Dans la bataille homérique que se livrent depuis 117 ans les deux géants mondiaux des sodas Pepsi et Coca, le premier vient d’infliger l’un de ses plus puissants uppercuts au second. Comment? Simplement en changeant la recette de son produit phare, le Diet Pepsi sur le marché américain.
On le sait bien, les industriels sont ultra-prudents lorsqu’il s’agit de changer une formule qui rapporte des milliards de dollars. Si le consommateur est déçu cela peut coûter une fortune. Autant dire que le changement décidé par Pepsi (27% du marché américain des sodas, loin derrière Coca, 41%) a été longuement pesé et réfléchi.
Alors que la méfiance des consommateurs aux Etats-Unis (comme ailleurs) ne cesse de grandir à l’encontre de l’aspartame, l’édulcorant de synthèse préféré des industriels pour leurs produits dits "allégés", Pepsi a décidé de prendre le taureau par les cornes en bannissant définitivement cet ingrédient. Une véritable tempête dans un verre de limonade.
Faisceau de présomptions
Rien ne prouve que l’aspartame, consommé à dose raisonnable, soit mauvais pour la santé. A ce jour, la communauté scientifique n’est pas unanime, on pourrait parler plutôt d’un faisceau de présomptions. Du coup, les consommateurs sont un peu perdus, ne sachant pas s’ils doivent continuer à boire des sodas allégés plutôt que des boissons sucrées. Certains sont convaincus que l’aspartame est susceptible de favoriser des cancers, d’autres craignent pour leur foie ou leurs reins. Dans le doute, de nombreux adeptes du sans-sucre boudent les boissons dopées avec cet ingrédient suspect. Jusqu’à présent les deux géants unanimes affichaient un front commun en déniant, études à l’appui, tout risque de santé, et en mettant toute leur force de lobbying et de communication dans la balance, ce qui n’est pas rien.
Aujourd’hui, la donne change radicalement. Pepsi qui affirme de longue date vouloir préserver la santé des consommateurs, se désolidarise et profite de cette défiance des Américains à l’égard du sucre de synthèse pour en laisser le monopole à son vieil ennemi. L’industriel utilise désormais un cocktail d’édulcorants moins controversés dont le sucralose.
Pepsi veut profiter de la méforme récente et historique du Diet Coke. En 2014, pour la première fois de son histoire les ventes de Diet Coke ont baissé. Longtemps présenté comme la solution idéale à l’obésité, le Diet Coke connaissait une impressionnante croissance de ses ventes aux Etats-Unis, jusqu’à devenir la deuxième boisson gazeuse la plus vendue outre-Atlantique derrière le Coca classique et devant le Pepsi classique. Mais l’année dernière, au grand dam de la firme d’Atlanta, le Coca allégé a connu une baisse de presque 7% de ses volumes, soit 8,5% de parts de marché contre 8,8% pour le Pepsi classique (et 17,6% pour le Coca Cola classique).
Le Diet Coke est en panne
L’occasion était trop belle pour Pepsi de profiter de cette panne de croissance de son ennemi séculaire. D’autant qu’en tant que leader du marché, la marque rouge ne peut se permettre de changer aussi facilement de recette que son challenger, elle aurait trop à perdre. Le contexte est d'autre part miné pour ces deux marques qui continuent à vendre une majorité de boissons très sucrées, de plus en plus attaquées par les autorités médicales et politiques sur leur responsabilité dans l’épidémie d’obésité. Premiers touchés, les Américains semblent quelque peu modifier leurs mauvaises habitudes puisque l’année dernière les ventes d’eau en bouteille ont connu une croissance de 7% alors que celles de sodas (avec sucres ou aspartame) ont baissé de 1%. Les experts de ce marché estiment que les ventes d’eau pourraient dépasser celles de soft drinks dans les deux prochaines années. Un revirement inédit sur ce marché.
Histoire de bien enfoncer le clou, le nouveau Diet Pepsi porte désormais la mention "Maintenant sans aspartame", tout comme les autres références sans sucre de la marque, le diet Pepsi décaffeiné et le Diet Pepsi goût cerise. La marque qui est partenaire officiel de la Ligue nationale de football américain, la puissante NFL, organisatrice du Super Bowl chaque année, compte aussi utiliser cet efficace moyen de communication pour faire connaître sa différence et populariser l’idée subliminale suivante: Pepsi n’empoisonne pas l’Amérique, Coca si !
