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Pénurie de vaccins contre la méningite C en Afrique

L’OMS craint une épidémie de grande ampleur en janvier 2016 mais risque de ne pas pouvoir la prévenir faute d’une production suffisante de vaccins.

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Publié le 11 août 2015 à 18h51, modifié le 12 août 2015 à 11h58

Temps de Lecture 5 min.

Une infirmière prépare un vaccin dans un centre médical près de Khartoum, au Soudan, le 22 juin.

Menacée par une épidémie de méningite de grande ampleur, l’Afrique fait également face à une pénurie de vaccins pour la prévenir. Au cours des six premiers mois de l’année, la méningite C qui sévit au Niger et au Nigeria a déjà frappé 12 000 personnes dont 800 sont décédées. La Croix-Rouge, l’Unicef, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Médecins sans frontières (MSF) craignent une explosion du nombre de cas l’an prochain.

Regroupés au sein du Groupe international de coordination pour la méningite (ICG), ils réclament des producteurs de vaccins qu’ils accélèrent la constitution d’un stock de 5 millions de doses d’ici à la fin de l’année, pour 2016. Pour l’instant, les industriels n’ont pas modifié leurs plans de production.

Saison de prédilection l’hiver

La méningite à méningocoque est une infection bactérienne touchant l’enveloppe du système nerveux central (cerveau, cervelet et moelle épinière). Elle peut provoquer des lésions cérébrales graves et la mort dans 50 % des cas en l’absence de traitement. La maladie touche le continent africain de manière cyclique, avec une saison de prédilection qui débute en janvier. Elle frappe particulièrement une bande de territoire englobant 26 pays, du Sénégal à l’Ethiopie, appelée la « ceinture de la méningite », où vivent 300 millions d’individus.

Jusqu’en 2010, le méningocoque de sérotype A (l’un des six types responsables d’épidémies) était responsable de 80 à 90 % des cas de méningite dans la zone africaine concernée. L’introduction en 2010 d’un vaccin spécifiquement dirigé contre lui a fait chuter cette proportion. Au total, 217 millions de personnes ont été vaccinées entre 2010 et janvier 2015 Au cours des dernières années, d’autres sérotypes de méningocoque, comme le type C, ont provoqué des épidémies : d’abord au Nigeria en 2013 et 2014, puis au Niger en mars de cette année, un mois qui est généralement le pic de la saison de la méningite en Afrique.

Lire aussi : Un vaccin contre la méningite A prouve son efficacité au Tchad

« Nous n’avons pas de certitudes sur l’avenir, car nous ne savons pas encore les conséquences qu’aura la vaccination massive contre la méningite A sur l’épidémiologie de la méningite C, reconnaît le Dr William Perea, coordinateur de l’Unité de contrôle des maladies épidémiques à l’OMS. Mais, il existe des possibilités élevées de voir se développer de nouvelles épidémies de méningite C en 2016 et les années suivantes. Il faut donc nous préparer à faire face à une menace contre laquelle les populations d’Afrique subsaharienne ne sont pas immunisées. »

Un monde de fabricants très réduit

Deux types de vaccins existent actuellement pour protéger contre la méningite C. Apparus il y a plus de trente ans, les vaccins polyosidiques immunisent pendant trois à cinq ans contre le sérotype C, ainsi que contre d’autres types (A et éventuellement W et Y), mais ils ne peuvent être administrés chez les enfants de moins de deux ans. Les vaccins conjugués – auxquels on a rajouté une molécule qui renforce l’effet – ont fait leur apparition à partir de 1999. Ils produisent une immunité nettement plus forte, avec une durée de protection allant de cinq à dix ans, et peuvent être utilisés chez les nourrissons. Depuis 2005, il existe des vaccins conjugués tétravalents, protégeant contre les 4 sérotypes A, C, W et Y).

« Les vaccins polyosidiques monovalent contre le seul méningocoque C sont toujours utiles lorsque l’on est confronté à une épidémie, mais l’avenir, ce sont les vaccins conjugués. Encore faut-il qu’ils soient disponibles en quantité nécessaire et accessibles en termes de prix. Or, nous sommes confrontés à un hiatus pendant la période de transition des uns vers les autres », souligne Stephen Martin du département des maladies pandémiques et épidémiques à l’OMS.

Si un vaccin polyosidique coûte de 2,5 à 5,8 dollars la dose (2,2 à 5,2 euros), selon le nombre de sérotypes couverts, le prix du vaccin conjugué de Sanofi Pasteur contre les quatre sérotypes A, C W et Y (Menactra) est de 25 dollars la dose. Le producteur de vaccin indien Serum Institute of India Ltd. (SIIL) produit un vaccin conjugué à 0,60 dollar la dose, dans le cadre d’un partenariat avec l’OMS et l’association PATH sur des financements de la Fondation Gates, mais il ne protège que contre le type A. Une version dirigée contre le type C est en cours de développement, mais ne devrait pas obtenir l’aval de l’OMS avant 2020.

Il faut dire que le monde des fabricants de vaccins (en dehors de ceux contre la grippe) est très réduit. Dans le domaine de l’immunisation contre la méningite, Sanofi Pasteur, GSK et Baxter sont les producteurs les plus connus côté pays développés. Outre SIIL, un partenariat entre deux acteurs publics l’Institut Finlay (Cuba) et Bio-Manguinhos (Brésil) propose un vaccin polyosidique mais ne possède pas encore de capacités de production en masse.

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Pour les épidémies survenues cette année, les stocks déjà constitués se sont révélés insuffisants et l’OMS et ses partenaires ont dû solliciter l’Institut Finlay, Sanofi Pasteur et GSK pour fournir 1,5 million de doses de vaccin contre le méningocoque C. Sur ce total, plus d’un million étaient destinées au Niger.

25 dollars la dose

« Nous avons dû payer 25 dollars pièce les 200 000 doses de vaccin conjugué que nous avons achetées à Sanofi Pasteur, constate le Dr Perea. Dans un premier temps, l’industriel n’était pas en mesure de nous fournir les vaccins demandés, avant de localiser aux Etats-Unis des lots dont la date de péremption arrivait à échéance deux mois plus tard. » Les demandes de bénéficier d’un prix réduit se sont heurtées à un refus. « C’était un non catégorique. Ils préféraient jeter les vaccins que d’en baisser le prix », selon le Dr Perea.

« Les campagnes de vaccination ont dû se limiter aux groupes d’âge et aux régions les plus touchées. Même ainsi, il a fallu les différer jusqu’à ce que les vaccins soient livrés, déplore le Dr Myriam Henkens, coordinatrice médicale internationale de MSF. Nous pensons que la situation épidémique sera pire l’an prochain. Il faut que les fabricants de vaccins planifient maintenant leur production de vaccins multivalents pour permettre des délais de livraison et des capacités suffisantes pour couvrir les besoins. »

Pour la saison de la méningite à venir en 2016, la Croix-Rouge, l’Unicef, l’OMS et MSF estiment nécessaire de constituer un stock de 5 millions de doses de vaccin protégeant notamment contre le méningocoque C. Les discussions préliminaires avec les industriels occidentaux ne sont pas encourageantes : « Pour l’instant, ils n’ont pas encore modifié leurs plans de production pour satisfaire la demande », a déclaré le Dr Imran Mirza de l’Unicef. « S’ils ne peuvent fournir les doses nécessaires, il faudrait se rabattre sur le vaccin polyosidique ou que d’autres fabricants interviennent », explique Stephen Martin. Dans cinq mois, la méningite sévira à nouveau en Afrique subsaharienne. Nul ne sait si les vaccins seront au rendez-vous.

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