Claudia González, photographe d’origine chilienne, a grandi en Espagne. Elle a réalisé cette série de portraits de transgenres à Cuba en focalisant son objectif sur le diptyque “avant/après” du changement de sexe. Baptisé “Reassign”, du mot anglophone qui définit la phase chirurgicale de la transformation, ce travail a pour but de transformer également le regard du spectateur sur une communauté souvent contrainte à la prostitution et confinée dans la pauvreté.

Le projet de Claudia González a mûri en 2011 après une rencontre avec un mannequin qui lui a confié ses difficultés à faire accepter son statut sexuel. A Cuba, la photographe entre alors en relation avec un organisme public d’éducation sexuelle, le Cenesex, dirigé par la fille du président Raúl Castro, Mariela Castro. Cette institution bataille notamment pour une meilleure intégration de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) dans la société cubaine.

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De prime abord, explique la photographe, “cet organisme s’est montré sceptique”, craignant une mise en scène spectaculaire et déformante de la transsexualité. Mais c’est tout l’inverse que se propose Claudia González : ses modèles posent de façon naturelle, “en restant eux-mêmes”, souligne-t-elle. “Il faut traiter le thème transgenre sous une forme documentaire afin que le public voyant ces photos parvienne à se rendre compte en un coup d’œil de ce que vivent ces ‘trans’ au quotidien, et pas seulement à Cuba”, a-t-elle ainsi confié au journal Diario de Cuba. Avec le parti pris de la photo d’identité, Claudia González a pris le contre-pied du voyeurisme auquel sont confrontés les transgenres, souvent représentés dans un contexte de prostitution. “Ces personnes ne vivent pas du tout dans la marginalité, précisait-elle au journal. Elles sont coiffeuses, infirmières ou diplômées de l’université.”

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Ses portraits, réalisés dans le courant de l’année 2012, ont convaincu les institutions cubaines, et une exposition Reassign à La Havane est même envisagée. La photographe poursuit désormais son projet aux Etats-Unis et en Europe. “Quand Reassign a vu le jour, explique-t-elle, j’ai reçu des courriels de remerciement du monde entier, et pas seulement des transgenres eux-mêmes, mais aussi de leurs proches. Certains m’ont expliqué que les problèmes rencontrés par ces personnes existent partout, même dans des pays réputés plus tolérants, comme les Pays-Bas.”
Courrier international