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IRAK

Les étudiants irakiens transformés en soldats pour combattre l'EI

Camp d'entraînement militaire pour étudiants à Bassorah. Photo Twitter.
Camp d'entraînement militaire pour étudiants à Bassorah. Photo Twitter.
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Ils ont troqué leurs stylos contre une kalachnikov. Depuis le début des vacances d’été, des milliers d'étudiants irakiens ont rejoint des camps militaires pour s’entraîner au combat contre les jihadistes de l’organisation État islamique (EI). Le signe d’une militarisation grandissante de la société irakienne.

Cet été, les milices chiites qui combattent le groupe État islamique en Irak ont ouvert des dizaines de centres d’entraînement à travers le pays pour initier les étudiants aux techniques de combat.

C’est une fatwa de l’ayatollah Ali al-Sistani qui est à l’origine de cette initiative. Le 9 juin dernier, la plus haute autorité chiite d’Irak avait appelé les étudiants à "participer à la défense du pays en se formant au maniement des armes pour se tenir prêts à repousser le danger".

Photo transmise par notre Observateur Haidar Indhar.

"Après ce camp, 150 étudiants partiront au front"

Haidar Indhar s'est rendu la semaine dernière dans un centre d’entraînement de la ville de Diwanyya, dans la province d'Al-Qadisiyya.

Ce centre d’entraînement est dirigé par les brigades de l’imam Ali, qui combattent l’EI en Irak au sein d’al-Hachd al-Chaâbi [organisation parapluie qui regroupe des dizaines de brigades chiites en Irak].

La session de formation dure 45 jours. Pendant cette période, les étudiants reçoivent une instruction assez complète. On leur apprend à manier la kalachnikov et le lance-roquette RPG notamment. Ils sont initiés aux techniques de guérilla urbaine, apprennent à désamorcer les explosifs et à lire des cartes militaires.

Dans cette vidéo transmise par notre Observateur Haidar Indhar, un des formateurs explique que "le but de ce camp est de préparer les jeunes étudiants aux situations d’urgence. Il s’agit de les former au plan physique, et mais aussi au niveau moral et religieux".

Environ 700 étudiants sont actuellement au centre d’entraînement. Ils viennent pour la plupart de la province d'Al-Qadisiyya. Le but affiché de ce camp est de former un corps de réservistes. Ces combattants doivent en effet être capables de défendre eux-mêmes leurs quartiers ou leur ville si l’EI attaque.

Mais 150 jeunes ont déjà demandé à rejoindre le front à la fin de leur formation. Dans une quinzaine de jours, ils seront donc en première ligne contre l’EI et se battront aux côtés des hommes d’al-Hachd al-Chaâbi dans la province de Salaheddine ou celle d’Al-Anbar.

Photo transmise par notre Observateur Haidar Indhar.

Ce camp n’accueille par uniquement des étudiants mais également des lycéens et même des écoliers. Les enfants apprennent donc eux aussi le maniement des armes et les techniques de guérilla. Mais à la différence des adultes, ils s’entraînent avec des armes sans munitions.

Ces camps d’entraînement en Irak sont presque totalement gérés par les milices. L’État intervient très peu et ne participe pas à l’encadrement. Dans le camp de d'Al-Qadisiyya par exemple, la police s’est contentée de fournir quelques armes légères pour la formation.

Dans cette vidéo transmise par notre Observateur Haidar Indhar, des étudiants parlent de leur participation au camp. Mohamed Islamaïl, fraîchement diplômé en Éducation sportive, explique : "Je suis venu pour apprendre le maniement de la kalachnikov et du lance-roquette RPG pour pouvoir défendre sa ville. J’espère également me rendre au front bientôt". À 0’37’’, on aperçoit des enfants en arrière-plan de la vidéo.

Depuis le mois de juin, une centaine de camps d’entraînement comme celui d'Al-Qadisiyya ont vu le jour en Irak. L'idée de transformer des étudiants en miliciens pour faire face à la menace jihadiste ne fait pas l’unanimité, car les milices armées échappent à tout contrôle de l'État et sont souvent accusées d’exactions. Certains observateurs de la vie politique irakienne craignent que ces formations miliaires de civils n'aggravent encore les problèmes sécuritaires. L’analyste politique irakien Ahmad al-Abyadh en fait partie :

"Un pas de plus vers la militarisation de la société irakienne"

Créer de nouvelles milices, c’est un pas de plus vers la militarisation de la société irakienne. Une fois la guerre contre l’EI terminée, ces miliciens accepteront-ils de déposer armes ? En Libye, les milices armées qui ont mené la révolution ne l’ont pas fait. Elles se sont au contraire entre-déchirées pour le pouvoir et ont fini par plonger le pays dans le chaos.

D’autre part, des enlèvements et de pillages ont été commis ces derniers mois dans plusieurs villes d’Irak par des hommes armés habillés en miliciens. Ce genre d’incidents risque de se multiplier si vous lâchez des milliers d’hommes armés, et sommairement formés, dans la nature.

C’est l’État qui devrait prendre en charge cette formation. Malheureusement, il est aujourd’hui très faible et n’a pas les moyens de limiter l’influence grandissante des milices.

Un récent rapport d’Amnesty international accuse les milices chiites qui combattant l'EI aux côtés de l'armée irakienne d’avoir fortement contribué à la dégradation sécuritaire en Irak. Selon l’ONG, ces milices sont responsables de dizaines d’exécutions sommaires commises contre des civils sunnites ces derniers mois.

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