet-Mezence : « Le jour où on se barre dans un stade ultra-moderne, comme tout ce qui se fait un peu partout en France, on aura l'impression que le club aura connu une première mort. » Les instances du football français, elles, sont plus tatillonnes. Trop vétuste, le stade Bauer n'est pas aux normes pour accueillir des rencontres de Ligue 2, championnat dans lequel va évoluer le Red Star cette saison 2015-2016. En attendant, les Vert et Blanc évolueront au stade Pierre-Brisson de Beauvais, à 80 kilomètres de leur base, et ce, pour au moins deux saisons, si ce n'est plus. Un genou à terre, une nouvelle fois. Sans mentionner le décès de Gérard Bourrier en mai dernier à l'âge de… 93 ans. Doyen des supporters audoniens, il était la seule personne encore vivante capable de témoigner du dernier titre glané par le Red Star (une Coupe de France en 1946) et venait s'asseoir tous les vendredis sur les bouts de béton froids qui servent de travées à Bauer. Le symbole d'un Red Star qui a longtemps résisté à l'ère du football moderne avant d'y céder fatalement ? Pas obligatoirement. Malgré une gentrification grandissante, du marché aux puces qui entoure le stade jusqu'aux petites échoppes qui s'égrènent jusqu'aux bords de Seine en passant par les tribunes de Bauer remplies de hipsters en goguette, Saint-Ouen tient à garder son atmosphère anachronique. Ce qui n'est pas pour déplaire à de nombreuses personnes, dont Olivier Hercy : « Saint-Ouen, quand tu arrives, t'as l'impression que le temps s'est un peu arrêté. Quand je suis à Saint-Ouen, je suis ailleurs. » À ce titre, le maire UDI William Delannoy a choisi de rénover le stade Bauer, refusant de facto le projet d'un nouveau stade sur les docks de Seine proposé par le club, qui aurait sans doute un peu plus tué l'histoire d'un club au passé mouvementé, mais aux valeurs plus que stables. Mais quoi qu'il arrive à son club de toujours, Gérard Valck est sûr d'une chose : « Le Red Star ne mourra jamais. »

Par Matthieu Rostac - Article à retrouver également dans le numéro 103 du magazine néerlandais Hard Gras

On a pris une bière à l'Olympic



Fin de journée sur Saint-Ouen. En face du stade Bauer, alors que la canicule tabasse le crâne des habitués de l'Olympic, Romain Bardet exulte sur le petit écran qui aimante les yeux des clients de l'établissement. Le coureur français vient de remporter en solitaire la 18e étape du Tour de France dans le final du col du Glandon. Pourtant, aucun sourire n'apparaît sur les visages. L'important est ailleurs, la grise mine est de mise. Akli, aux manettes du QG historique des supporters du Red Star, prend la parole devant ses troupes : « On a appris que le club devait déménager par la presse. On est juste en face, et personne du club n'est venu me voir pour m'annoncer la décision de partir jouer à Beauvais. On s'en doutait, on s'y préparait, mais ici, ça passe mal. »

Depuis plus d'un siècle, à l'image de ce qui est tradition en Angleterre, les supporters du Red Star alternaient entre les tribunes de Bauer et le comptoir de l'Olympic, avec ses Heinekein 25cl à 2,5 euros, les soirs de match. L'établissement se prépare pourtant à vivre la première saison de son histoire sans football. Le Red Star est parti s'installer à Beauvais, faute d'un stade homologué par les instances nationales. « Toute la ville a peur de ce qui va se passer, se demande si le Red reviendra un jour à Saint-Ouen. On parle quand même d'un monument historique, et ici, c'est la seule animation, reprend Akli. Les soirs de matchs, c'est de la folie, et tout le monde se connaît de près ou de loin. J'ai peur économiquement aussi, mais j'ai confiance, personne ne me lâchera. » Un simple espoir ? Après un tour de table, on comprend que la décision est unanime : personne n'ira à Beauvais. « Trop dangereux avec l'alcool » , « trop loin » , « pas chez nous » . Akli a décidé de prendre un abonnement supplémentaire et diffusera tous les vendredis soir les rencontres du club pour les fidèles. « Je ne peux pas vivre une rencontre du Red Star ailleurs. C'est à 50 mètres de ma piaule, je peux boire un coup, et ici, on est en famille. On ne trahit pas les siens » , prévient Jean, la cinquantaine en sirotant une « seize » .

Aristide se lève et montre les centaines de posters accrochés aux murs par les supporters depuis l'ouverture de l'Olympic dans les années 20. « J'ai l'impression que l'on nous arrache un enfant. Ici, les groupes de supporters préparaient leurs animations, tenaient des réunions. On se retrouve toutes les semaines et on n'a que ça. C'est politique, on ne peut rien y faire » , raconte l'ouvrier. Akli, lui, préfère se souvenir de la soirée de la montée, où « les policiers venaient boire un coup avec les 300 supporters venus faire la fête » , de Steve Marlet qui buvait son café, de Mesrine qui venait dormir au deuxième étage après un crochet dans les tribunes de Bauer. « On va voir comment la page va se tourner, on a tout fait pour garder le club ici, mais maintenant, on ne peut rien y faire » , lâche-t-il, le sourire en berne. Ce vendredi 31 juillet, il suivra la première journée de championnat où le Red Star « reçoit » Créteil. Pour la première fois depuis vingt ans, il n'entendra pas Bauer chanter.

Par Maxime Brigand

« Et le Red Star ! C'est à Bauer ! Et le Red, c'est à Bauer ! »

Rino Della Negra, le chant du partisan

« Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. » Voici les derniers mots de Rino Della Negra. Un simple extrait de la lettre d'un fusillé de vingt ans, adressée à son petit frère. Nous sommes le 21 février 1944, à Fresnes. Les vingt-deux résistants (la vingt-troisième, Olga Bancic, sera décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart) du groupe Manouchian, dont les visages apparaissent sur la funeste « Affiche rouge » placardée par l'occupant sur les murs de Paris, vont bientôt être passés par les armes au mont Valérien. Il fait très froid cet après-midi-là. Sur les sombres photos prises par un jeune sous-officier de la Wehrmacht du nom de Clemens Rüther, retrouvées plus tard par l'historien Serge Klarsfeld, on distingue à peine la rangée de canons du peloton. De 15h22 à 15h56, six salves retentissent. À 15h29 précises, lors de la « seconde fournée » , Rino Della Negra s'effondre aux côtés de Georges Ferdinand Cloarec, Cesare Lucarini et Antonio Salvadori. Deux ans auparavant, il jouait encore pour le Red Star.

