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La bataille perdue des taxis français

Publié le 6 août 2015 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

L'intersyndicale des taxis a fait savoir qu'elle ne donnerait pas suite à la proposition de table ronde d'Emmanuel Macron. Les objectifs affichés par le ministre de l'Economie, qui espérait réunir à la fin du mois les représentants des taxis et des VTC pour « repenser le modèle économique du secteur », ne semblaient, il est vrai, guère compatibles avec la stratégie de blocage des taxis. Un mois après leur coup de force contre les VTC, et la suspension de l'application UberPOP, on les imaginait mal se ranger aux velléités libérales du ministre pourfendeur des professions réglementées. Dans la guerre qui les oppose aux VTC, les taxis ont choisi l'intimidation de la concurrence et des citoyens pour maintenir la pression sur les pouvoirs publics et les obliger à renforcer les obstacles réglementaires pesant sur l'activité des VTC. Interdiction du maraudage aux VTC, restriction du stationnement sur la place publique et de l'utilisation des outils de géolocalisation... la logique des chauffeurs de taxi est aux antipodes de la libéralisation du secteur voulue par le ministre.

Cependant, cette approche défensive fait-elle véritablement sens ? Les taxis peuvent-ils espérer indéfiniment repousser la concurrence des VTC en contraignant les gouvernements successifs ? On peut en douter. Car, dans cette bataille, les VTC ont un atout imparable dans leur manche, leurs tarifs. Débarrassés des contraintes financières que représente l'acquisition des licences pour les taxis et libres de fixer leurs prix, les VTC sont capables d'offrir un service similaire à des tarifs sensiblement inférieurs. Les obstacles réglementaires qu'on leur imposera sont susceptibles de retarder le processus de libéralisation à l'oeuvre - au détriment des consommateurs et de la compétitivité économique - mais ne pourront l'interdire véritablement.

Aussi la stratégie de l'intersyndicale des taxis ressemble davantage à une tentative désespérée pour sauver un modèle économique révolu, qu'à une politique de long terme visant à préserver les intérêts de la profession.

Sous la pression des VTC, les taxis perdent des clients et voient surtout la valeur des licences s'éroder rapidement. En seulement deux ans, ces dernières ont perdu plus de 20 % à Paris, ce qui représente une perte en capital de plus de 50.000 euros. Les faillites de petites sociétés se multiplient, accentuant l'emprise des poids lourds du secteur, et notamment de G7 sur Paris.

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Comme le rappelle le rapport Attali-Macron de 2008, seule la remise à plat de la réglementation pourrait mettre un terme à cette funeste logique. Plusieurs options sont envisageables, du rachat à l'amortissement des licences sur une période longue. Chacune doit permettre de sauvegarder une épargne constituée souvent au prix d'un dur labeur. Mais il faut désormais se convaincre de la nécessité d'une évolution radicale du métier de taxi dans le sens d'une plus grande liberté économique, d'un accès facilité aux nouveaux entrants, et de la disparition du système des licences. A terme, rien ne justifie fondamentalement que subsiste un cloisonnement réglementaire entre VTC et taxis. Pour le secteur dans son ensemble, une telle évolution ne peut être que bénéfique. En favorisant la concurrence et la baisse des tarifs, la libéralisation est susceptible de lui donner un nouveau souffle, avec potentiellement la création de dizaines de milliers d'emplois. On estime par exemple le nombre de chauffeurs de taxi-VTC à plus de 60.000 à Londres, alors qu'ils ne sont que 20.000 à Paris du fait des restrictions réglementaires.

Pour la société française enfin, cette évolution serait également positive. Elle correspondrait à une démocratisation de l'accès au transport automobile pour celles et ceux qui en sont exclus faute de moyens. A la disposition de tous, les chauffeurs rempliront de nouvelles fonctions sociales, dont beaucoup sont encore à inventer. Ainsi, il y a un réel intérêt à engager la mutation d'une organisation devenue obsolète et corporatiste.

Romain Perez

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