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Alzain Tareq, 10 ans, nageuse et phénomène de foire

La petite Bahreïnie participe aux Mondiaux à Kazan. Ce qui laisse pour le moins sceptiques les spécialistes.
par Mathieu Grégoire, Envoyé spécial à Kazan
publié le 7 août 2015 à 11h40

A l'écouter, Belal Tareq semble un coach comme les autres. En zone mixte, il parle avec entrain de chronos, de performances, de temps de passage… Sauf que sa nageuse, qui est aussi sa fille, a 10 ans, et elle est devenue vendredi matin la plus jeune athlète dans un bassin dans l'histoire des Mondiaux. Une compétition sans limitation d'âge. Alzain Tareq a disputé les séries du 50 m papillon (dernier temps en 41"13, à près de 17 secondes du record du monde de la distance et 5 de l'avant-dernière du jour, la Malienne Samassekou). Elle s'attaquera ce samedi à celles du 50 m, «son réel objectif» dixit papa, qui l'a placée à ses Mondiaux grâce aux invitations de la Fédération internationale pour les petits pays. «Elle nage depuis qu'elle a 4 ans, elle a disputé ses premiers championnats du Bahreïn à l'âge de 7 ans», explique le paternel, qui vise un accessit aux JO de Tokyo, en 2020.

Petit bout volubile d'1,20m, bonnet de bain compris, Alzain a été photographiée sous tous les angles par les suiveurs, et par certains athlètes aussi, cela leur fera une histoire à raconter aux copains. Puis ils ont baissé micros et dictaphones pour l'écouter raconter sa course : «Je suis meilleure sur 50m nage libre. Ce matin, je ne suis pas très satisfaite, j'étais un peu nerveuse, avec tous ces grands de la natation à côté.» Elle a notamment fait part de son admiration à la Suédoise Sarah Söjström, meilleur temps des séries en 25"43. Söjström avait remporté son premier titre mondial sur 100 m papillon à Rome, en 2009, à l'aube de ses 16 ans. Mais il s'agissait à l'époque d'une jeune femme déjà formée.

Richard Martinez, l'un des entraîneurs de l'équipe de France, ne voit «aucune maturité biologique précoce» dans le cas d'Alzain, qualifiée de «pin's» par ses consœurs. «Dans une telle compétition, il y a un aspect émotionnel, affectif, et je ne suis pas sûr que cela construise tant et si bien que cela», ajoute Martinez. Pour Fabrice Pellerin, le responsable de l'équipe de France féminine, «c'est du gadget, un petit niveau, franchement. C'est une nageuse invitée, bon. Moi, je n'ai pas d'a priori sur les âges. On peut être mûr et talentueux très tôt, à 11, 12, 13 ans. Wolfgang Amadeus Mozart, on ne lui a jamais dit : "Tu es trop jeune, attends avant de composer." La question est de savoir si le parcours est naturel, sain. A Nice, Camille (Muffat), je l'ai intégrée à 13 ans dans un groupe avec des nageurs qui avaient 10 ans de plus qu'elle. Elle avait les attributs physiologiques, psychologiques. Alors attention, elle avait moins de séances, pas de muscu, mais elle s'imprégnait du haut niveau.»

Alzain semble s'amuser de tout le cirque autour d'elle. «Cette semaine, je l'ai vu manger du pop-corn en tribune et rire. C'est là qu'est sa vraie place», raconte l'entraîneur en chef de l'Allemagne, Henning Lambertz. Ça lui fera des souvenirs, à la petite Alzain, à défaut d'un réel tremplin pour la suite.

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