« La petite Italie antifasciste »

Avant de faire du football, puis de s'engager dans la résistance, Rino Della Negra, né le 18 août 1923 à Vimy, dans le Nord de la France, fut d'abord le fils d'un briquetier trimbalant sa famille au gré des chantiers. En 1926, les Della Negra finissent par s'installer durablement à Argenteuil, dans l'ancienne Seine-et-Oise. Rien d'étonnant à ce choix : la ville accueille depuis déjà longtemps une significative communauté italienne, renforcée par l'avènement du fascisme, qui chasse de nombreux transalpins de la Botte. La plupart s'installent dans le quartier de Mazagran, qui abrite déjà 2 200 immigrés italiens lorsque les Della Negra y posent leurs valises. L'adresse indique le 119, rue de Sannois - une enfilade de bâtiments tristes où se regroupent les originaires de Vénétie, d'où vient aussi la famille Della Negra. Un détail, le coin constitue « le berceau de la petite Italie antifasciste » , selon Antonio Canovi, auteur du livre Argenteuil, creuset d'une petite Italie. Une identité politique forte qui a son importance. Car dorénavant, la courte vie de Rino sera irrémédiablement liée à sa nouvelle commune d'adoption – dont une rue porte aujourd'hui le nom.

En 1937, alors qu'il n'est âgé que de quatorze ans, Rino entre en tant qu'apprenti ajusteur aux usines Chausson d'Asnières. Parallèlement, le jeune fils d'immigrés commence à briller dans un autre registre : le foot. Engagé parmi divers clubs locaux amateurs (le Football Club d'Argenteuil, puis la Jeunesse sportive argenteuillaise), Della Negra franchit les catégories d'âge pour s'imposer en tant qu'avant-centre, puis ailier droit. Pour l'heure, il ne s'agit pourtant que d'un passe-temps. Le tout jeune foot professionnel, qui n'existe alors que depuis 1932, ne représente en effet pas une perspective d'avenir très sérieuse. Surtout lorsqu'on a, comme Della Negra, un emploi assuré. La donne change en juin 1940. Dans une France vaincue, coupée en deux et un Paris placé sous occupation allemande, le recrutement de vedettes étrangères comme l'Argentin Helenio Herrera ou le Hongrois André Simonyi, qui jouent en France, se complique sérieusement pour les clubs de l'Hexagone. Le Red Star, la grande équipe du coin, part donc à la pêche aux espoirs amateurs. C'est sans doute à cette configuration exceptionnelle que Rino Della Negra doit son arrivée au début de la saison 1942-43 dans le prestigieux club audonien, tout juste auréolé de sa quatrième victoire en Coupe de France. Au Red Star, le gamin, discret, est bien accepté. « J'aimais ce gosse-là, un Italien qui défendait la France. Je ne savais pas qu'il était dans la Résistance, je ne l'ai su qu'en 1944, lorsqu'il a été fusillé » , indiquera plus tard Léon Foenkinos, capitaine de l'équipe de l'époque, à Claude Dewaele, historien de la ville de Saint-Ouen. Un journal, Le Réveil, fera même dire après-guerre à ses « coéquipiers de 1943 » que Della Negra était un « joueur intelligent et d'une finesse digne de Ben Barek : il était l'espoir audonien » . La réalité semble plus modeste. En vrai, il ne reste aucune trace du jeune homme dans les revues d'effectif de la presse, ni chez les pros, ni dans l'équipe première amateur. Ce n'est guère surprenant. Le club compte alors de vraies stars, comme l'international Fred Aston, surnommé le « feu follet » pour ses dribbles fantasques, ou encore Julien Darui, le gardien attitré des Bleus. « Della Negra, c'est la légende qui a rattrapé l'histoire, précise Pierre Laporte, ancien joueur et historien du Red Star. Sa relation avec le club fut réelle mais ténue. »



La guérilla plutôt que le STO

L'absence de Della Negra dans les éphémérides du club tient peut-être également à la brièveté de son passage et à son entrée en Résistance. Car l'histoire s'invite de nouveau dans la vie de Rino. En juin 42, le régime de Vichy instaure le STO pour les classes 1920-1922, sous la forme d'un substitut de service national. 600 000 travailleurs français se retrouvent alors contraints de partir travailler en Allemagne. En 1943, Rino reçoit sa convocation. Il ne s'y rendra pas. Et pour cause : le joueur avait rejoint dès octobre 1942 le troisième détachement italien (matricule 10 293) FTP-MOI (main-d'œuvre immigrée), une branche de la résistance armée affiliée aux communistes. À cette époque, Della Negra entre donc définitivement dans la clandestinité. Six mois à peine après son apparition sous les couleurs audoniennes, c'en est déjà fini du foot. Planqué chez « un ami arménien » , l'attaquant s'implique dans la « guérilla urbaine » . Car les FTP-MOI « devaient se battre, explique Benoît Rayski, auteur du livre L'Affiche rouge. Ils n'avaient pas d'autre choix. Après les défaites en Italie et en Espagne - certains étaient d'anciens des Brigades internationales -, ils ne pouvaient simplement pas abandonner. » Rino ne dira pas autre chose à ses parents dans sa dernière lettre : « Je regrette de ne jamais vous avoir dit ce que je faisais, mais il le fallait. Faites comme si j'étais au front, soyez aussi courageux que moi. »

Le groupe dirigé par Missak Manouchian devient en cette année 1943 le cauchemar des Allemands, et surtout celui de la sinistre Brigade spéciale n°2 des Renseignements généraux, qui se fera une spécialité de sa traque. Les six premiers mois de 1943, le groupe Manouchian réalise 92 attentats. Rino est sur de nombreux coups. Il participe à l'exécution, le 7 juin, du général Von Apt, 4, rue Maspero, dans le 16e arrondissement. Le 10 juin, jour anniversaire de la déclaration de guerre de Mussolini à la France, il prend part à l'attaque du siège central du parti fasciste italien, rue Sédillot, près du Champ-de-Mars. Malheureusement, le 12 novembre, une opération menée contre des convoyeurs de fonds allemands au 56, rue La Fayette, se termine en fusillade. Blessé, Della Negra est repéré l'arme à la main quelques heures plus tard rue Taitbout, et arrêté. Soigné à l'hôpital de la Salpêtrière, il est ensuite embastillé au Cherche-Midi. La suite est tristement connue. Pendant ce temps, le Red Star, son club, est contraint de se fondre dans l'une des équipes régionales créées par Vichy. Il ne renaîtra qu'à la Libération. Sans plus jamais gagner de titres.

