Oussama Ben Laden a fui devant l'invasion américaine en Afghanistan en 2001... laissant derrière lui un trésor audio composé de 1500 cassettes. Un chercheur les a toutes écoutées et en tire un ouvrage, publié le 14 septembre prochain.

Oussama Ben Laden a fui devant l'invasion américaine en Afghanistan en 2001... laissant derrière lui un trésor audio composé de 1500 cassettes. Un chercheur les a toutes écoutées et en tire un ouvrage, publié le 14 septembre prochain.

L'Express

Une vaste collection de 1500 cassettes audio a été retrouvée à Kandahar, après l'invasion américaine de l'Afghanistan en 2001, pays dans lequel la musique était largement proscrite par le régime des talibans... Mais son propriétaire s'appelait Oussama Ben Laden. Et cette somme se composait majoritairement d'enregistrements des discours et sermons de l'ancien leader d'Al-Qaïda. A quelques exceptions près, dont une cassette d'Enrico Macias.

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La BBC, déplorant l'absence de Phil Collins ou des Rolling Stones de cette collection, note que la "pop occidentale y fait une apparition grâce à Gaston Ghrenassia, alias Enrico Macias, un juif algérien qui a eu du succès en France, avant de devenir célèbre dans le monde entier dans les années 60-70".

Le chanteur "surpris" et "gêné"

Le chanteur, contacté par Francetvinfo, se dit "surpris" et "gêné" par cette information, considérant qu'elle n'est "pas sérieuse". "L'homme responsable des attentats du 11 septembre qui écoute celui qui chante Enfants de tous pays, ce serait bizarre. (...) Si c'est le cas, mes chansons ne l'ont pas empêché de commettre des atrocités", ajoute-t-il.

"Ecouter ces chansons plaisait manifestement à quelqu'un, même si cela était considéré comme une hérésie", souligne pourtant Flagg Miller, expert en culture arabe de l'Université de Californie, interrogé par la radio britannique à l'occasion de la sortie prochaine de son livre, The Audacious Ascetic (Oxford University Press). "Cela montre que parmi les Arabes-Afghans de Kandahar, beaucoup ont passé des années en Occident et vécu plusieurs vies", ajoute-t-il.

Une redoutable arme de propagande

C'est entre les mains de ce chercheur que la collection a été remise en 2003. Il est "le seul au monde à avoir tout écouté", raconte la BBC. Sur ces bandes enregistrées des années 60 à 2001, on entend aussi de nombreux hymnes islamistes. Ces "chansons qui racontent les batailles, des messages inspirant pour les mujahideen" étaient des "armes de recrutement cruciales", note la radio britannique. "Les cassettes audio sont un outil parfait de prosélytisme, pas étonnant que Ben Laden en ait été un fan."

Outre la musique, une forme "intime" qui "joue sur la corde de l'émotion" selon Flagg Miller, ce sont surtout de nombreux discours que l'on entend sur les 1500 cassettes audio. Plus de 200 orateurs ont été recensés dont, bien sûr, Oussama Ben Laden lui-même qui les utilisaient pour "construire son mythe". En 1987, par exemple, on l'entend dans une cassette concernant une bataille entre les mujahideen et les commandos soviétiques. Oussama Ben Laden "veut se créer une image de combattant" et casser celle de "dandy" qu'il avait en Arabie saoudite, ajoute le chercheur.

Ben Laden et les "autres musulmans"

Et quand il y retourne dans les années 80-90 pour prononcer des discours sur ce qui menace la péninsule arabique, "qui est l'ennemi? Ce n'est pas les Etats-Unis, ni même l'Occident en général. Ce sont les autres musulmans", note Flagg Miller. Dans son viseur, ceux qui ne sont pas de "vrais musulmans" au sens de son "interprétation stricte de l'islam": "les chiites surtout, les Baasistes irakiens, les communistes et les Nasséristes égyptiens", résume le chercheur.

En 1993, quand il mentionne des actions contre les Etats-Unis pour la première fois, Oussama Ben Laden demande à ses auditeurs de "boycotter les produits américains" et d'écrire aux ambassades américaines. Son modèle: Gandhi! "La Grande-Bretagne a été forcée de se retirer d'une ses principales colonies quand Gandhi l'Hindou a décrété un boycott contre les produits britanniques. Nous devons faire pareil avec l'Amérique", déclare-t-il alors. Pourtant, dès 1992, plusieurs attentats contre les intérêts américains et occidentaux sont attribués à Al-Qaïda...

Evoque-t-il le 11 septembre 2001?

Le ton d'Oussama Ben Laden change en 1996, avec son discours de Tora Bora souvent considéré comme une déclaration de guerre. A tort, selon Flagg Miller. Certes, "exilé au Soudan après avoir perdu la nationalité saoudienne et beaucoup d'argent, il en vient à galvaniser ses supporters les plus extrêmes. Mais s'il demande de s'en prendre aux Etats-Unis, c'est dans le cadre d'un plus grand combat, contre la corruption saoudienne" et contre "des leaders musulmans", insiste le chercheur. On est encore loin, selon lui, du 11 septembre 2001.

Il n'y est fait allusion qu'une fois, dans les 1500 cassettes qu'il a écoutées avec précaution, dans un enregistrement concernant le mariage d'Umar, un de ses gardes du corps, quelques mois avant les attaques contre New York et Washington. Il y évoque un "plan" et demande à Dieu de permettre "le succès de [ses] frères", sans donner plus de détails. Pour Flagg Miller, il n'y avait encore "rien n'inéluctable", quelques mois avant qu'Al-Qaïda ne précipite des avions sur le World Trade Center.

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