“Quinze heures ont passé, et nous ne savons toujours pas ce qu’il en est des produits qui ont explosé”. A sa une, après l’énorme explosion qui s’est produite le 12 août dans un entrepôt de produits inflammables à Tianjin, le site d’information de Shanghai, Pengpai Xinwen (The Paper) s’interroge.

Le bilan provisoire de cette catastrophe survenue dans le port de la ville, à 125 km au sud-est de Pékin, est de 44 morts, dont 12 pompiers, et plus de 500 blessés.

“Nous demandons la vérité”

Dès ce matin, sur les réseaux sociaux, l’heure était à la polémique. A l’origine : un message envoyé par The Paper sur Weibo, la plateforme de microblogging chinoise, destiné à rendre hommage à l’héroïsme des pompiers qui ont affronté les flammes en tentant de sauver des gens. Ce “Nous saluons la plus belle décision du monde d’aller à contresens” (en référence à la direction que prenaient les pompiers à contre-courant des personnes qui fuyaient les lieux) a agacé les internautes chinois pour son caractère propagandiste. “Pas de sensationnel, a répondu un internaute, nous demandons la vérité, les responsables.”

Mais la phrase, à force d’être partagée sur les réseaux sociaux, est vite devenue un slogan. A Hong Kong, le journal Apple Daily s’étonne de l’ampleur que prend le phénomène : “Nous saluons la plus belle décision du monde d’aller à contresens” est en deuxième position des mots clés les plus recherchés sur Weibo. Pour illustrer son article, le quotidien a choisi un dessin qui montre les piétons marchant dans un tunnel, seul un pompier prenant une direction inverse, “en contresens”.

Des rédactions surveillées de près

Les internautes chinois, eux, fustigent cette façon de faire de la propagande qu’ils qualifient d’inacceptable, tandis que le South China Morning Post s’interroge sur la qualité de l’équipement de ces pompiers, et pourquoi ils ont été envoyés à l’épicentre de l’explosion.

Toutefois, face à l’agitation des réseaux sociaux le 12 août au soir, le Bureau de la propagande a maîtrisé la situation en ayant recours à sa toute puissance. Un Wechat (Facebook chinois) notamment, qui regroupe des journalistes, a montré l’exigence du pouvoir chinois vis-à-vis de ses rédactions : contrôlez les contenus de Weibo, Wechat et des forums, ne publiez que la communication officielle de l’agence Xinhua, du site Renmin, etc. Le journaliste de Phoenix TV de Hong Kong, Lei yu, a de son côté rapporté sur son compte Weibo : “[Sur les lieux], nous avons été en permanence suivis par des policiers et des fonctionnaires de Tianjin, jusqu’à notre départ.”

Entre-temps, l’incendie à Tianjin continue. Sa cause n’a toujours pas été déterminée, mais l’ambiance sur place commence à se calmer, du moins en apparence. Sous le contrôle du pouvoir, les médias et les réseaux sociaux se mettent à publier des histoires émouvantes d’une ville désemparée par cette tragédie. “C’est une honte !” s’exclame un internaute.