Par Nicolas Kssis-Martov

Merci à Claude Pennetier du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et Éric Lafon et Elsa Rouzier du musée d'histoire vivante de Montreuil.

Tu sais que tu es supporter du Red Star quand…


... les derniers grands joueurs que tu as vu jouer, c'est Steve Marlet et David Bellion

... un tableau d'affichage digne de ce nom, ça se change à la main.

... Samuel Michel, Didier Thimothée, Samuel Boutal, Guillermo Mauricio: ça, c'est du carré magique.

... le vrai club formateur de Lassana Diarra et Abou Diaby ? Soyons sérieux.

... tu as déjà entendu 500 fois l'histoire de ton grand-père te parlant d'Helenio Herrera sous la liquette verte.

... le vert va décidément bien à Robert Herbin et Pierre Repellini.

... en 1993, tu te voyais déjà en première division.

... la deuxième division groupe B, tu connais.

... en fait, tu étais très bien en National, car c'est la D1 d'autrefois.

... tu tentes encore souvent de bénéficier du tarif étudiant à 2,50 euros.

... tu as vu Brésil-Andorre à Bauer en 98, et franchement, cela ne vaut pas une victoire sur Créteil.

... le samedi soir, tu vas aux concerts de ska.

... tu cries dans les tribunes ta colère contre la nouvelle mairie de droite de la ville. Même si tu n'habites pas à Saint-Ouen.

... tu as connu une époque où il fallait acheter Le Parisien pour lire les résultats du Red Star.

... cette saison, tu achètes le maillot sans hésiter. C'est de loin le plus beau de l'Hexagone.

Mais qui es-tu, le stade Bauer ?


Aucun chant ne résume mieux la saison de la montée en Ligue 2 que « Et le Red Star, c'est à Bauer ! » Pour les supporters, pour les « anciens » , le club audonien reste intiment lié à sa maison mère. Son départ vers Beauvais ne passe pas, même si, déjà par le passé, l'équipe s'était un temps exilée à La Courneuve pour cause de travaux. On parle d'une relation symbiotique, quelque part entre héritage footballistique plus ou moins fantasmé, culture des tribunes et « âme » du club. Bauer, c'est bien plus que du ballon. S'agissant de nom, seul Auguste-Delaune – le stade de Reims, nommé ainsi en hommage à un sportif communiste mort sous la torture de la Gestapo en 1943 – peut prétendre le concurrencer en matière d'hommage à la résistance antinazie. Jean-Claude Bauer, médecin de profession, fut en effet fusillé au mont Valérien le 23 mai 1942 par les Allemands.

Depuis quelques années, il participe surtout à façonner l'identité à l'anglaise de ce vénérable ancêtre du foot français, en équilibre entre punk et sandwichs merguez-frites, places debout et environnement ouvrier. Pour y accéder, il faut franchir la frontière symbolique du périphérique Nord de Paris, dépasser les puces, pénétrer au cœur de la ville de Saint-Ouen, arpenter une avenue longue, droite et triste, pour bifurquer vers la rue du docteur Bauer, qui héberge donc le « Stade de Paris » , son véritable nom (c'est Le Parisien qui, à force de lui accoler son adresse, lui attribuera ce prestigieux intitulé). Construit sur d'anciens jardins ouvriers, il a été, un temps, le centre du football parisien, avant la création du PSG qui rebascula le curseur géographique et social vers le 16e arrondissement. « En 1964, le Red Star, premier en D2, reçoit le Stade de Reims. La rencontre se déroule devant 22 000 entrées payantes. La veille, le Racing de Paris avait joué l'OM au Parc des Princes devant à peine 2 200 spectateurs » , rappelle Pierre Laporte, ancien joueur devenu historien amateur.

À quoi ressemble la bête ? Une façade qui surplombe humblement un petit parking et un terrain en léger renfoncement qui sert occasionnellement de décor typique pour télé et cinéma (la série Falco, récemment). Pas de quatrième mur, mais un immeuble en forme d'escalier d'où l'on peut mater gratos le match. Un club house familial, un bar, l'Olympic, juste en face avec ses stickers militants collés partout, et un siège social qui sent encore bon l'associatif. Un petit monde bien au chaud à l'époque du National. Seulement, inadapté aujourd'hui face aux exigences du foot pro français et de la LFP, son avenir semble malheureusement de plus en plus s'éloigner de celui de l'équipe première. À moins que…


Par Nicolas Ksiss-Martov

« Etoile Rouge, Etoile Rouge, suis l'étoile partout quand elle bouge ! Etoile Rouge, Etoile Rouge, pour toujours Etoile Rouge ! »



Top 10 : matchs historiques

Forcément, quand on est un club créé à la fin du XIXe siècle, on a disputé quelques joutes mémorables. Dont au moins une bonne dizaine ont laissé une trace profonde, qu'elle soit joyeuse ou douloureuse.

Red Star - Old Wesminter

24 octobre 1909
Nulle trace du score et des buteurs, mais cette rencontre entre amateurs parisiens et anglais ouvre une nouvelle longue et riche page de l'histoire du Red Star. Chassée du pied de la tour Eiffel - son lieu d'origine - par le vélo et la reconstruction du « Vel d'Hiv' » , l'Étoile rouge investit pour la première fois la rue de la Chapelle à Saint-Ouen. Pas encore communément appelée Bauer, l'enceinte se nomme officiellement « Stade de Paris » . Les couleurs sont aux Marine et Blanc, tandis que de son côté, Jules Rimet est sur le point de laisser les clefs de la maison… pour fonder quelques années plus tard la Coupe du monde.

Red Star - Racing (2-1)

28 mars 2000
Le Stade de France est clairsemé, le maillot audonien est rouge - floqué CORA et UPC -, mais qu'importe, la fête est réussie. Deux ans après avoir reçu l'AS Saint-Étienne à Saint-Denis, l'AS Red Star 93 s'invite une nouvelle fois dans le plus grand stade de France pour célébrer son centenaire… l'année de ses 103 ans. Richard Akiana plante deux fois et offre une victoire de gala au club de Saint-Ouen. Une cinquantaine d'anciens se retrouvent sur le bord de la pelouse, le président Jean-Claude Bras a même pris la peine de faire distribuer le bouquin mastoc sur l'histoire du club à chacun des 25 000 spectateurs.

