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MAROC

Ces vidéos amateur qui braquent les projecteurs sur la violence urbaine

Capture d'écran d'une vidéo YouTube montrant une femme agressée à Tanger, lundi 26 juillet.
Capture d'écran d'une vidéo YouTube montrant une femme agressée à Tanger, lundi 26 juillet.
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Les passagers d’un train attaqués au couteau à Fès, une femme encerclée et délestée de son sac par une foule à Tanger, un voleur de bétail battu à mort à Midelt… De nombreuses images d’agressions circulent depuis quelques semaines sur les réseaux sociaux marocains, suscitant l’inquiétude de la population, qui réclame un renforcement de la sécurité.

Mardi 28 juillet 2015, alors qu’il approchait de la gare de Fès, un train de voyageurs a été attaqué par plusieurs individus armés de sabres. Les passagers ont dû se barricader dans leur cabine et attendre l’arrivée de la police. Une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux montre les voyageurs, sous le choc, raconter leur agression à un officier de police.

La veille, lundi 26 juillet, une autre agression cette fois à caractère sexuel avait défrayé la chronique à Tanger. Plusieurs hommes ont poursuivi une femme sur la corniche de Tanger. Ils se sont livrés à des attouchements sur la jeune femme et volé son sac, malgré le bébé qu’elle tenait dans les bras. Des images montrant l’arrivée de la police sur les lieux ont également été postées et largement partagée et commentées.

Quelques jours avant cette agression, sur une plage de la même région, des individus adeptes du "Tcharmil" se sont livrés à un combat au sabre à même la plage, suscitant la panique parmi les estivants.

Les jeunes qui pratiquent le "Tcharmil", phénomène apparu ces derniers mois au Maroc, n’hésitent pas à se mettre en scène sur Facebook avec des armes blanches, des survêtements ou des scooters trafiqués, ou encore des bijoux et des téléphones portables supposément volés.

Dans la région de Midelt (dans le centre du pays), c’est une véritable scène de lynchage qui a été filmée et postée sur les réseaux sociaux le 15 juillet. Ce jour-là, deux présumés voleurs sont violemment tabassés par une foule en colère. L’une des victimes est décédée peu après son transfert à l’hôpital.

Ces images parfois ultraviolentes inquiètent au Maroc. Parmi la population, nombreux sont ceux qui y voient une flambée de violence. Lancée jeudi 30 juillet, une pétition réclamant un renforcement de la sécurité, notamment dans les grandes villes du nord du pays, a déjà recueilli plus de 10 000 signatures. Les pétitionnaires demandent la mise en place d’un "nouveau dispositif de sécurité actif sur la durée afin de maintenir une surveillance permanente des sites les plus fréquentés, à savoir, les plages publiques (...) et les grandes artères des villes côtières à l’image de Tanger."

Dans cette même ville, les services de la Wilaya ont indiqué que 545 personnes ont été arrêtées pour détention d’armes blanches au mois de juillet. Et une centaine d’entre elles ont été arrêtées pour agression sur la voie publique, si bien que des Tangerois ont appelé à un rassemblement contre l’insécurité ce vendredi.

"Il faut alourdir les peines de prison contre ces délinquants"

Ben Omar, commerçant de la ville, a relayé l’appel sur sa page Facebook.

Certes il y a toujours eu des agressions à Tanger. Mais jusqu’ici, elles avaient lieu plutôt la nuit et dans certains quartiers connus pour être dangereux. Depuis environ trois mois en revanche, les agressions au sabre ont lieu en plein jour et en divers endroits, du quartier populaire de Bir Chifa et celui résidentiel de Bella Vista.

Personnellement, je ne me balade que rarement seul dans la rue. Je suis toujours en groupe, avec mes amis. Récemment, un ami a été agressé par quatre jeunes. Ils lui ont barré le chemin avec leur voiture alors qu’il était en train de faire du vélo. Il est plus ou moins parvenu à parer leurs coups de sabres avec son vélo et a pu heureusement s’en sortir sans trop d’égratignures.

Malheureusement, je ne vois pas d’autre solution dans l’immédiat que celle sécuritaire. Il faut renforcer la présence policière et les patrouilles dans la ville, alourdir les peines contre les possesseurs d’armes blanches pour empêcher les récidives, introduire les travaux forcés dans les prisons [qui ne figurent pas dans le Code pénal marocain]. Il faut aussi demander la participation du citoyen à la prévention contre la délinquance, organiser des campagnes de sensibilisation contre les dangers de la délinquance dans les médias.

Si certains s’inquiètent d’une recrudescence des agressions ces derniers mois, d’autres invitent à la prudence face à l’effet de loupe des réseaux sociaux sur le phénomène de la violence.

"Il ne faut pas tomber dans la paranoïa"

Jean Zaganiaris est sociologue spécialisé dans les pratiques culturelles et enseigne à l’Université de Rabat.

Il y a de la violence dans toute société, et le Maroc ne fait pas exception. Quand cette violence est filmée, montrée dans les médias, elle est parfois caricaturée, exagérée. De plus, il s’agit de voir si cette violence que montrent actuellement les médias n’existait pas auparavant mais sans être montrée publiquement. Cette approche sensationnaliste ne dit rien sur la violence réelle et occulte même d’autres actes pas forcément médiatisés.

Autour de moi à Rabat, j’observe trois types de réactions aux images de violences urbaines relayées sur les réseaux sociaux : les personnes qui réclament un renforcement de la sécurité, notamment parce que leurs proches ou eux-mêmes ont été victimes de violences ; des gens qui ont un rapport de résistance par rapport à la communication médiatique dont ils critiquent le sensationnalisme ; et une dernière catégorie de personnes qui ne prêtent aucun attention aux messages des médias.

Face à ce flux d’images, il faut à mon avis prendre du recul et éviter de tomber dans la paranoïa.

Pour connaître les chiffres officiels des actes de violences urbaines signalés au Maroc, nous avons tenté de contacter les services de la Direction générale de la Sûreté Nationale (DGSN), sans succès. Nous publierons leur réponse si elle nous parvient.

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