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Fabien Clain, de la PME islamiste au jihad syrien

Ce Toulousain de 35 ans serait l'un des commanditaires de l'attentat raté de Sid Ahmed Ghlam, en avril, contre une église de Villejuif.
par Jean-Manuel Escarnot
publié le 4 août 2015 à 18h00
(mis à jour le 4 août 2015 à 21h32)

Les jihadistes français de l'Etat islamique ont pris du galon. Au point, pour certains d'entre eux, de participer à la planification des opérations extérieures de l'organisation dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi. Selon le quotidien le Monde, Fabien Clain, 35 ans, un islamiste toulousain d'origine réunionnaise, proche d'Abdelkader et Mohamed Merah, serait l'un des initiateurs du projet d'attentat contre une église de Villejuif, avorté in extremis le 19 avril. D'après les documents saisis par les policiers, il aurait activé depuis la Syrie l'auteur présumé, Sid Ahmed Ghlam, un étudiant algérien de 24 ans, arrêté fortuitement alors qu'il venait de se tirer une balle dans la jambe.

Cet impondérable a fait capoter au dernier moment un attentat minutieusement préparé depuis des mois. Sans se faire repérer par les policiers, Sid Ahmed Ghlam, pourtant fiché par l'antiterrorisme, se serait rendu deux fois en Turquie, en octobre 2014 et début 2015, pour y recevoir ses instructions. L'un de ses commanditaires présumés, Fabien Clain, alias Omar, est lui aussi connu des services de renseignements. Avec son frère Jean-Michel, 33 ans, il apparaît dès 2001 dans les rapports de surveillance des RG toulousains, dont Libération a eu connaissance.

Convertis à l'islam, les deux frères ne passent pas inaperçus dans leur quartier du Mirail. Ils dirigent alors un petit groupe de jeunes militants salafistes composés de jeunes de cités et de convertis. Eux-mêmes ont épousé deux converties qui portent la burqa, ce qui leur vaut le surnom de «clan des Belphégor». A la même époque, ils se rapprochent de la communauté islamiste d'Artigat dirigée par Olivier Corel, un Français d'une cinquantaine d'années d'origine syrienne, qui fait figure de «cheikh» (guide spirituel, lire Libération du 2 juillet 2015). Au cours des «stages de religion vraie» organisés dans la maison de Corel, au hameau des Lanes sur la commune d'Artigat (Ariège), les frères Clain côtoient Abdelkader Merah et Sabri Essid, les frères et beau-frère de Mohamed Merah. Le groupe se structure alors autour des mariages organisés en son sein.

Haine des juifs et des Américains

A Toulouse, les frères Clain échouent dans leur tentative de s'emparer de la direction de la mosquée de Bellefontaine, fréquentée par les plus jeunes et dirigée selon eux par «de mauvais musulmans». L'anathème et l'activisme forcené leur tiennent lieu d'idéologie. Ils se rabattent dans des appartements du Mirail et une salle de prière d'un foyer Sonacotra du quartier des Izards pour y prêcher le jihad et leur haine des juifs et des Américains. Le tout sous l'œil des policiers des RG qui les observent «se monter le bourrichon entre eux», comme en témoigne un des fonctionnaires à Libération.

En 2003, les frères Clain et Sabri Essid s’installent brièvement à Utrecht, aux Pays-Bas, d’où ils ramènent de la littérature islamique vendue ensuite sur les marchés toulousains. Ils galèrent. Leur petite entreprise islamiste ne décolle pas. Faute de mieux, les frères Clain partent l’année suivante en Egypte avec leurs épouses pour étudier dans une école coranique de la banlieue du Caire. L’intervention de l’armée américaine en Irak en 2003 et l’apparition de l’organisation jihadiste d'Abou Moussab Al-Zarqaoui, affiliée à Al-Qaeda, donne enfin à Fabien Clain et à ses comparses l’opportunité de s’engager dans la lutte armée.

En Irak, les candidats au jihad venus d’Europe sont utilisés dans les attentats-suicides contre les soldats américains et la population chiite. Mais surveillé de près, le groupe Clain-Essid est démantelé début 2007, avant même d’avoir mis un pied en Irak. Thomas Barnouin, un converti originaire d’Albi, et Sabri Essid seront serrés par la police syrienne près d’Alep alors qu’ils s’apprêtaient à passer en Irak. Ils seront expulsés en France deux mois plus tard. Fabien Clain est alors en Egypte. De retour en France, c’est libre qu’il se présente au procès de leur groupe, en 2009, durant lequel il est appréhendé et écope d’une peine de cinq ans de prison.

Retour d’Afghanistan

Selon un courrier intercepté par l'administration pénitentiaire, Clain correspond durant sa détention avec Mohamed Merah. Mais toujours détenu lors des attentats commis par ce dernier en mars 2012, il se défendra d'avoir inspiré le tueur des militaires et des enfants juifs. «Je n'ai jamais été proche de Merah ! Quand il a tué tous ces gens, j'étais en prison. J'ai découvert cela dans ma cellule», s'insurge-t-il dans une interview donnée en juin 2013 au journal 20 minutes.

Interdit de séjour à Toulouse et dans 22 départements, Fabien Clain vivait alors en Normandie. Son frère Jean-Michel, resté à Toulouse, n'a pas été inquiété dans la filière irakienne. Il apparaît cependant dans les images vidéo de la surveillance du domicile toulousain de Mohamed Merah, mise en place à son retour d'Afghanistan en 2010. Jean-Michel et Fabien Clain ne seront cependant pas entendus par la police. Ils disparaissent en Syrie, vraisemblablement dans le courant de l'année 2014, tout comme Sabri Essid et une dizaine de membres du groupe de Toulouse. A l'inverse d'Essid, apparu dans une vidéo d'exécution de l'EI (lire Libération du 11 mars 2015), Fabien Clain était resté extrêmement discret sur les réseaux sociaux jusqu'à sa réapparition dans l'enquête sur l'attentat avorté de Villejuif.

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