Les républicains sont les premiers choqués par la dernière des provocations de Donald Trump, lors du premier débat télévisé des candidats aux primaires républicaines, le 6 août: le tonitruant milliardaire s'en est pris à une journaliste vedette de la chaîne conservatrice Fox News, Megyn Kelly, qu'il a fait mine d'accuser de lui avoir posé des questions musclées parce qu'elle avait ses règles. Ces propos ont valu au candidat d'être exclu, ce week-end, d'un rassemblement politique des conservateurs républicains. Pourtant, aussi outrancières soient-elles, les mufleries du magnat ne peuvent masquer une tendance lourde chez les républicains: le désamour mutuel qu'ils entretiennent avec les femmes.

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Une candidate femme sur 17

Ce n'est pas ce début de campagne pour la présidentielle de 2016 qui changera l'image du Grand Old Parti (GOP), depuis plusieurs années qualifié de parti des "vieux mâles blancs". Bien que le nombre de candidats à la primaire ait atteint un record cette année, les 17 prétendants ne comptent qu'une seule femme, Carly Fiorina. Fidèle aux positions droitières de son parti, l'ex-PDG de Hewlett-Packard prouve que la défense des droits des femmes n'est pas sa priorité: "Je ne suis pas opposée au congé maternité payé", a-t-elle répondu lors d'une interview sur CNN. "Je suis opposée à l'idée que le gouvernement fédéral oblige chaque entreprise à payer pour le congé maternité". Les Américaines ont droit à 12 semaines d'absence pour une naissance -moins que les femmes afghanes qui en ont 13, relève le Huffington Post, et les Françaises,16- mais les employeurs ne sont pas tenus de payer leurs salariées pendant cette absence.

Le parti des "vieux mâles blancs"

Depuis 1988, aucun candidat républicain à la présidentielle ne l'a emporté face à son rival démocrate dans l'électorat féminin.

Lors de la première élection de Barack Obama, en 2008, 56% des femmes avaient voté pour lui, un record. A l'occasion des élections de mi-mandat de l'automne 2014, remportées par les républicains, les femmes ont encore voté à 51% en faveur du parti d'Hillary Clinton contre 47% pour le parti de Jeb Bush, prenant le contre-pied du vote masculin (41% pour les démocrates, 57% pour les républicains), selon l'institut Pew Research. L'écart n'est pas nouveau, mais il ne cesse de se creuser: en 2006, la différence entre hommes et femmes susceptibles de voter pour le GOP était de 4 points, de 6 points en 2010 et de 10 en 2014, complète l'institut de sondage.

Le candidat républicain Mitt Romney a bien eu la faveur de 56% des femmes blanches en 2012, mais 44% seulement de l'ensemble de l'électorat féminin a voté pour lui, contre 55% pour Barack Obama.

Ecart des préférences de vote hommes/femmes

Ecart des préférences de vote hommes/femmes

© / Pew Research Center

Les raisons du désamour

Les raisons de cet écart sont multiples. De manière générale, les femmes se disent plus favorables, d'après un autre sondage de Pew Research, à des politiques de redistribution en faveur des pauvres, des enfants et des personnes âgées, ainsi qu'à la protection de l'environnement, des causes plus souvent défendues par les démocrates que par les républicains. Et elles sont bien entendu plus attachées au droit à la contraception et au contrôle des naissances.

Or, la plupart des candidats républicains sont hermétiques à ces préoccupations. Les primaires font toujours l'objet, aux Etats-Unis, d'une surenchère conservatrice destinée à attirer les électeurs les plus engagés dans cette pré-bataille électorale, ceux de la frange traditionaliste du parti. Le temps du recentrage vient après la sélection du candidat qui affrontera l'adversaire démocrate. C'est ce qui a poussé Marco Rubio et Scott Walker à se déclarer hostiles à l'IVG, y compris en cas de viol ou d'inceste, pour le premier, ou de danger pour la santé de la mère pour le second. Quand bien même sept républicains sur dix se disaient, lors d'un sondage en 2012, partisans du droit à l'avortement dans ces cas extrêmes. Pour la même raison, plusieurs des candidats à la primaire se sont engagés avec insistance à mettre fin au financement fédéral du planning familial, objet d'une controverse récente. Même le 'centriste' Jeb Bush s'est vanté d'avoir coupé les fonds du planning familial lorsqu'il était gouverneur de Floride.

Une aubaine pour les démocrates

Pourtant, "le retour de la question de l'avortement au coeur de la campagne présidentielle est potentiellement aussi désastreuse pour le parti républicain qu'il est satisfaisant pour sa frange socialement conservatrice", observe le site Vox. A l'inverse, les démocrates voient la menace que le Congrès contrôlé par les républicains ne coupe, à l'automne, le financement du planning familial, comme une aubaine. Au cours de la campagne présidentielle de 2012, le GOP avait été stigmatisé par les démocrates pour sa "guerre contre les femmes", en raison de ses positions sur l'égalité des salaires, la protection contre la violence familiale et l'accès aux services de planification familiale. Deux ans plus tard, souligne un éditorial du Baltimore Sun, un sondage commandé par les républicains révélait que l'électorat féminin estimait le GOP "englué dans le passé", "intolérant" et "manquant de compassion". Au lieu d'en tirer les leçons, à quelques mois du début des primaires, le parti républicain semble céder une fois de plus aux sirènes de son électorat le plus fidèle, celui des "hommes blancs en colère".

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