Fréjus St-Raphaël - Red Star (3-4)

15 mai 2015
Les 1 300 habitués du stade Louis Hon ne s'attendaient pas à une telle folie. À vrai dire, ils ne reverront sûrement jamais un scénario aussi invraisemblable, au sein de la petite enceinte varoise. À la 89e minute de cette rencontre sans enjeu, Franck Madou fait le break pour l'Étoile Fréjus St-Raphaël (3-1) et pense plier les débats. Sauf que les visiteurs vont planter coup sur coup trois réalisations par Naïm Sliti (deux fois) et Kévin Lefaix. Une remuntada invraisemblable, qui offre le titre de champions de National aux Audoniens, déjà assurés de monter en Ligue 2.

Red Star - Gueugnon (2-2, 8-9 t.a.b)

3 avril 2000
Une pluie battante se déverse sur la pelouse de Marville à La Courneuve. Vincent Doukantié lui, a abandonné son poste dans l'entrejeu : et pour cause, le milieu défensif de l'AS Red Star 93 envoie une volée du tonnerre vers le but gueugnonnais. Un boulet claqué en corner du bout des doigts par Richard Trivino. Le score est alors de parité (1-1), puis les deux formations se répondent encore une deuxième fois, et tout se joue aux tirs au but. La séance n'en finit plus. Onzième tireur de l'équipe bleu et jaune, Trivino ne tremble pas : il envoie les Forgerons au Stade de France. Le héros du match, le bourreau du Red Star.

Red Star - Paris FC (0-1)

4 mars 1978
C'est un match à quitte ou double. Concurrent direct dans la course à la montée en D1, le Paris FC marque un but suffisamment litigieux pour qu'un supporter audonien descende sur la pelouse, avec la volonté d'en découdre avec l'arbitre. Sur le banc des visiteurs, le coach du PFC adresse un bras d'honneur à la tribune. Bauer lui répond par des cailloux. Mais le Red s'incline. En mai, il n'y a plus d'argent dans les caisses, la mairie dépose le bilan ; les joueurs reçoivent leur lettre de licenciement, le club repart la saison suivante en Division d'Honneur. Une petite mort.

Red Star - Évry (2-0)

8 mai 2005
C'est le dernier match de la saison. Dans un Bauer coloré, la bande à Jean-Luc Girard doit l'emporter pour arracher son accession en CFA 2. Car, il y a tout juste dix ans, le Red Star FC 93 évoluait bien en Division d'Honneur. La faute à une dégringolade sportive et un deuxième dépôt de bilan. Ce jour-là, Aboubacar Tandia marque deux fois contre les Essonniens. Avec cinq points d'avance sur l'Entente Sannois Saint-Gratien, les Verts sont champions de la Ligue de Paris. Le renouveau est en marche. Mais où en serait aujourd'hui le club de Saint-Ouen s'il s'était enlisé en DH ?

LOSC - Red Star (4-2)

26 mai 1946
Au stade Yves-du-Manoir de Colombes, les Lillois, souverains en championnat, font coup double en Coupe de France. Pour la première fois en six tentatives, le Red Star Olympique, emmené par l'international Fred Aston, butte sur la dernière marche de la compétition. Bolek Tempowski, René Bihel et Roger Vandooren (deux fois) sont les héros du jour ; la réduction de l'écart par l'autre tricolore de l'équipe audonienne, Lucien Leduc, puis Albert Moulet, n'y change rien. C'était la dernière finale du Red Star. Un an plus tard, les Verts obtiennent également leur meilleur classement en première division (7e). La grande époque.

Red Star - FC Istres (4-0)

8 mai 2015
Le suspense n'aura pas duré longtemps. Au bout d'une demi-heure, Kevin Lefaix, Naïm Sliti et David Bellion ont plié l'affaire. À guichets fermés, Bauer peut faire la fête : seize ans après, le Red Star FC revient en deuxième division ! Lefaix se paye un doublé, le kop scande son attachement à son enceinte chérie et les stadiers postés devant la tribune croient pouvoir dissuader l'envahissement de terrain. Joueurs, éducateurs, supporters, tous se retrouvent finalement avec la banane au centre du synthétique. Et Florian Makhedjouf s'improvise chauffeur de salle - avec un micro qui ne marche pas.

Red Star - OM (2-1)

9 septembre 1994
L'AS Red Star 93 se paye l'Olympique de Marseille ! Dans une ambiance survoltée (voir encadré), les locaux prennent le meilleur sur le leader de D2, grâce notamment à un bijou de Jean-Luc Girard. Juste avant la pause, le milieu de terrain se charge d'un coup franc face au but : pleine lucarne ! Fabien Barthez n'a plus qu'à aller chercher le cuir au fond des filets. Au retour des vestiaires, Didier Thimothée fait le break. Réduit en infériorité numérique, Marseille revient grâce à Bernard Casoni, sans pour autant parvenir à égaliser. L'Étoile rouge tient sa victoire de prestige.

Red Star - Olympique Paris (2-1)

24 avril 1921
Le stade Pershing du bois de Vincennes retient son souffle. Penalty, à dix minutes du terme, en faveur des Vert et Blanc… de l'Olympique de Paris. Jules Dewaquez a l'égalisation au bout du pied, mais sa frappe est molle. Le malheureux a tapé la terre, au lieu du cuir. « Merci Julot ! » , se marre le portier audonien, Pierre Chayriguès, qui sera plus tard porté en triomphe par ses coéquipiers. C'est le tournant du match. Victoire finale 2-1 du Red Star Amical Club, grâce à des buts de Clavel et Naudin. Le club tient sa première coupe, suivront deux autres dans la foulée, puis encore une paire, en 1928 et 1942.

