Sécurité routière : La Palice au pays des Bisounours

L'indicateur mensuel des accidents est commenté aujourd'hui comme les cours du pétrole ou de la Bourse. Est-ce bien raisonnable ?

par Jacques Chevalier

Aussi sympathique soit cette conductrice, elle représenterait en France le gros de l'accidentologie et donc des comportements à risque.
Aussi sympathique soit cette conductrice, elle représenterait en France le gros de l'accidentologie et donc des comportements à risque. © Copyright Apple, Inc., 2012

Temps de lecture : 4 min

Avant, il y avait les grands indicateurs et des analyses d'accidentologie étayées par six mois au moins d'observations. Et encore fallait-il attendre plusieurs semaines avant de tirer les conclusions selon que le pays, à l'exemple de la France, comptabilise les morts à 30 jours et non à 10 comme d'autres. On le voit déjà, la statistique comporte ses variables qui fait qu'un blessé un jour deviendra, hélas, un décès le lendemain. Tout dépend de la manière de compter.

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À ce petit jeu morbide, la Sécurité routière se laisse aller aujourd'hui avec une célérité accélérée au jeu du commentaire immédiat. On n'attend plus que le blessé décède, on comptabilise sur-le-champ. Cette façon de faire indique que les vrais chiffres d'accidentologie, ceux qui prennent le recul suffisant, sont probablement plus graves que ceux livrés en pâture aux médias impatients, en général dans la quinzaine suivant la fin du mois. Et, comme le cours d'une marchandise ou d'une action, on peut dessiner la courbe de la mortalité routière avec ses hauts et ses bas.

Hier, au ministère de l'Intérieur, le délégué interministériel à la sécurité routière pouvait faire grise mine. Ses chiffres sont catastrophiques. Mais, en bon technocrate ayant fait plancher ses services sur les raisons de ce désastre, il a ses explications. Certes, le nombre de tués sur les routes de France a augmenté de 19,2 % en juillet par rapport au même mois de 2014, mais, qu'on se rassure, le même phénomène touche aussi l'Union européenne.

"Les chiffres ne sont pas bons, il faut un sursaut", affirme Emmanuel Barbe, le monsieur Sécurité routière du gouvernement. Et quel sursaut puisque, selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, qu'il préside, 360 personnes ont trouvé la mort le mois dernier, soit 58 de plus qu'en 2014 à la même époque.

Mauvais temps pour les motards

Cette augmentation est asymptomatique puisqu'elle tranche à près de 20 % sur ce seul mois de juillet avec les + 0,8 % enregistrés au premier semestre 2015 par rapport à la période de référence en 2014. Mais celle-ci était déjà une médiocre base de comparaison puisqu'elle rompait pour la première fois depuis douze ans avec la baisse continue de la mortalité (+ 3,5 %). Surtout, Emmanuel Barbe s'est attaché à cibler les populations à risque qui fournissent le plus gros contingent de la mortalité routière.

En premier lieu, il y a les motards qui ont eu le tort, en raison du beau temps, de sortir leurs machines du garage. Bilan, ils fournissent près du tiers du nombre des tués parce qu'ils s'étaient gardés, l'année précédente, d'en faire autant en raison de la météo pluvieuse. À plus de 57 %, la mortalité sur deux roues devrait commander une solution à la façon de La Palice : ajouter deux roues et une carrosserie à toutes les motos. On ne comprend pas pourquoi Emmanuel Barbe n'y a pas pensé plus tôt.

Il doit songer aussi à intervenir sur la météo, car, on l'a noté, le temps plus clément a incité à faire plus de kilomètres. Le mois de juillet 2014 a été le mois le plus pluvieux en France depuis plus de cinquante ans, tandis que le mois de juillet 2015 a été exceptionnellement sec et chaud, avec des épisodes de canicule et un déficit de 40 % de pluviométrie, selon Météo-France.

