GRAND FORMAT. La deuxième vie des enfants-soldats

GRAND FORMAT. La deuxième vie des enfants-soldats

Ils n'avaient souvent pas plus de 15 ans. Enrôlés de force par des troupes rebelles, ils ont pillé, violé, tué. En République démocratique du Congo, des organisations humanitaires aident ces jeunes à retrouver une existence normale.

Jonathan (avec le béret), et Kambalé sont depuis trois mois dans le centre de transit et d'orientation (CTO) de Kanyabayonga, géré par Caritas. Ils s'étaient engagés à 16 ans, volontairement, dans le groupe armé Maï-Maï du général Lafontaine, chef de guerre exploitant les mines d'or dans la région de Lubero, dans l'extrême nord du Kivu. Puis ils ont décidé de s'échapper. Ils ont accepté de remettre leur uniforme pour la photo. Jonathan explique qu'il l'a récupéré sur le cadavre d'un militaire qu'il venait d'exécuter : "Ces uniformes sont nos trésors de guerre", conclut-il. WILLIAM DUPUY
"J'ai vu des gamins se faire assassiner car ils demandaient plus de nourriture", raconte Eritier Shabanyere (au centre), 20 ans. Aujourd'hui mécanicien et prof de boxe dans un bidonville de Goma, il s'était fait enlever à 16 ans par un groupe armé. WILLIAM DUPUY
Sur cette photo qu'il tient dans la main, Jules a 14 ans. A l'époque, un groupe rebelle l'avait enrôlé de force et obligé à exécuter un déserteur, un garçon de son âge. C'est un document rare. D'habitude, les familles s'empressent de détruire ce genre de preuve par peur des représailles. Mais Jules tient à témoigner : "Quand tu as été enfant-soldat, ça te suit toute ta vie. Les autorités te considèrent toujours comme un rebelle, les groupes armés comme un soldat prêt pour la guerre, et ta famille comme un criminel." L'ancien enfant-soldat a aujourd'hui 28 ans et est éducateur spécialisé au centre de Kanyabayonga. WILLIAM DUPUY
Dans les collines de Masisi, dans l'est du pays, les affrontements entre rebelles Maï-Maï et l'armée régulière sont quotidiens. WILLIAM DUPUY
Ce fut son jour de chance. Il allait chercher de l'eau quand il a glissé, la kalachnikov sur l'épaule. Le cran de sûreté n'était pas enclenché. Le coup est parti. Une balle l'a atteint à la main. Jonathan (l'enfant au béret de la photo d'ouverture de ce portfolio) s'en sort avec une blessure bénigne. WILLIAM DUPUY
Au bout de trois mois, le centre de transit délivre un "diplôme de sortie de guerre" aux anciens enfants-soldats, pour qu'ils puissent prouver qu'ils ont été démobilisés. Mais, selon de nombreux témoignages, l'armée officielle aurait arrêté des jeunes gens en possession de ce document. Motif : "Rebelle un jour, rebelle toujours." WILLIAM DUPUY
Les enfants-soldats sont tellement conditionnés qu'ils conservent leurs réflexes pendant des mois : ce salut militaire est pour ce jeune garçon une manière d'accueillir les étrangers. WILLIAM DUPUY
Afin de déceler d'éventuels traumatismes, le psychologue du centre psychosocial de Bobandana emmène régulièrement les enfants au cimetière pour leur parler de la mort. Jonas n'avait que 11 ans lorsqu'il a suivi son oncle dans un groupe armé. Après deux ans passés sur les champs de bataille à distribuer les gris-gris censés rendre les Maï-Maï invincibles, il s'est enfui. Il ne supportait plus de voir tous ces cadavres, que l'on ne prenait même pas le temps d'enterrer. Son oncle est mort sous les balles de l'armée régulière. WILLIAM DUPUY
Le dortoir du centre de Masisi est exigu. Il compte une vingtaine de lits superposés. C'est la nuit que les angoisses resurgissent. Les cauchemars sont très fréquents. WILLIAM DUPUY
Balezi Bagunda, alias Kibomango, dit "le Coach", s'est engagé volontairement à 14 ans dans la rébellion de Laurent-Désiré Kabila. Après onze années passées de groupe rebelle en groupe rebelle, un éclat d'obus lui a emporté l'œil gauche. Cela ne l'empêchera pas de devenir champion des mi-lourds de la RDC en 2008. Aujourd'hui, il est le "patron" du Club de l'Amitié, dans le bidonville de Birere à Goma. Il entraîne les enfants des rues. Il lutte surtout chaque jour pour qu'ils ne cèdent pas aux sirènes des rabatteurs, très nombreux en ville. WILLIAM DUPUY