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Le sac plastique, nouvel or noir des femmes de Bobo-Dioulasso

A Bobo-Dioulasso, deuxième ville du Burkina, les femmes recyclent les sacs plastiques jetés dans les rues et les parcs pour en faire du tissu.

Le Monde

Publié le 18 août 2015 à 14h08, modifié le 20 août 2015 à 08h58

Temps de Lecture 3 min.

A l’instar d’Ardjata Sanou, plusieurs couturières de Bobo-Dioulasso ont été formées par le GAFREH.

Le geste est précis, presque chirurgical. De ses deux index, Pauline fait progresser le tissu sous la semelle de sa machine, centimètre par centimètre, pressant la pédale de son pied droit. L’aiguille frappe l’étoffe de son dard, déposant à chaque piqûre le précieux morceau de fil qui, progressivement, referme la couture. La technique est fascinante, bien que banale pour une couturière. Sauf qu’ici, la toile qui défile sous les doigts de la jeune femme est fabriquée à partir de sacs plastiques recyclés.

Depuis treize ans, les femmes du GAFREH (Groupe d’action des femmes pour la relance économique du Houet) ramassent les sachets plastiques noirs qui jonchent les rues et les parcs de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, pour en faire du tissu, des sacs à dos, pochettes pour ordinateur, sous-tasses, colliers ou encore des porte-clés.

L’idée a germé dans l’esprit d’Haoua Ilboudo un jour de 2002. Excédée de voir des animaux mourir en ingérant les innombrables sachets noirs jetés dans la nature, cette militante décide de les ramasser et de leur donner une seconde vie. Elle soumet l’initiative au GAFREH, et obtient, en décembre 2002, le 10e prix de la Foire de l’innovation pour le développement.

Une victoire écologique

Lorsque le projet est effectivement lancé, quelques semaines plus tard, elles ne sont que quatre à l’inaugurer. Mais aujourd’hui, ce sont 95 femmes, âgées de 16 à 70 ans, qui interviennent dans le processus de recyclage.

Leur imagination semble sans limite. « On s’assoit et on réfléchit. C’est ça l’innovation ! », s’exclame Haoua Ilboudo, en tapant du poing sur une table en sacs fondus. « J’étais déjà couturière avant, mais ce que j’aime par dessus tout ici, c’est qu’on peut sans cesse créer de nouveaux modèles », enchaîne Pauline Sankara, employée depuis six ans au centre du GAFREH.

Le projet est aussi une victoire écologique. L’ingestion de sacs plastiques serait en effet la cause de près d’un tiers des décès chez les animaux au Burkina, selon le ministère des ressources animales.

Les objets fabriqués sont ensuite vendus dans les trois échoppes tenues par l’association, à Bobo-Dioulasso et Ouagadougou. La cible des couturières demeure les touristes et les Burkinabés aisés. En effet, il faut compter environ 7 500 francs CFA (un peu plus de 10 euros) pour un sac à dos traditionnel : un prix prohibitif pour le Burkinabé moyen. « C’est un produit durable et écologique », explique Christiane Lamizana, présidente de l’organisation.

Plusieurs revendeurs européens passent régulièrement commande sur la boutique en ligne de l’association. La grande maison Yves Saint-Laurent a lancé, il y a quelques années, une collection de sacs à mains créés à partir du fameux tissu recyclé de Bobo. Consécration : en 2011, la reine d’Angleterre elle-même a porté une étoffe confectionnée par les femmes du GAFREH.

« On pourrait faire des merveilles ! »

Malgré le succès des dernières années, l’activité connaît de sérieuses difficultés. La baisse de la fréquentation touristique, depuis la chute de Blaise Compaoré en octobre 2014, a fait plonger le chiffre d’affaires de plus de 50 %.

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Lorsque la demande diminue, l’association ne peut plus acheter de sacs à celles qui les collectent, et ce sont toutes ces femmes payées à la tache qui en pâtissent – sans parler du coût environnemental. Le centre de recyclage tire l’essentiel de ses revenus de la vente.

Christiane Lamizana vient de déposer une demande de subvention auprès du ministère de la promotion de la femme. L’argent levé, espère Christiane Lamizana, pourrait permettre de créer de nouveaux métiers à tisser et servir à acquérir des barriques de lavage ou encore des moules supplémentaires. « Avec ça, on pourrait faire des merveilles ! », s’enthousiasme-t-elle. Mais il ne s’agit-là que d’un espoir. Car, jusqu’ici, hormis quelques décorations honorifiques, le gouvernement burkinabé n’a jamais consenti à soutenir financièrement le projet.

Thibault Bluy

Le Monde

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