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Si l'on commence à se faire à l'idée qu'il faut limiter notre consommation de produits sucrés, on continue souvent allègrement à manger du pain blanc et des céréales raffinées comme le riz blanc ou les pâtes. Des habitudes néfastes pour notre moral, d'après des chercheurs américains. Selon une étude menée auprès de 70 000 femmes ménopausées dans le département de psychiatrie de l'université Columbia aux États-Unis et publiée récemment dans l'American Journal of Clinical Nutrition (AJCN), une alimentation riche en glucides raffinés avec un index glycémique élevé augmente en effet le risque de dépression.
« Quand j'étais enfant, j'étais presque un junkie des bonbons », rapporte le pilote de cette étude, James E. Gangwisch, au Time. « Quand je mangeais beaucoup de sucre, je me sentais moins bien le lendemain », explique-t-il. Depuis, il a arrêté les sucres ajoutés, mais il a toujours été intrigué par les relations entre malbouffe et dépression. Avec ses confrères chercheurs, il a observé ce lien sur 70 000 femmes ménopausées durant trois ans. Les résultats montrent une corrélation évidente et proportionnelle entre consommation d'aliments à index glycémique élevé et risque de dépression : plus on en mange, plus notre moral se détériore.
A contrario, les chercheurs ont constaté que certains aliments s'avéraient protecteurs et diminuaient le risque de dépression : fibres, grains entiers, fruits entiers (et non les jus de fruits), légumes et lactose formeraient le quinté gagnant et le secret d'une humeur égale. Plusieurs mécanismes pourraient expliquer ces résultats. Tout d'abord, l'excès de sucres et de céréales raffinées semble augmenter les risques d'inflammation cérébrale, ce qui pourrait entraîner la dépression. Par ailleurs, la réponse hormonale est également en cause. Plus l'index glycémique d'un aliment est élevé - sucre, pain blanc, riz blanc… –-, plus le niveau de sucre dans le sang augmente rapidement, ce qui déclenche alors une réponse hormonale immédiate dans le corps pour réduire ce niveau de sucre (via l'insuline). Cette chute brutale de sucre dans le sang entraîne ou accentue alors les sautes d'humeur, la fatigue, l'irritabilité et d'autres symptômes comme la dépression.
Les dangers du sucre
S'il est difficile et délicat de conseiller aux personnes traversant une dépression de supprimer ces aliments délétères, l'effort serait vraiment payant d'après les chercheurs, au moins en prévention. « Je pense vraiment que c'est important et que cela a un impact important sur votre humeur, votre bien-être et votre niveau d'énergie », insiste le chercheur James E. Gangwisch. Outre les femmes ménopausées, il est fort probable que nous soyons tous concernés. D'autres études ont, en effet, déjà montré le lien délétère entre consommation de sucre et anxiété ou dépression pour les adolescents, notamment.
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Plus globalement, ces dernières années, une prise de conscience s'établit sur la nocivité du sucre. On connaît ses méfaits pour l'obésité, le diabète, l'hypertension, le risque d'infarctus ou de cancer du sein, et on commence à comprendre comment il pourrait altérer le cerveau, impactant l'humeur mais aussi les capacités intellectuelles et la mémoire. Cette nouvelle étude nous invite à considérer l'apport de sucre dans son ensemble, en fonction de la charge glycémique des aliments notamment et pas seulement les aliments au goût sucré.
Pour réduire ces aliments au quotidien, outre la limitation des boissons sucrées (sodas, jus de fruits…), des sucreries et desserts, le plus simple reste de se convertir au pain complet et au riz et pâtes semi-complets ou complets. Et surtout d'éviter les sucres cachés de l'alimentation industrielle, qui représentent les trois quarts de notre consommation : plats préparés, surgelés, conserves, sauces, soupes, charcuterie, biscottes… Comment ? En se mettant aux fourneaux !
En même temps que nous mangeons (statistiquement) de plus en plus mal, se développe une nouvelle révolution dans le doma...ine de la nutrition. Cette étude ajoute donc le risque de dépression aux conséquences d'une mauvaise alimentation, liée généralement aux techniques apparues depuis la révolution industrielle.
Les diététiciens se sont longtemps acquis, à juste titre, une piètre réputation. Les débuts de leur science ont souvent eu pour effet d'aggraver le comportement spontané des patients. Vers 1989, un vieil homme m'a raconté que le pire de la guerre de 14 (il était enfant) a été le manque de sucre. Et il a eu cette formule saisissante "le sucre ! La racine de notre vie ! " De telles conceptions sont forcément le fruit des premières observations scientifiques, qui étudiaient analytiquement le rôle de chaque aliment. Le sucre blanc donnait de l'énergie concentrée...
Mais tout a changé depuis qu'on prend comme point de départ l'observation des pratiques régionales, associée aux études épidémiologiques. Pendant longtemps, ces recherches ont été marginalisées, bien qu'elles existaient depuis environ 1950. Une étape importante pour l'opinion française a été la fameuse Lyon Diet Heart Study, de Serge Renaud et Michel de Lorgeril, qui a testé le régime crétois sur des patients ayant subi un infarctus.
Les résultats des recherches actuelles sont enthousiasmants, mais leur passage en pratique dans le public dépend du niveau social, à la fois pour des raisons de revenus, de culture et d'accès à la connaissance. Les médias de masse perdraient beaucoup de publicité s'ils informaient correctement les classes populaires qui les fréquentent... Il y a donc une course de vitesse entre d'une part la popularisation des découvertes scientifiques et d'autre part le progrès de la malbouffe, encouragé par les industries alimentaires, qui n'hésitent pas à susciter des études scientifiques biaisées, mais conformes à leurs intérêts, à titre de contre-feux.