Avis de consommateurs : méfiez-vous des mensonges du Net

Ils inondent les TripAdvisor et Airbnb. Les faux commentaires pullulent sur le Web. Ils sont parfois rédigés par... des professionnels. Difficile de lutter.

Avis de consommateurs : méfiez-vous des mensonges du Net

    Aux antipodes des clichés sur les hackeurs, Laurent, Frank et Guillaume utilisent, de manière légale, les mêmes méthodes que les pirates du Web : noms de code et techniques de client mystère. Dans leurs anodins bureaux avec vue sur le port de plaisance de Morlaix (Finistère), ces quadras en jean et polo sont des agents spéciaux de l'Etat qui officient depuis 2010 au sein du centre de surveillance du commerce électronique (CSCE) de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cet été, l'une des missions de cette cellule de 10 fonctionnaires est de pourchasser de vrais escrocs, les « Natacha 287 » et « Jo 69 » qui inondent TripAdvisor, Airbnb et d'autres sites de faux avis, trompeurs et alléchants, sur des hôtels, des restaurants et des services en ligne.

    La pratique a émergé depuis 2010 et prend aujourd'hui une importance démesurée. « L'influence des informations qui circulent sur la Toile est croissante. D'après une enquête d'OpinionWay, 74 % des consommateurs abandonneraient un acte d'achat en ligne ou se détourneraient d'un service après avoir lu un avis négatif », indique Claire-Lise Bordes, inspectrice à la DGCCRF.

    Sites professionnels, forums de discussion, toutes les plates-formes censées recueillir des avis sont épluchées par les enquêteurs. Avec une maxime : quand c'est trop beau, c'est faux. « Si un restaurant ne recueille que des avis positifs, s'il n'y a pas une seule petite critique, il y a un loup », assure un agent. Les techniques sont variées. Parfois, c'est le commerçant lui-même ou le gestionnaire du site qui se charge d'écrire des commentaires élogieux. Autre méthode, rapide et efficace : la modération biaisée qui consiste à supprimer les avis négatifs. Enfin, plus alambiqué, le site peut acheter les services (en ligne) d'une agence de webmarketing ou d'e-reputation qui vend des forfaits de faux avis. Cette pratique est illégale et a déjà fait l'objet de procédures.

    Un Å?il vigilant sur le crowdfunding aussi

    Au total, depuis la création de la cellule spécialisée en 2000 à Morlaix, 20 procédures pénales pour pratique commerciale trompeuse ou arnaque ont été menées, et une trentaine d'avertissements envoyés à des sites Internet. En 2014, le CSCE a aussi contrôlé 14 000 sites de commerce en ligne, soit un peu moins de 1 site français sur 10, souvent domiciliés dans de lointaines contrées â?? comme le Cambodge â?? ou des paradis fiscaux â?? comme Jersey.

    Actuellement, la cellule planche aussi sur les sites de l'économie collaborative de crowdfunding immobilier. « Nous sommes attentifs à tout ce qu'on appelle désormais l'ubérisation* de l'économie, souligne Didier Gautier, directeur du service national des enquêtes (SNE). Le Web évolue et se renouvelle sans arrêt. Notre travail consiste à anticiper les pratiques émergentes de consommation. »

    * Modèle de commerce qui consiste à mettre des ressources à disposition des clients depuis leur smartphone, à tout moment et sans délai tel le service de voitures avec chauffeur Uber (d'où provient l'expression).

    QUESTION DU JOUR. Faites-vous confiance aux avis de consommateurs sur Internet ?

    VIDEO. Economie : ils traquent les faux avis sur internet