La crise économique qui frappe la Russie est loin d’être terminée. Elle s’est même aggravée singulièrement au second trimestre de l’année 2015, selon les chiffres communiqués, lundi 10 août, par le service fédéral de statistique Rosstat.
Entre avril et juin, le produit intérieur brut (PIB) russe a reculé de 4,6 % par rapport à la même période de l’année 2014, soit la pire performance jamais enregistrée depuis la récession de 2009. Surtout, cette contraction de l’activité marque une nette dégradation par rapport à la baisse du premier trimestre (– 2,2 %), mais aussi une déception pour le gouvernement, qui tablait sur un recul limité à – 4,4 %.
Quoique plus mauvais qu’attendu, ces chiffres ne constituent pas une surprise complète. L’économie russe accuse les effets de la crise monétaire qui frappe le pays depuis décembre 2014. Sur les douze derniers mois, le rouble s’est déprécié de 43 % face au dollar, handicapant fortement le pouvoir d’achat et la consommation. Illustration de cette faiblesse, les chiffres de vente de voitures neuves, annoncés lundi, montrent un recul au mois de juillet de 27,5 % sur un an.
Toujours en juillet, l’inflation s’est établie à 15,6 %, ce qui constitue un léger mieux par rapport aux 16,9 % atteints en mars (la pire performance en treize ans) mais reste largement insuffisant pour pouvoir renverser la tendance. Le Fonds monétaire international (FMI) prédit un taux d’inflation sur l’ensemble de l’année 2015 à 18 %, bien plus que les quelque 10 % prévus par la banque centrale russe.
Crédit inaccessible
Le choc est d’autant plus rude pour les consommateurs que les prix des produits alimentaires, pour moitiés importés, ont encore plus grimpé sous l’effet de l’embargo imposé par le Kremlin et qui a été reconduit jusqu’au 5 août 2016, en réponse aux sanctions prises notamment par l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis.
L’aggravation de la récession russe s’explique aussi par les mauvaises performances de l’industrie. En juin, la production industrielle a reculé de près de 20 %. Les mesures drastiques prises dès le mois de décembre 2014 par la Banque centrale pour soutenir le rouble ont rendu le crédit inaccessible aux entreprises. Son taux directeur actuel, à 11 %, est bien en deçà des niveaux de l’hiver, mais reste dissuasif pour l’activité.
Les économistes s’accordent à penser que la période présente constitue le pic de la crise. « La baisse du taux de chômage, passé de 5,9 % de la population active en mars à 5,4 % en juin, et la stabilisation de la baisse de la consommation sont des signes encourageants, note Natalia Orlova, chef économiste chez Alfa Bank, mais il ne fait aucun doute que la reprise n’interviendra pas cette année. La tendance reste mauvaise pour les troisième et quatrième trimestres. »
« Crise structurelle »
Le scénario des autorités russes, qui espèrent une amorce de reprise dès le troisième trimestre et une croissance de plus de 2 % en 2016, paraît très optimiste, d’autant que le prix bas des hydrocarbures noircit un peu plus le tableau. La plupart des estimations se fondent en effet sur un baril à 60 dollars, quand celui-ci plafonne ces dernières semaines en dessous des 50 dollars. Les hydrocarbures représentent 25 % du PIB russe, 70 % de ses exportations et 50 % de son budget. Les récentes discussions sur le relèvement de l’âge de départ à la retraite – actuellement à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes –, et la baisse des pensions montrent que le pouvoir se prépare à affronter des jours plus difficiles encore.
Dans ces conditions, les milieux d’affaires et les réformateurs ne cachent pas leur inquiétude. « Nous sommes au centre de la tempête », expliquait au Monde, fin juin, l’ancien ministre des finances, Alexeï Koudrine, appelant le Kremlin à des réformes de fond.
« La crise actuelle n’est pas seulement une question de conjoncture, elle est structurelle, estime aussi Igor Nikolaïev, directeur de l’institut d’analyse stratégique FBK. Elle vient de notre dépendance critique aux hydrocarbures, de l’inefficacité des institutions, du manque de réformes, de l’augmentation continue des budgets militaires… La preuve en est que, jusqu’à l’année dernière, lorsqu’il n’y avait pas de sanctions et que les prix du pétrole étaient raisonnables, la croissance était déjà atone. »
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu