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La productivité qui stagne, cette erreur qui nous tue

La façon actuelle de mesurer la productivité cache les changements en cours dans nos sociétés. Le PIB, issu du monde de l'industrie et de l'agriculture, ne suffit plus à décrire la réalité d'un monde façonné par Google, Facebook ou Uber.

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Publié le 7 août 2015 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

C'est tristement officiel : la productivité, la richesse produite par heure, est en décélération constante. Elle est désormais plate. En même temps, nous allons à Londres, où la stagnation de la productivité inquiète les statisticiens (la Banque d'Angleterre dans une étude récente et le Trésor français dans une autre) : nous y voyons une économie vibrante. Quant aux start-up françaises, elles ne s'inquiètent pas tant que cela de la lenteur qui nous étreint ! Et moins encore Los Angeles, même si Janet Yellen, la patronne de la Fed, faisant écho à la « stagnation séculaire » annoncée par Larry Summers, prévient que sans hausse significative de la productivité, il ne sera possible ni de croître ni d'augmenter les salaires.

Et si nous passions à côté de la révolution en cours ? Et si, avec ce PIB qui nous vient de l'agriculture et de l'industrie du XIXe siècle, de l'effort physique lié la machine, nous ne comprenions pas ce qui se passe dans ce monde de communication et de partage d'informations ? Pis, nos analyses actuelles vont non seulement à l'encontre du diagnostic, mais plus encore de la solution. Il ne s'agit pas de craindre les robots destructeurs d'emplois, après les Chinois, mais de voir comment gagner des emplois avec les robots !

La lacune des mesures de productivité est d'être macroéconomique. Elle mélange ce qui naît à peine avec ce qui peine, ce qui révolutionne avec ce qui freine. Elle trouve une stabilité, mais elle vient de la lutte entre les espoirs et idées actuels contre les savoirs anciens, les structures établies et autres « avantages acquis ».

Le monde de Google, Apple et Facebook n'aiderait donc pas la productivité ? Agir plus vite et efficacement, communiquer plus finement, choisir plus précisément, mieux comprendre ce que veut (et voudra) tel client pour mieux le satisfaire, ne ferait donc pas plus de croissance ?

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Non, vous dit-on, puisqu'on appelle croissance toute dépense ! On connaît les critiques anciennes, toujours valides, à cette approche du PIB qui nous plombe. Le mariage, où l'employeur épouse son employé(e), qui travaille désormais sans salaire, fait baisser le PIB. Heureusement, pollution et embouteillages le font monter ! Le PIB est davantage calculé en fonction du temps physique qu'intellectuel. L'innovation et l'astuce, soit faire autrement avec moins, deviennent pour lui récessives, comme les désintermédiations et autres « ubérisations » qui explosent.

Que dire au prix Nobel Solow en 1987 qui s'inquiète de ces ordinateurs « qui sont partout, sauf dans les statistiques » ? Qu'il faut attendre que le processus se diffuse. C'est en cours. Toutes les entreprises sont sur Internet, celles qui refusent meurent. De plus en plus de salariés utilisent les nouveaux outils... Pas assez. Accélérons.

Que dire à ces consommateurs qui préparent leurs courses et font leurs choix sur ordinateur, se renseignent et comparent ? Qu'ils doivent cesser de faire baisser le PIB, ou continuer ? L'économie de la gratuité, puisque ces consommateurs ne sont évidemment pas payés pour chercher ce qu'ils vont acheter et ne posent pas de questions à un salarié à un comptoir, prépare des choix plus efficaces car mieux informés, et marchands. Elle n'est pas récessive. Il faut donc améliorer nos mesures, suite au rapport Stiglitz, Sen, Fitoussi - et, en attendant les résultats, changer plus vite encore nos pratiques, formations et structures.

Que dire aux jeunes chômeurs ? Que l'ordinateur est responsable de leur état ? Ou bien qu'il faut lier formation, apprentissage et création d'entreprises, et que les entreprises, grandes ou petites, les attendent. Elles rajeuniront !

Nos mesures de productivité cachent les changements en cours. A preuve, la forte hétérogénéité des entreprises entre les « toutes nouvelles », les « en cours de restructuration » et « les autres ». La croissance viendra de la réduction de ces écarts, avec et par les changements de structures et la diffusion des innovations. Voilà le chantier.

Au lieu de dire que cette productivité, en fait mal mesurée, annonce la stagnation, il faut redoubler d'efforts de formation et de création de nouveaux outils d'information-communication, avec les clients et les salariés devenus testeurs et coopérateurs. Nous entrons dans l'économie du partage. Les gains de productivité y seront plus élevés, les baisses de prix aussi. Ne regardons pas le futur avec les lunettes du passé !

Jean-Paul Betbeze

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