Tianjin : l'étonnante confession des deux actionnaires de Ruihai Logistics
L'agence Chine nouvelle a contacté les actionnaires réels de la société propriétaire des entrepôts qui ont explosé. Non seulement ils avouent l'utilisation de prête-noms, mais ils admettent implicitement avoir bafoué des règles de sécurité.
Par Claude Fouquet
L'entreprise Ruihai Logistics, propriétaire des entrepôts qui sont à l'origine de la catastrophe de Tianjin est de plus en plus montrée du doigt pour sa responsabilité, ses manquements à la réglementation et l'opacité de son actionnariat. Depuis l'accident, dix de ses dirigeants (dont le président, le vice-président et le responsable financier) sont détenus par les autorités chinoises. L'agence Chine Nouvelle est parvenue à contacter les deux actionnaires de la société Ruihai Logistics et publie des extraits de ces entretiens.
De manière fort surprenante, ils semblent qu’ils ne réfutent jamais énergiquement les accusations qui sont généralement adressées à la société. Mais bien évidemment ils n'avouent jamais explicitement des malversations ou bien encore de la corruption ou des pots de vin, mais leurs réponses montrent clairement qu'ils ont régulièrement balayé les règles de sécurité du port. Avec ou sans complicité. Une situation ironique alors que le site Internet de la société regorgeait de photos montrant des exercices de sécurité ou des salariés en formation et que, des slogans enjoignant à la sécurité étaient peints sur les murs.
- Qui sont les vrais actionnaires de la société ?
Officiellement, Ruihai Logistic a deux actionnaires principaux : Li Lang qui détient 55 % du capital et Shu Zheng qui possède les 45 % restant. L'agence Chine nouvelle a eu la confirmation que le premier est en fait le cousin du propriétaire réel de ces 55 % Yu Xueiwei, un ancien responsable de la société chimique d'Etat Sinochem, âgé de 41 ans.
Quant au deuxième actionnaire, il admet être le prête-nom d'un de ses camarades de classe, Dong Shexuan, le fils de l'ancien chef de la police du Port de Tianjin, décédé en 2014. Celui-ci justifie le recours à un prête-nom à cause des fonctions exercées par son père. "J'ai demandé à mon ancien camarade de classe à cause de mon père. S'il y avait eu des fuites sur mes projets d'investissement, cela aurait pût être embarrassant", a-t-il expliqué à l'agence Chine nouvelle.
- La société a-t-elle continué à stocker des matières dangereuses sans licence ?
Ruihai Logistics est pointée du doigt parce qu'elle a continué à stocker des produits chimiques dangereux d'octobre 2014 à juin 2015 alors même qu'elle n'avait pas la licence requise durant cette période. Sur ce point , Yu Xuejun ne nie rien non plus.
"Après l'expiration de la première licence, nous avons demandé une prolongation. Nous n'avons pas cessé nos opérations car nous ne pensions pas que c'était un problème", explique-t-il. Et de se justifier en expliquant que de nombreuses autres sociétés font de même.
- Ruihai Logistics a-t-elle eu recours à des pots de vin ou de la corruption ?
Sur ce point délicat, les deux hommes ne répondent pas de manière directe, et on comprend aisément pourquoi. Pour autant, Yu Xuejun et Dong Shexuan admettent qu'ils ont décidé de capitaliser leurs réseaux professionnels respectifs. "Mon guanxi (Ndlr : forme particulière de réseau en Chine) est dans la police et la sécurité incendie. Lorsque nous avions besoin d'une inspection sur cette dernière, j'allais voir les représentants de la sécurité incendie sur le port. Je leur donnais les documents nécessaires, et peu après je recevais l'évaluation", a ainsi expliqué Dong Shexuan.
- Les entrepôts dangereux étaient-ils trop près d'immeubles résidentiels ?
Sur ce point qui suscite la colère et les revendications de remboursement de nombreux riverains, Dong Shexuan ne semble pas non plus nier s'être arrangé avec la réglementation. "Une première entreprise de sécurité a dit que nos entrepôts étaient trop près des immeubles d'habitation. Puis nous en avons trouvé une seconde qui nous a obtenu les documents dont nous avions besoin", a-t-il expliqué selon l'agence Chine nouvelle.
La réglementation chinoise impose en effet un distance d'au moins un kilomètre entre les entrepôt de produits dangereux et les immeubles d'habitation. Mais l'entrepôt de Ruihai Logistics était en fait à 560 mètres d'une résidence et à 630 mètres d'une gare.
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