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Internet et la fiscalité vont imposer le fédéralisme à l'Europe

Par Nicolas Arpagian (Vice-Président du cabinet HeadMind Partners)

Publié le 19 août 2015 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

La pérennité des gouvernements démocratiques et leurs victoires aux élections successives tiennent principalement à la performance de deux indicateurs : le taux de chômage et l'équilibre des finances publiques, ce dernier ayant un impact direct sur la fiscalité des particuliers et des entreprises. Bien décidés à assurer leur maintien en fonction, les exécutifs de chaque pays d'Europe déploient des trésors de créativité pour se singulariser et se concurrencer, alors même qu'ils sont supposés contribuer à un ensemble européen, politiquement, juridiquement et, pour certains, monétairement intégré.

Le basculement vers l'économie numérique accentue le phénomène, puisque la compétition s'intensifie pour attirer les sociétés capables, à partir d'un état-major unique en Europe, de proposer leurs services à tout un continent en limitant les représentations locales aux seules activités commerciales. Au final, les Etats membres de l'Union s'affaiblissent en organisant entre eux leur propre concurrence fiscale et sociale, alors même que la globalisation de l'économie les amène à affronter des géants asiatiques ou états-uniens qui coordonnent de manière homogène en interne leurs intérêts politiques et économiques, et proposent donc une position cohérente et solide face à leurs compétiteurs.

L'Union européenne - malgré l'unicité de façade que représente la Commission - se trouve minée de l'intérieur par les stratégies individuelles des Etats, qui jouent en permanence leurs partitions respectives. Le phénomène est encore plus flagrant quand on considère le soin apporté par les géants de l'industrie, notamment les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple), à jouer les nations européennes les unes contre les autres. Qu'il s'agisse des véritables concours de beauté qu'ils organisent entre les Etats pour choisir la localisation de leur siège social en Europe, ou du talent qu'ils mettent à tirer parti des disparités légales existant entre les membres de l'Union. Cet émiettement juridique leur permet ainsi d'imposer leurs contrats, leur juridiction, leur langue et leurs procédures dans les relations qu'ils établissent avec des clients européens. Incapable de proposer un front uni, tant les intérêts nationaux sont divergents, l'Europe, malgré sa richesse, s'enferme dans sa position passive de nain politique.

Mis bout à bout, les agendas électoraux des pays de l'Union s'enchaînent sans fin : d'un trimestre à l'autre, les dirigeants susceptibles d'exercer un leadership se retrouvent successivement en campagne. Occupés à sillonner leurs circonscriptions et à répondre à des intérêts catégoriels, ils sont peu disponibles pour conduire une stratégie de long terme. L'Europe épuise ses ressources dans des rivalités intestines qui voient s'affronter les fleurons de son économie. Seule une approche intégrée pourra unifier les intérêts des pays déjà membres de l'euro, qui doivent pouvoir opposer une offre commune face aux grands ensembles que sont la Chine ou les Etats-Unis. La proposition faite par François Hollande en juillet dernier de créer un « gouvernement de la zone euro, doté d'un budget spécifique, ainsi qu'un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique » dessine les contours d'un fédéralisme en devenir... mais non assumé.

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Dans les compétitions à venir, l'Europe se comporte comme un lutteur expérimenté, certes, mais aux articulations fragiles et aux antécédents médicaux qui pèsent sur sa capacité à participer aux combats futurs. Gouvernance de l'Internet, politique extérieure, Europe de la défense, partenariat transatlantique, relations avec les Gafa dans les domaines de la vie privée, de la santé... les sujets stratégiques ne manquent pas à court et moyen terme. Si l'Europe renonçait à se doter des moyens d'assurer la défense de ses positions, elle hypothéquerait assurément toutes ses chances de voir demain ses valeurs et ses intérêts pris en compte dans la géopolitique en devenir.

Nicolas Arpagian

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