Qualifiés par le gouvernement de très "météo-sensibles", les déplacements sur des deux-roues motorisés devraient en toute logique être interdits les jours de beau temps. Garder les motos au garage est, au fond, la meilleure façon de réduire les accidents en attendant d'oser les interdire puisqu'elles sont infiniment plus dangereuses que les autres véhicules et qu'elles touchent à une population de victimes beaucoup plus jeune.

Vieux fous du volant

Mais la Sécurité routière n'est pas à un paradoxe près puisque l'autre catégorie la plus accidentogène en juillet 2015 est celle des personnes âgées de plus de 65 ans. Celles-là aussi devraient rester au garage – plus exactement à la maison –, car, moto ou voiture, ce sont elles qui ont le plus grossi la statistique des accidents avec un bond de 64 % des victimes. Insolite, mais avec un nombre total de 82 décès, il semble que l'échantillon ne soit pas très représentatif selon la norme des instituts de sondage.

Bref, en publiant ce baromètre mensuel de l'accidentologie, on s'expose à des aberrations de jugements et à une surinterprétation des chiffres bien peu scientifique. Le problème est que si les statisticiens savent manier les données, les politiques et les autophobes de tout poil s'emparent du moindre frissonnement d'une courbe pour en tirer des sentences définitives. Et étayer un raisonnement oiseux avec un faux angélisme de Bisounours. Ils veulent tous notre bien contre notre volonté. Autrefois, on se contentait de juger au minimum un semestre pour corriger les "variables saisonnières".

À ce jeu, la Sécurité routière constate plus sérieusement cette fois que le tiers des personnes tuées supplémentaire depuis le début de l'année sont des jeunes âgés de 18 à 24 ans et les deux tiers, des personnes de plus de 65 ans. Un phénomène inexplicable pour ces derniers, que les autophobes pourront difficilement ranger parmi les délinquants de la route. Mais, vieux ou jeune, le conducteur n'aura plus trop à s'inquiéter de la perte de son permis avec la réforme Taubira si elle est acceptée. Il ne risquera plus qu'une amende et le désagrément de devoir repasser l'examen. Les Français auraient-ils déjà anticipé cette libéralité ? Une statistique pourrait peut-être le démontrer.

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Commentaires (9)

  • Nawak

    Vous dites : "Un motard, son passager en chemise ou chemisier qui tombe à 30km/h engage son pronostic vital. " Ni plus ni moins qu'un cycliste à qui on ne demande pourtant rien (ni bottes, ni gants, ni blouson coqué, et encore moins de casque). Pour votre info, les accidents mortels à 30 km/h existent, mais toujours liés à la présence d'un obstacle fixe qu'on percute. Et là, je peux vous dire, si vous rencontrez un poteau de glissière de sécurité, que vous soyez couvert ou pas, vous avez toutes les chances d'y passer. Les équipements qu'on porte ne sont utiles qu'en cas de glissade, pour éviter de se raper la couenne. Dans ces cas-là, c'est rarement mortel, même à vitesse plus élevée. Ce qui tue, c'est la décélération très rapide occasionnée par la rencontre avec un obstacle (voiture, mobilier urbain etc. ).

  • LYONNEL

    Ça me rappelle cette histoire du scientifique qui veut tester les capacités à sauter d'une puce
    La première fois elle a toutes ses pattes. Il lui dit saute et elle saute. La deuxième fois il coupe une patte et lui dit de sauter. Elle saute encore. Ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de patte. Évidemment quand il lui dit de sauter elle ne saute pas.
    Et le scientifique de conclure : quand on coupe toutes les pattes d'une puce, elle devient sourde !
    Tout ça pour dire que les statistiques sont une chose et leurs interprétations une autre !

  • ravachol

    On va taper sur les jeunes motards et les seniors de 65ans et plus... Ces carégories ne savent pas ou plus conduire... Donc à éliminer ou à recycler pour le moine de l'intérieur.
    le beau temps est un élément à bannir pour circuler en sécurité, les vacances ou les we prolongés, les ponts à exclure du calendrier...
    moyennant quoi, tout le monde à pieds et la mortalité routière baissera... Mais d'ici là les poules auront des dents... Et mr Barbe sera recasé, et taubira aux abonnés absents dans ses pénates guyanaises...