Alcool : au bistrot, la modération a gagné

Selon une étude que nous vous dévoilons, les Français boivent de moins en moins, notamment au café.

Alcool : au bistrot, la modération a gagné

    Une eau gazeuse, une ! Dans son bar à l'ancienne, avec banquettes en skaï, faïence aux murs et Loto à l'entrée, Michel Dumas a l'impression de ne servir « que ça, en ce moment : des Perrier et des Coca ». Et même si le demi reste un must dans son bistrot de quartier, situé derrière la gare Montparnasse à Paris, « l'alcool, ce n'est plus ce que c'était », constate-t-il en pointant du bout du menton trois cols blancs attablés en terrasse. Pour accompagner le plat du jour, le premier sirote un soda, le second un verre de vin rouge, le troisième s'en tient à l'eau, en carafe.

    Les chiffres donnent raison à ces observations, partagées par les autres cafetiers de Montparnasse. Selon le baromètre annuel 2015 de l'association d'alcooliers Entreprise & Prévention, que nous dévoilons, les Français se modèrent face à la bouteille. « La consommation en alcool des ménages est de plus en plus occasionnelle, résume Alexis Capitant, directeur général d'Entreprise & Prévention. Une majorité, 56 % exactement, en boit moins d'une fois par semaine. »

    «Quand je prends du vin j'en choisis un bon»

    Ils deviennent rares ceux qui, comme Boris Vian autrefois, boivent « systématiquement ». Selon le sondage Ifop*, réalisé pour le baromètre d'Entreprise & Prévention, 12 % des Français lèvent le coude tous les jours. La majorité sont des hommes, de 60 ans et plus. Surtout, quand il sort, au restaurant, au café, dans un bar ou une discothèque, moins d'un client sur deux (43,9 %) commande aujourd'hui une boisson alcoolisée et, quand il le fait, il a tendance à sélectionner son breuvage avec soin. Adieu piquette ! Pierre, un cadre parisien de 25 ans, ne commande ni rouge ni blanc à déjeuner, parce qu'il trouve que « ce n'est pas sain ». Mais il lorgne sur les cocktails pendant les happy hours des cafés, et au supermarché il préfère les produits au packaging soigné, qui lui semblent de meilleure qualité. « Je n'achète pas un grand pack de bières, j'essaie des choses plus recherchées, détaille-t-il. Quand je prends du vin j'en choisis un bon. »

    Cette tendance au « moins mais mieux », que les professionnels appellent la « premiumisation », s'observe « à l'échelle de l'Europe, mais elle semble plus marquée en France qu'ailleurs », estime Alexis Capitant. Autre spécificité hexagonale, les vins, qu'ils soient rouges, blancs, rosés, noyés ou pas sous les glaçons, restent les seigneurs de la table, loin devant tous les autres breuvages alcoolisés. Même à l'heure des cacahuètes, le vin renvoie le traditionnel apéritif, plus chargé en degrés, au rayon des traditions d'antan. « Le digestif est devenu encore plus rare », relève François Amour, derrière le comptoir de la Marquise, à Paris. A ses clients, il prépare surtout « des mojitos, des caïpirinhas et des spritz, qui marchent très fort ».

    Quelle que soit la mode du moment, Charlotte n'y goûtera pas. « Je n'ai jamais été une grande buveuse, mais aujourd'hui je ne bois plus du tout », explique cette trentenaire de l'Yonne, au bar, devant une eau pétillante.

    Sa résolution détonne de moins en moins. « Hier, j'avais des amis à la maison, ils ont bu le jus de fruits prévu pour les enfants ! » s'exclame Charlotte qui, pourtant, possède « un bar avec tout ce qu'il faut dedans ». Il est rarement visité, et les bouteilles achetées il y a des mois sont encore « pleines comme au premier jour ».

    * Enquête réalisée en février 2015 sur un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.