« Le Red Star, le Red Star, le Red Star c'est uniquement à Bauer, à Bauer, à Bauer! C'est le gardien de notre histoire, notre histoire, notre histoire! Il est gravé dans nos coeurs, dans nos coeurs, dans nos coeurs! »

Le jour où
Bauer a tapé l'OM


9 septembre 1994. Tous les supporters audoniens ont coché la date sur leur calendrier : l'OM débarque à Bauer, pour affronter le Red Star. Mais les Verts ne sont pas les seuls à se frotter les mains en songeant à cette affiche de gala. Condamné dans l'affaire de corruption VA-OM, Marseille est rétrogradé en D2 : il n'y aura donc pas de PSG-OM au programme avant la saison suivante. À l'époque où la rivalité fait rage sur et hors du terrain, le déplacement des Phocéens à Saint-Ouen semble donc le rendez-vous tout trouvé pour Marseillais et Parisiens qui souhaitent régler leurs comptes. Un an et demi auparavant, le 23 mai 1993, des incidents éclatent au Parc des Princes lors de PSG-OM ; des fusées atteignent le parcage visiteurs et font quatorze blessés. Le hooliganisme de la capitale est à son paroxysme : le 28 août 1993, trois CRS sont agressés en tribune Boulogne, lors de PSG-Caen ; le 12 avril 1994, de très violentes bagarres éclatent en marge de PSG-Arsenal, au moins 14 individus sont hospitalisés.

Alors ce fameux vendredi soir de rentrée, 600 Marseillais font le voyage jusqu'à la porte de Clignancourt. En latérales comme au sein de la tribune qui longe la rue du Dr Bauer, le stade est plein à craquer. Au total, 12 906 spectateurs ont payé leur ticket pour assister à cette rencontre de la 9e journée du championnat de deuxième division. Ce n'est pas le cas de la jeune garde du Kop of Boulogne, qui charge l'entrée pour entrer gratos. Ce n'est pas le cas non plus de nombreux hooligans plus chevronnés du K.O.B, qui préfèrent rencarder leurs homologues marseillais dans le 16e arrondissement de la capitale, pour mieux prendre à défaut le dispositif policier. En fait, ceux-là attendront longtemps. Mais même en l'absence de ces belligérants, dans les rues adjacentes à l'enceinte audonienne, la police peine à contrôler la situation, malgré l'usage de gaz lacrymogènes. Kopistes rouge et bleu, jeunes des quartiers de Saint-Ouen et supporters marseillais se mettent sur la gueule.

À l'intérieur du stade, les fumigènes sont de sortie, l'ambiance est acquise aux joueurs provençaux. À la baguette sur coup franc, le milieu audonien, Jean-Luc Girard, trouve la lucarne peu avant la pause. Bauer s'enflamme alors pour les Verts. « J'avais onze ans, j'étais ramasseur de balles, se remémore Vincent Fourneuf. C'était super chaud ! L'une des meilleures ambiances que j'ai connues à Bauer. » Plus de vingt ans après, Girard, lui, reste toujours l'homme qui a planté un coup franc à Fabien Barthez. « C'était marquant, c'est sûr, d'ailleurs on me met une étiquette sur ce match en particulier. C'est flatteur, mais un petit peu réducteur pour un passage de onze saisons » , nuance l'intéressé.

En seconde période, des hooligans parisiens tentent de charger la tribune des visiteurs, après avoir caillassé les Marseillais – armés de morceaux de béton, arrachés à la tribune. Peu nombreux, ils sont facilement repoussés par les forces de l'ordre. Sur le terrain, Didier Thimothée double la mise, puis Bernard Casoni lui répond pour l'OM. Le Red Star l'emporte finalement 2-1, sous les applaudissements de ses supporters… et les remerciements des fans parisiens estampillés K.O.B. Un homme a particulièrement la défaite mauvaise. Il s'agit de Jean-Louis Levreau, le bras droit de Bernard Tapie. En début de match, le vice-président de l'OM a reçu un projectile au visage, sa pommette pisse le sang : « On me dit que ce sont des supporters du PSG et non du Red Star. Je veux bien le croire, réagit-il à chaud. Ce n'était pas du football, mais la guerre. » Heureusement, personne n'y laissera sa peau.


Par Florian Lefèvre et Maxime Brigand

Tu sais que tu es supporter du Red Star quand…


... tu as bloqué devant l'appli Flash Résultats après le dernier Istres - Red Star. Eh ouais, ton équipe était menée 3-1 à la 90e, mais elle a gagné dans le temps additionnel !

... et ton buraliste n'accepte pas les tickets Parions Sport déchirés.

... tu attends toujours de disputer le premier match de ton histoire en Coupe d'Europe.

... tu portes béret et écharpe rouge et vert.

... tu ne supportes pas ces kékés qui se la jouent ultras du PFC.

... t'as déjà croisé Éric Naulleau, Bruno Le Roux, François Hollande, Claude Askolovitch et Raymond Domenech.

... les « Aux Armes » et compagnie, tu laisses ça aux supporters d'autres clubs. Toi, tes chants sont originaux. Même si chez toi, la musique d'entrée des joueurs est un remix foireux du You'll never walk alone.

... tu connais Akli. Tu connais Darch. Tu connais aussi JP, le mec qui ne chante pas, mais qui gueule à contretemps : « ALLEZ RED STAR ! ALLEZ RED STAR ! »

... tu sautes, parce que comme le dit la chanson, tu n'es « pas policier » .

... tu veux savoir une anecdote sur un joueur des années 1900 et des brouettes ? Tu vas voir Gilles Saillant.

... tu peux colorer ta voiture aux couleurs de ton club. On ne te la cassera jamais. Même à Marseille, ils trouvent ça cool, le Red Star.

... l'Olympic va te manquer… et c'est réciproque !

