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Billet de blog 31 juillet 2015

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Expertises d'âge osseux : mineur, majeur, pile ou face ?

Au fil des années et de l’empilement des rapports, avis et autres recommandations qui, tous, insistent sur le manque absolu de fiabilité des tests osseux pour déterminer l’âge d’un individu, il est devenu difficile de défendre leur utilisation. Ce qui n'empêche pas leur usage d'autorité quand le jeune est étranger.

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Au fil des années et de l’empilement des rapports, avis et autres recommandations qui, tous, insistent sur le manque absolu de fiabilité des tests osseux pour déterminer l’âge d’un individu, il est devenu difficile de défendre leur utilisation. Ce qui n'empêche pas leur usage d'autorité quand le jeune est étranger.

En particulier dans le domaine de la protection de l’enfance où une marge d’erreur de quelques mois peut faire passer un·e jeune du foyer éducatif au centre de rétention, voire l’envoyer en prison en cas de condamnation pour usurpation d’identité. Quel que soit le bout par lequel on prenne le problème, la conclusion est toujours la même : en l’état des connaissances, et sans perspectives d’évolutions décisives à court ou moyen terme, la science est incapable de dire si un jeune à seize ou dix-neuf ans.

En tentant de limiter l’utilisation de ces expertises sans oser les prohiber, la circulaire de la garde des Sceaux relative à l’évaluation et l’orientation des mineurs isolés (mai 2013) a généré un effet pervers redoutable : elle a fait des expertises osseuses l’ultime mode de preuve de l’âge devant les tribunaux. Si les départements, en charge de la protection de l’enfance, s’appuient sur un interrogatoire à charge pour disqualifier la demande des interessé·e·s, l’expertise osseuse demeure utile en cas de saisine de la justice. Le plus souvent ordonnée par les parquets, elle sert à conforter les résultats de l’évaluation « à la tête du client » réalisée par les départements, certaines cours d’appel allant même jusqu’à faire prévaloir les résultats de l’expertise sur les documents présentés, quand bien même l’authenticité de ces derniers n’est pas mise en doute.

Pour mettre fin à cette dérive, le Réseau Éducation sans frontières a lancé un appel en janvier 2015, soutenu par plusieurs centaines de médecins, scientifiques, magistrats et avocats, pour demander au gouvernement d’abandonner l’usage de ces tests.

Se saisissant de la question à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, plusieurs députés de la majorité ont déposé des amendements visant à proscrire l’utilisation de ces expertises. Le gouvernement les a repoussés et fait adopter une contre-proposition.

Officiellement pour « limiter au maximum le recours » à ces expertises, indique sans rire l’exposé sommaire de l’amendement gouvernemental, qui prévoit qu’elles devront ainsi être réalisées en dernier recours, sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil du consentement de l’intéressé·e. Officieusement, il s’agit de « sauver » un outil précieux qui, bon an mal an, permet de débouter plus d’un·e jeune sur deux de sa demande de protection. Le gouvernement a beau jeu de mettre en avant les soi-disant garanties censées encadrer les expertises osseuses pour justifier leur inscription dans la loi. Car, formellement, les expertises sont toujours réalisées « en derniers recours » puisqu’il suffit d’invoquer la persistance d’un doute ; elles sont toujours ordonnées par décisions judiciaires, le plus souvent par le parquet sur simple demande du département. Quant au choix pour le jeune d’y consentir ou pas, il s’agit là d’une vaste fumisterie, les magistrats considérant habituellement que le refus de s’y soumettre constitue un indice supplémentaire de sa duplicité.

Face au coup de force du gouvernement, quelques députés ont tenté de limiter la casse en exigeant que la marge d’erreur soit systématiquement indiquée et que le doute profite à l’intéressé·e. Peu de chance que cela suffise à changer radicalement la donne. À l’inverse, si ce texte devait être définitivement adopté, il inscrirait le principe du recours aux expertises osseuses dans la loi. Plus question d’arguer de son illégalité, les critiques devront se cantonner à son mauvais usage. Reste à déterminer ce que pourrait être le bon usage d’une expertise aussi fiable qu’un tirage à pile ou face.

Signez la pétition interassociative  : « Mineurs étrangers isolés : proscrire les tests d’âge osseux » : 

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