Affaire Tarnac : « La justice réalise que c’était du vent »

Affaire Tarnac : « La justice réalise que c’était du vent »
affaire tarnac:reactions de benjamin rosoux mathieu burnel et manon glibert suite à l' ordonnance de renvoi de la juge d' instruction © Agnès GAUDIN

Un énième épisode est venu, il y a quelques jours, ponctuer le film rocambolesque de l’affaire de Tarnac. Sur le plateau de Millevaches, la stupeur l’emporte sur le contentement.

«Tout le monde nous dit “vous devez être contents”, mais en réalité, il n’y a aucune raison d’être contents. On apprend qu’au bout de sept ans et demi à nous pourrir la vie, finalement, la justice réalise que c’était du vent. »

Pour Mathieu Burnel, l’un des mis en cause, le renvoi en correctionnelle de la juge d’instruction, est « scandaleux ».

« Dans le fond de cette ordonnance de renvoi, les faits reprennent toujours, tel quel, la version policière. Ce n’est absolument pas une victoire pour nous. La justice a été obligée de redescendre d’un cran, très certainement parce qu’il fallait recrédibiliser l’antiterrorisme, mais ce n’est pas par bonté, ni par un retour à la raison. »

Ce retournement de situation est dû, selon Benjamin Rosoux, à la pression, assez intense, qu’a pu subir la juge d’instruction. « Pour elle, il y avait une sorte d’enjeu à ne pas être exactement là où on l’attendait, c’est-à-dire ne pas recopier tel quel le réquisitoire. »

En ce qui concerne l’appel, la surprise est encore plus grande. Pour Mathieu Burnel et Benjamin Rosoux, la juge a permis au parquet de « donner l’impression d’une sorte de modération ». « Le parquet tend le bâton pour se faire battre. Il se révèle jusqu’au-boutiste. Si on a un procès pour terrorisme, ce sera évidemment le procès de l’antiterrorisme. » « C’est une bataille idéologique. Ce sur quoi ils ne veulent pas lâcher, c’est leur capacité à jouer la notion de terrorisme un peu comme ils l’entendent. Le risque, c’est que cet outil là soit rogné et borné par une jurisprudence sur l’affaire de Tarnac. »

Une affaire atypique car rendue publique

Cette dernière dure depuis plus de sept ans, et a connu de nombreux rebondissements. Avec ce nouvel épisode, le dossier va très certainement durer encore plusieurs mois. Mais, visiblement, aucune des deux parties n’entend lâcher prise. « Ce que cette affaire a d’atypique, ce n’est pas la manière dont elle a été menée par la police, mais le fait qu’elle ait été rendue publique et qu’il y ait eu du répondant. La seule chose qui a changé cette fois-ci, par rapport aux autres affaires de ce genre, c’est que les pratiques de l’antiterrorisme ont été mises en lumière. »

Question à Marie Dosé, avocate de la défense : « Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ? »

« Nous sommes dans un état d’esprit combatif, et en même temps j’ai du mal à prendre tout cela au sérieux. Pour moi, cet appel est si peu crédible que je suis un peu partagée entre la volonté d’aller jusqu’au bout de cette bataille judiciaire et juridique et un peu de dérision. Je trouve que cet appel ressemble plus à une farce qu’à une démarche juridique digne de ce nom. La décision aurait dû être accueillie très favorablement par le parquet. La prochaine étape est l’audience de la chambre d’instruction. Nous allons tout faire pour qu’elle soit publique, afin que la question de la qualification terroriste, qui concerne tous les citoyens, soit débattue publiquement, puisque visiblement, cette affaire sert à cela ».

Repères :

11 novembre 2008.  Cinq personnes sont arrêtées à Tarnac, dans le cadre d’une enquête sur des sabotages de lignes TGV.

15 novembre 2008.  Les « neuf de Tarnac » sont mis en examen. Quatre sont libérés et placés sous contrôle judiciaire, cinq sont écroués.

28 mai 2009.  Julien Coupat, chef présumé, est le dernier des cinq écroués à être remis en liberté.

De 2013 à 2015.  Les amis en cause ont mené une rude bataille mais ont été déboutés de leurs nombreux recours.

7 mai 2015.  Le parquet requiert le renvoi en correctionnelle de huit des dix mis en examen, dont trois pour la circonstance aggravante de « relation avec une entreprise terroriste ».

8 août 2015.  La juge Jeanne Duyé décide de renvoyer huit militants en correctionnelle, mais ne retient pas la qualification de « terrorisme ».

10 août 2015.  Le parquet de Paris fait appel.

Sarah Douvizy


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