« Flic, arbitre ou militaire ! Qu'est-ce qu'on ferait pas pour un salaire ! »

Top 10 : joueurs mythiques

Pierre Chayriguès (1911-25)
Repéré à l'USA Clichy, la première star du foot français a gardé toute sa carrière les cages du Red Star AC. Et pourtant, sur sa ligne, Pierre Chayriguès ne mesurait qu'un mètre 70 ! Mais il possédait des mains gigantesques. Souplesse, détente et puissance font de lui le dernier rempart incontesté des Bleus avant et après la Grande Guerre (sans laquelle il aurait pu doubler ses 21 sélections). En club, le titi parisien est un fervent artisan des trois premiers succès audoniens en Coupe de France. Gardien révolutionnaire, il ose en premier les plongeons, les dégagements au poing et les sorties hors de la surface.
Jean-Claude Bras (1965-66 ; 1973-78)
Six saisons comme joueur. Presque le quadruple en tant que président, entre 1978 et 2001. Lorsqu'il décide de reprendre le Red Star, Bras va faire renaître le club jusqu'à lui faire entrevoir une montée en Ligue 1 dans les années 90 tout en gardant les valeurs chères à la mairie communiste de la ville. Eo, Troussier, Herbin, Repelli sur le banc, c'est lui. Mais il était écrit qu'un club comme le Red Star devait fatalement se casser les dents sur le foot moderne. Bauer fermé pour travaux, Bras doit trouver un nouveau stade. Il jette son dévolu sur le Stade de France, « du 9-3 » comme le club vert et blanc. Le début de la fin de Bras. Le Red Star finit au stade Marville à Aubervilliers, redevient amateur en descendant en CFA en 2001, avant de voir Bras condamné pour fraude fiscale en 2002. Entre-temps, le Red Star avait raté de peu une finale de Coupe de la Ligue en 2000. Jouée au Stade de France.
Jean-Luc Girard (1986-97)
Quand l'international junior débarque à l'AS Red Star 93 à l'été 87, il ne sait pas encore qu'il y fera toute sa carrière. « J'avais 18 ans (formé au PSG, ndlr), mon but, c'était juste de jouer. Les années qui ont suivi, j'ai vraiment senti une âme particulière. On tombe amoureux du club. C'est Saint-Ouen, les puces, le côté ouvrier… on ne peut pas tricher avec les gens » , rembobine le milieu de terrain qui deviendra ensuite entraîneur de l'équipe audonienne, et instigateur de la reconstruction, à la suite du dépôt de bilan en 2003. Et plus de vingt ans après, aucun supporter n'a oublié son coup de patte face à l'OM en 1994.
Steve Marlet (1992-96 ; 2011-12)
Des tresses recouvrent son bandeau, une fine moustache entoure sa bouche. Vif, puissant et redoutable de la tête : au début des années 90, le natif du Loiret représente magnifiquement le succès de la formation audonienne. À tel point qu'il attise la curiosité des plus grandes écuries françaises. L'AS Red Star 93 retiendra sa pépite jusqu'à ses 22 ans. Suffisant pour que l'ailier plante 41 buts chez les Verts. Avec un titre de champion de France (sous les couleurs de l'OL en 2002) et 23 sélections en bleu, en 2011, Steve Marlet boucle la boucle à Saint-Ouen au terme d'une carrière fameuse.
Fred Aston (1932-38 ; 39-46)
À peine Fred Aston - de son prénom complet Alfred - quitte le Red Star olympique pour le Racing en 1938, qu'il se presse de revenir rue de la Chapelle, un an plus tard. « J'avais envie de renifler les odeurs de freins de l'usine Ferrodo derrière le stade de Paris » , confesse le « feu follet » au physique chétif. Un technicien qui régale Bauer de ses dribbles et sa vitesse. Son job ? Centrer pour son compère de l'attaque, André Simonyi. Le tout en évitant les coups de ses adversaires gaillards. Sauf une fois, contre Bilbao, où il laissera deux de ses incisives sur le pré.
Samuel Michel (1986-94 ; 1997-99)
Samuel Michel, c'est avant tout une image d'Épinal : celle de la France du foot des années 90 avec ses attaquants sans dégaine qui dégainent. Meilleur buteur de D2 en 1997 avec Sochaux, Michel a d'abord passé de longues années au Red Star, où il fut formé avant d'être l'une des figures de proue de la bande de jeunots sur laquelle s'appuyait Robert Herbin au début des années 90. 73 buts plantés pour le club audonien, dont 23 pour la seule saison 1993-94, qui vit le club de la banlieue rouge échouer aux portes de la Ligue 1. Le vrai « coco » Michel, c'est lui.
Lucien Gamblin (1907-25)
Joueur, capitaine, trésorier, secrétaire et directeur sportif, au Red Star, Lucien Gamblin était aussi impliqué que redouté sur les terrains, comme un défenseur sans faiblesse. Le fruit de qualités gymniques et athlétiques (12 secondes au 100 m, à 17 ans) exceptionnelles. Avec sa raie au milieu, c'est lui qui soulève les trois premières Coupes de France remportées par le Red Star AC, devenu ensuite Red Star olympique. L'arrière restera également à jamais comme le capitaine de la France qui domina pour la première fois le rival anglais, à Paris en 1921. Le tout avant de devenir un journaliste de sport à la plume aiguisée.
Nestor Combin (1973-75)
Lorsqu'il débarque du côté de Saint-Ouen, Nestor Combin a déjà 33 ans. Et pas mal de football dans les jambes : près de 80 buts plantés avec l'Olympique lyonnais en cinq ans, qui l'amèneront ensuite à faire la joie des grosse écuries de la Serie A (Juventus, Torino, Milan AC). Pourquoi le Red Star ? Parce que José Farías, son compatriote et entraîneur des Vert et Blanc. En deux ans, celui qu'on surnommait « la Foudre » ou « le Sauvage » de part et d'autre des Alpes fait remonter l'Étoile rouge en Division 1, reconstitue le duo d'attaque magique qu'il composait avec le Lyonnais Fleury Di Nallo, plante 16 buts, mais ne peut empêcher la descente du club en D2 au bout d'une petite saison. La dernière passée par le Red Star dans l'élite française.
Eugène Maës (1911-1914)
Si Eugène Maës a marqué les esprits d'un autre club français, le Stade Malherbe de Caen, c'est avec le maillot du Red Star qu'il éclabousse la France du foot au moment des années folles. Premier grand buteur des Bleus (15 buts pour 11 sélections, prends ça Thierry Henry !), très habile de la tête, Maës aurait pu connaître une tout autre carrière en temps de paix. Blessé lors de la Première Guerre mondiale, l'attaquant est alors contraint de mettre un terme à sa carrière de footballeur de haut niveau en 1914. Quarante ans plus tard, il décède au camp de concentration d'Ellrich, dans lequel il a été envoyé pour propos « anti-allemands » .
Ludovic Fardin (depuis 2007)
Ludovic Fardin a trente ans, dont quinze passés à porter fièrement l'étoile rouge du Red Star. Arrivé en équipe première lors de la saison 2007-08, le milieu martiniquais, natif d'Aubervilliers, a connu les longues années de CFA avant de goûter à la Ligue 2 cette année. Un homme symbole des valeurs presque surannées du club audonien dans le football moderne et un surnom, « le Postier » , en raison du job qu'il a longtemps gardé à côté de sa carrière de footballeur. Jaune et bleu la semaine, vert et blanc le week-end.

