Dans le Gers, le bonheur est vraiment dans le pré

Rarement un film a autant collé à un lieu que « Le bonheur est dans le pré ». La comédie d’Etienne Chatiliez diffusée en 1995 est une carte postale du Gers. Canards, foie gras et armagnac rythment le retour à la terre de l’industriel Francis Bergeade (Michel Serrault) qui quitte famille et usine pour vivre avec la fermière Dolorès Thivart (Carmen Maura). « Le tourisme a bondi dès la sortie », raconte José-Luis Pereira, directeur du Comité départemental du tourisme (CDT). Le film a été le déclencheur de l’image du département. Une campagne de communication sous le slogan « Le bonheur est dans le Gers », avec un numéro de téléphone se terminant par 95 95 l’année du bonheur a été lancée. « On a eu un nombre incroyable d’appels et on a même monté un produit touristique de mariages dans le Gers ! » ajoute-t-il. Le film, qui répondait aux attentes de convivialité et d’authenticité des citadins, a été vu par 4,9 millions de personnes rien qu’en France et les diffusions se sont succédé à la télévision. « Chaque fois qu’il repasse, on constate un regain d’intérêt pour le Gers », se félicite José-Louis Pereira.

Le Gers, avec sa bonne chaire et sa dizaine de festivals (Jazz in Marciac…), est devenu un département touristique qui attire 1,2 million de visiteurs par an apportant 213 millions d’euros de recettes en 2014, en hausse de 53 % en dix ans selon le CDT. A l’origine, Etienne Chatiliez voulait tourner dans les Landes mais le paysage était trop boisé. Il s’est rappelé de Condom (Gers) où il était venu en vacances dans son enfance. Il a contacté le bureau d’accueil de tournage Les Régies de Gascogne, créé en 1992 sur une idée de Daniel Toscan du Plantier, patron de Gaumont, après le tournage de « Milou en mai » de Louis Malle en 1989 dans le Gers. Avec l’aide des Régies de Gascogne, Etienne Chatiliez a visité 200 fermes avant d’en choisir une appartenant à des Anglais, qu’il a transformée en élevage de canards. Pour les scènes de village, il a tourné à Vic-Fezensac mais en apposant le panneau de Condom qui fait rire les Anglais. Du coup, les habitants se sont sentis trahis en découvrant le film le 15 novembre 1995… Le tournage en juin et juillet a mobilisé une centaine de personnes. Les acteurs dont Eddy Mitchell, césar du meilleur second rôle, Sabine Azéma et les frères Cantona, résidaient à l’Hôtel de France à Auch où officiait le chef étoilé André Daguin, prophète du foie gras poêlé.

Régies de Gascogne poussées en avant

En plus de son impact sur les gîtes ruraux et les ventes de foie gras, « Le bonheur est dans le pré » a boosté l’économie locale du cinéma. « Le film a donné de la crédibilité aux Régies de Gascogne et a débloqué la situation de l’association Ciné 32, car la nouvelle majorité de droite du Conseil général, qui ne voulait pas soutenir le cinéma, a apprécié l’argent injecté par le tournage et l’image générée par le film », raconte Alain Bouffartigue, président fondateur de Ciné 32. Cette association, créée en 1989, a repris les cinémas de campagne en déshérence pour former un réseau de 16 salles en Midi-Pyrénées qui enregistre 600.000 entrées par an, dont 200.000 dans le cinéma ouvert à Auch en 2012. Ciné 32 diffuse aussi dans les établissements scolaires et organise le festival « Indépendance(s) et Création » depuis 1998. Mais les débuts ont été difficiles. Le Conseil régional de Midi-Pyrénées a adopté une politique d’aide à la création audiovisuelle et s’est appuyé sur les Régies de Gascogne pour accueillir les tournages dans les quatre départements du Sud de la région. La régie a introduit 1.400 décors dans la base de la Commission nationale du film, des Pyrénées aux bastides de Gascogne.