Dans tous les manuels d’histoire et les articles de presse d’aujourd’hui, les événements du 6 août 1945 sont décrits sans faire de détour : un bombardier américain B-29 Superfortress a largué une bombe atomique au-dessus d’Hiroshima et tué quelque 140 000 personnes. Mais soixante-dix ans plus tôt, la presse japonaise minimisait l’ampleur des dégâts et tardait à informer la population.

Dans un article publié le 5 août 2015, le Japan Times revient sur le traitement médiatique des bombardements à l’époque où ce quotidien s’appelait le Nippon Times. “Lundi matin, Hiroshima a été attaquée par un petit nombre de bombes à 8 h 20”, avait annoncé le journal en référence au bombardier américain le 7 août 1945. Jamais nommé, “l’ennemi” est accusé d’avoir lâché “des explosifs et des produits incendiaires”.

Le lecteur a dû attendre quelques jours pour connaître la nature de l’attaque et l’ampleur des dégâts. Dans son édition du 9 août 1945, le Nippon Times explique que “des dégâts considérables ont été causés par l’utilisation d’un nouveau type de bombe”. Les journalistes accusent pour la première fois l’ennemi “d’avoir tué et blessé autant d’innocents que possible en raison d’un désir urgent de terminer la guerre”.

C’est seulement le 12 août pour que le quotidien évoque la “bombe atomique”, dans les mots du président américain Harry S. Truman. Il informe aussi pour la première fois ses lecteurs que Nagasaki a été frappée trois jours plus tôt [le 9 août] par une bombe “causant des dégâts relativement légers [par rapport à ceux d’Hiroshima]”.

Les archives du Japan Times montrent comment les autorités ont essayé d’informer la population et de lui transmettre des conseils pour se protéger d’une nouvelle attaque : “La bombe d’un nouveau type a été lâchée par parachute. Entre 500 et 600 mètres du sol, elle émet une lumière et explose. La détonation de la bombe est puissante et la chaleur se répand partout autour.”

Dans cette édition, les Américains sont ostensiblement visés. Le quotidien japonais accuse Washington d’avoir commis “un péché contre la culture de la race humaine en utilisant une bombe qui est plus cruelle que tous les missiles ou les armes utilisés dans le passé”. Le ministère de l’Intérieur, qui craint une nouvelle attaque et refuse de capituler, conseille aux habitants “d’utiliser une couverture ou un futon s’ils ne peuvent pas se mettre à l’abri”.