« Hou ! Ha ! Banlieue Rouge ! Hou ha Banlieue rouge ! »

Vincent Fourneuf : « Quand les adversaires venaient, ils avaient les gros yeux ! »



Ramasseur de balles, espoir, taulier, capitaine et chouchou du public, Vincent Fourneuf a tout connu au Red Star. Il y a dix ans, il était de ceux qui ont fait renaître ce club tombé en Division d'Honneur. Ses plus beaux souvenirs.

Quand tu reviens ici à Bauer, ça te rappelle des souvenirs ?
Forcément, j'ai été formé ici. En tout, j'y ai passé une quinzaine d'années. Quand j'étais jeune, je jouais beaucoup avec mes potes dans les quartiers de Saint-Ouen. Il n'y avait qu'un seul club où je pouvais aller, en plus c'était le grand club de la ville : le Red Star. À l'époque, c'était même le club phare de la banlieue parisienne. Les matchs contre le Racing et le PSG, c'était super chaud. Les meilleurs jeunes venaient jouer au Red Star. Quand t'es petit, tu viens pour le plaisir, et en grandissant, tu t'attaches à ses valeurs et à sa culture. Le week-end, on allait toujours voir les pros.

Et tu as continué en pro…
Rien que fouler pour la première fois la pelouse de Bauer avec l'équipe fanion, c'était énorme pour nous, les espoirs. Quand tu sors du couloir, t'as l'impression qu'il y a une atmosphère particulière qu'on ne retrouve pas ailleurs. Tu n'en vois plus des stades comme ça en France, à l'anglaise, très proches des joueurs. Après l'épisode Marville (de 1998 à 2002, le Red Star a déménagé à La Courneuve, en raison de travaux - déjà - à Bauer, ndlr), quand on a repris les lieux de Bauer, c'était un plaisir incroyable !

Mais, en grandissant, tu as vu le club s'écrouler jusqu'en Division d'Honneur, avec le deuxième dépôt de bilan en 2003. Pourquoi es-tu resté ?
Après les rétrogradations financières (de National en CFA, puis de CFA en CFA 2) et une descente sportive (de CFA 2 en DH), Luis Fernandez est arrivé, en 2003. Luis n'est resté que six mois (parti à cause d'un conflit d'intérêts avec le président Éric Charrier), mais il venait du PSG ! Quand il prenait les séances à l'entraînement, on était comme des fous. À ce moment-là, j'étais en contact avec Ivry, mais des mecs comme Fernandez, ça pèse dans la balance. Pas mal de joueurs sont restés pour cette raison.

Tu as ensuite participé aux remontées successives en CFA 2 (2005), puis CFA (2006). Qu'est-ce qui t'a marqué à cette période ?
On avait construit un truc incroyable ! Le groupe, c'était une famille : on allait manger dehors ensemble chaque semaine. Je retiens l'état d'esprit qui nous a permis de vivre des émotions inoubliables. L'année en CFA 2, notre entraîneur, Jean-Luc Girard, a voulu renverser la direction. Alors celle-ci l'a viré. Mais comme on était attachés à lui, nous les joueurs, on a fait la grève pour qu'il revienne. À ce moment-là, le club aligne les U19 en championnat. Ils perdent à Évreux. Il ne restait plus beaucoup de matchs, on repasse 4e au classement, donc on avait la pression. Finalement, Girard est réintronisé et on réussit une série de victoires avec des scénarios de fous ! On bat St-Quentin à la 93e, à Chantilly, on marque deux fois dans les dernières minutes… et on monte finalement en CFA.

Et l'année précédente (accession de DH en CFA 2), ce n'était pas gagné non plus vu votre début de saison…
On était seulement 8es à l'intersaison, et ensuite, on a tout cartonné. On a grillé tout le monde sur le fil (rires). Cet esprit, familial – sauf une saison avec François Ciccolini, où il y avait des clans –, je ne l'ai jamais retrouvé ailleurs. Quand on se revoit avec les joueurs de l'époque – ça fait presque 10 ans maintenant –, on a la banane. J'ai des potes qui ont joué un ou deux ans au Red Star, et ce sont aussi leurs meilleurs souvenirs. Cette alchimie joueurs-coach-supporters, je ne pense pas qu'on pourra revivre ça. Une fois, à Balma, dans le Sud-Ouest, on pensait que les supporters n'allaient pas venir, et là, tu les vois débarquer à deux voitures depuis Saint-Ouen. Le dernier match en DH, contre Évry, t'as fumigènes, papelitos et 1000 personnes à bloc derrière nous. Quand les adversaires venaient, ils avaient les gros yeux ! C'est là que tu vois que le club a une âme particulière.

Tu as quitté une première fois le Red Star en 2007. Puis tu es revenu un an plus tard. Le club était en CFA, aujourd'hui il enfonce les portes de la Ligue 2 : est-ce que ça te fout les boules de ne pas vivre « cette consécration » ?
Non, c'est plus une fierté d'avoir été au début de l'aventure. La L2, c'est énorme, on se dit qu'on n'a pas fait tout ça pour rien. Moi, je me sens toujours affilié au Red Star. Avant de partir à Pau, on joue Poissy lors du dernier match de la saison, et les supporters avaient préparé une banderole : « Vincent, reste avec nous. » Le soir, j'ai gambergé, j'étais presque sur le point de revenir sur ma décision. Quand j'ai joué ensuite à Versailles, on m'appelait « l'enfant du Red Star » … Dans un sens, notre génération peut dire qu'elle a redonné vie à l'Étoile rouge.

