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Quelle quantité de nourriture les Européens gaspillent-ils réellement ?

Données incomplètes, méthodologies et définitions variées… Les disparités entre pays rendent difficiles les mesures du gaspillage alimentaire à l’échelle européenne.

Le Monde avec Reuters

Publié le 12 août 2015 à 14h46, modifié le 17 août 2015 à 20h02

Temps de Lecture 3 min.

La distribution générerait 5 % des déchets alimentaires en Europe.

Obliger les supermarchés à donner leurs invendus alimentaires à des associations caritatives : cette mesure de la loi sur la transition énergétique, adoptée fin mai, avait trouvé un écho international. Pourtant, elle s’est vue censurée par le Conseil constitutionnel, jeudi 13 août, pour des raisons de procédure. La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, ne compte pas en rester là : elle a annoncé, lundi 17 août 2015, qu’elle réunirait « dans les dix jours » les représentants de la grande distribution pour leur demander « par contrat » de changer leurs pratiques afin de lutter contre le gaspillage alimentaire.

La distribution générerait 5 % des déchets alimentaires en Europe, d’après une étude financée par la Commission européenne et réalisée par Bio Intelligence Service en 2010. Au total, l’Europe gaspillerait 89 millions de tonnes par an de nourriture, soit 179 kg par habitant. En ces temps de crise, tous les acteurs du système alimentaire, de la production à la consommation, sont invités à modifier leurs pratiques, les ménages étant les premiers contributeurs. De nouveaux travaux, publiés mercredi 12 août dans la revue scientifique Environmental Research Letters, évaluent à 47 millions de tonnes la quantité de déchets alimentaires que les consommateurs européens pourraient éviter de jeter chaque année.

Un bénévole des Banques alimentaires récupère de la nourriture donnée par un supermarché de l'Hay-les-Roses (Val-de-Marne) en mai 2015.

« Notion complexe »

Difficile de s’y retrouver dans la valse des chiffres communiqués aux citoyens. Les méthodologies diffèrent d’une étude à l’autre, et derrière la notion de gaspillage se cachent différentes conceptions. « Les auteurs de l’étude publiée dans Environmental Research Letters ne définissent pas assez clairement le périmètre de leur étude », regrette Catherine Esnouf, directrice scientifique adjointe chargée de l’alimentation à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), en soulignant malgré tout le sérieux de la publication.

« Le gaspillage est une notion complexe dont il n’existe pas de définition consensuelle à l’échelle internationale, ajoute-t-elle. La FAO [l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture] considère que tous les aliments qui auraient pu être destinés à la consommation humaine et qui en sont détournés sont gaspillés. Par exemple, les céréales données aux animaux d’élevage. Pourtant, elles reviennent dans l’assiette du consommateur, sous forme de viande ou d’autres produits animaux. Le sujet est très controversé. »

Manque de données

Les chercheurs ont également pâti du manque de données. « Les études nationales font défaut, surtout dans les pays du sud de l’Europe », affirme Davy Vanham, chercheur au Centre commun de recherche européen et auteur principal de l’étude publiée le 12 août. La France, par exemple, a quantifié le contenu de ses ordures ménagères à partir des collectes de 100 communes, dans une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie publiée en 2007. « Les résultats obtenus sont sous-estimés, affirme le chercheur. Tous les détritus ne vont pas dans la poubelle. Les liquides partent dans l’évier, les restes végétaux remplissent le composteur individuel… »

Les auteurs de l’étude publiée dans Environmental Research Letters ont donc étudié la littérature disponible en Europe pour en tirer les données les plus fiables. « Les meilleures études combinent des sondages et le suivi rapproché de nombreux foyers. Pendant un mois environ, les familles pèsent et notent scrupuleusement, chaque jour, les quantités de nourriture gaspillées par type d’aliments », précise Davy Vanham. Ils ont finalement sélectionné les données de six pays – Allemagne, Danemark, Finlande, Royaume-Uni, Pays-Bas et Roumanie – qui ont ensuite été extrapolées à l’ensemble des citoyens de l’Union européenne.

Disparités et incertitudes

Résultat, les déchets totaux produits par les consommateurs européens, à la maison et dans la restauration hors foyer, représenteraient 60 millions de tonnes en moyenne, l’écart variant de 27 à 93 millions. Parmi ces détritus, 20 % seraient inévitables (peaux de banane, os, arêtes…), tandis que 80 %, soit 47 millions de tonnes, auraient pu être consommées. Une valeur moyenne qui s’inscrit dans un large intervalle allant de 22 à 75 millions. La fourchette basse correspond aux tendances de gaspillage d’un pays comme la Roumanie, alors que la valeur haute s’appliquerait plutôt au Royaume-Uni. Les scientifiques insistent ainsi sur les disparités entre pays et les incertitudes liées aux difficultés méthodologiques. « C’est l’un des points forts de ces travaux, estime Catherine Esnouf. Ils montrent bien que les quantifications de déchets sont incertaines. »

Des volontaires préparent une

Comment réduire ces incertitudes ? En définissant une méthode fiable et commune de quantification des déchets alimentaires. C’est l’objectif du programme de recherche européen « Fusions », auquel participe notamment l’INRA. « Nous travaillons sur une définition et une méthodologie qui pourront être appliquées dans tous les Etats membres, puis compilées au niveau d’Eurostat. » Le projet vise aussi à analyser des initiatives sociales de lutte contre le gaspillage alimentaire, comme la Disco Soupe, cet événement festif où l’on cuisine, en musique, des fruits et légumes invendus.

Voir notre grand format : Les glaneurs des villes

Nathalie Picard

Le Monde avec Reuters

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