Propos recueillis par Florian Lefèvre
Vidéo

Des supporters à l'avant-garde

Par Nicolas Kssis-Martov




Si, aujourd'hui, le Red Star, outre son prestigieux passé, possède une identité bien particulière dans l'Hexagone, il le doit en grande partie à ses, ou plutôt sa tribune. D'une certaine façon, au plus grand désarroi parfois des premiers concernés, Bauer est devenu le dernier refuge « d'ampleur » du mouvement ultra dans Paris et sa banlieue. Et, à ce titre, un lieu de passage où l'on vient goûter les dernières effluves d'une atmosphère d'autrefois, entre chants debout, tifos et bières d'après-match. Un point de ralliement qui finit par intriguer autant la presse que les… Renseignements généraux. Ajoutez-y une touche politique nettement à gauche assez rare en France, et prend forme sous vos yeux et vos oreilles ce petit mélange de Sankt-Pauli, Leyton Orient et Livourne. Parce que supporter le Red Star, finalement, c'est comme préférer la Northern Soul à Rihanna, une affaire de goût comme de posture. Ou pour reprendre les propos de Darch, président du Collectif Red Star Bauer qui rassemble les diverses entités présentes dans le kop : « On ne veut pas s'opposer au Paris Saint-Germain et à ses supporters, on est juste différents, de fait. Ici, c'est le football populaire. »

Drapeaux de la Jamaïque et « Bauer United »


Certains chants ne sont guère habituels en effet – « Flic, arbitre ou militaire, qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour un salaire ! » La traduction « Étoile rouge » qui résonne souvent ne correspond pas non plus à une quelconque volonté de franciser le choix originel de Jules Rimet, empreint alors d'anglomanie bourgeoise. Les stickers marquent tout autant le territoire à coups de « Bauer antifa » et « 8°6 crew » , y compris à l'Olympic en face du stade, parfois squatté par des concerts de Gonna Get Yours (groupe punk dont le logo reprend celui du Red Star) pour financer un tifo et des Sound Systems reggae en guise de troisième mi-temps. Les banderoles clament l'attachement au stade historique et la mémoire de Rino Della Negra (la tribune fut rebaptisée « de facto » en son honneur et une journée hommage lui est consacrée). Les traditionnels drapeaux jamaïcains – un vrai signe d'orientation dans les tribunes – cèdent parfois leur place à des bâches de circonstance, notamment en souvenir de Clément Méric, qui fréquenta occasionnellement Bauer. Dans les gradins, on vend le matériel classique, avec juste une tonalité originale : écharpe « Bauer United » et tee-shirt pour les supportrices détournant « Rosie the riveter » , symbole féministe d'une ouvrière faisant un bras d'honneur au sexisme… Les confrontations avec les supporters visiteurs ont de la sorte souvent des arrière-goûts partisans comme contre les Rouennais, les Strasbourgeois (au point d'amener François Hollande à repousser sa venue par mesure de sécurité) ou encore, bien sûr, le PFC...

Skins et bobos

Une chose ne se discute pas : la ferveur des supporters, assez unique en National, est plutôt appréciée par des joueurs heureux de ne pas évoluer devant un stade « inerte » . David Bellion se réjouissait notamment de cet environnement à l'anglaise qui lui rappelait son passage en Premier League : « J'ai invité pas mal d'amis cette année, ils ont tous été surpris par l'ambiance. On n'entend que des encouragements, pas une fois ça n'a sifflé, il y a toutes les classes sociales représentées. » L'essor du mouvement ultra à Bauer depuis une vingtaine d'années fut pourtant long à se dessiner. Des timides tentatives au début des années 90 (les Partizans 93 s'étaient présentés dans une lettre publiée dans Le Monde diplomatique !) aux Perry Boys, Gang Green et autres, le chemin se révéla parsemé de doutes et d'embuches au gré du parcours chaotique de l'équipe tombée de la D2 avec Safet Sušić aux affres des championnats amateurs. « En tribune, on était dix fois moins il y a quatre ans quand on jouait en CFA » , se remémore ainsi Darch… Les vicissitudes des tribunes du PSG y jouèrent aussi leur rôle, ramenant quelques cadres et beaucoup d'expériences d'anciens du virage Auteuil, notamment d'ex-Tigris. La tribune a donc fini par agglomérer au fil des années des composantes disparates : skins traditionnels, « herberts » du terroir banlieusard, lascars du coin, étudiants à tarif réduit, réfugiés du plan Leproux, amoureux locaux du club, rappeurs conscients, militants attirés par cet « espace social de résistance » , dixit un responsable du Collectif Red Star Bauer, nostalgiques « d'un foot à l'ancienne » , hipsters à chapka sosies de Woodkid, et simples curieux d'un soir venus acheter un ticket à 5 euros. Avec pour signe indéniable de dynamisme une vraie présence lors des déplacements, l'un des enjeux de cette saison en L2 pour ceux qui préféreront sûrement se rendre à Bollaert qu'à Beauvais... Car ce petit monde a toujours entretenu des relations pour le moins compliquées avec la direction du club, entre reconnaissance (un local au sein du stade) et franche opposition sur l'avenir de Bauer... Et une inquiétude en pointillé : « Il faut aussi souligner que Haddad nous a toujours dit que ce qu'avait fait Leproux au Parc était super » , s'inquiète Olivier du collectif . Mais tous les révolutionnaires le savent bien : l'histoire n'est jamais écrite d'avance.

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Rédaction

Nicolas Kssis Martov, Matthieu Rostac, Maxime Brigand, Florian Lefèvre, Lucas Duvernet-Coppola


Édition

Pierre Maturana


Design et coordination technique

Aina Randrianarijaona


Secrétariat de rédaction

Julie Canterranne


Crédits photo


Le site non-officiel du Red Star

Réactions (6)

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par donfiore il y a 6 ans
Super article! Je savais que le Red Star était un club légendaire en France, mais je ne savais pas pourquoi. Merci So Foot
par Jordana Iou il y a 6 ans
Je connaissais l'histoire du Red Star que de loin, et c'est génial de la découvrir dans cette lecture longue, surtout qu'elle fit écho à une partie de l'histoire de France. Bref en lisant ça on se dit que si le niveau du club était équivalent à celui de son histoire on aurait un vrai grand club en France. Enfin son histoire n'est pas fini
par Ariodante il y a 6 ans
Excellent papier. Bravo ! Comme quoi "journalisme sportif", ça peut avoir un sens. Rien à voir avec les rois du copier/coller à moitié analphabètes que l'on peut voir sur d'autres sites footeux...
par JürgenKlinsmann il y a 6 ans
La version de You'll never walk alone de bauer n'est pas si pourrie que ça

c'est la version des Adicts!

https://www.youtube.com/watch?v=lIYrffNGp90

bien que celle de gerry and the peacemakers est quand meme incontournable
par louvressac il y a 6 ans
there's only one team in paname...the rest is just consumerism...

a gang green fan from brussels
par m.é.t.r.o. il y a 6 ans
Qualité du document. Quel travail. Club phénix.