Demain, community manager sera le poste le mieux payé de votre entreprise

Une communauté peut faire ou défaire une marque. Devenir un actif de votre entreprise ou son pire ennemi. La révéler et la fédérer devraient être des activités stratégiques de votre entreprise. De Waze à Airbnb, d’Amazon à Salesforce, les entreprises qui réussissent à "l’âge de la multitude" sont celles qui s’associent étroitement à leurs utilisateurs.

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Demain, community manager sera le poste le mieux payé de votre entreprise

Qu’est-ce qu’une communauté ?

Marylène Delbourg-Delphis définit ainsi la notion de "tribu" : "un groupe de personnes connectées entre elles, connectées à un leader et connectées à une idée" (en préface de Tribus de Seth Godin). La communauté se caractérise à la fois par la qualité de ses connexions et par l’attachement à une personne et/ou une vision. Elle se compose de vos clients mais aussi de vos fournisseurs, de vos salariés et même de vos concurrents, s’ils poursuivent le même but et la même vision que vous. Cette vision peut être attachée à votre marque, à un produit en particulier ou au fondateur de celle-ci (pensez à votre iPhone).

Pourquoi vous devriez vous en préoccuper ?

Parce que plus personne ne vous écoute

Dans une époque saturée de messages et discours top-down (descendants), l’avis de ses "pairs" prend autant voire plus d’importance que les discours des marques ou des institutions. La numérisation des canaux a accentué ce phénomène, l’individu seul face à sa machine ayant besoin d’être rassuré et mis en confiance. L’avantage ira aux marques qui sauront construire, entretenir et développer une communauté autour de leurs services et leur vision.

Parce que c’est le seul moyen de vous développer quand vous êtes petit

Pour une start-up, construire une solide communauté fonctionne mieux et coûte moins cher que les techniques traditionnelles pour conquérir de nouveaux clients. Les fondateurs recherchent l’adhésion de leurs utilisateurs avant même le lancement de leurs produits. L’engouement créé autour du projet ne traduit pas que l’intérêt des consommateurs. C’est un gage de viralité future, cette capacité à attirer de nouveaux utilisateurs qui eux-mêmes se chargeront d’en attirer d’autres par bouche-à-oreille. De leurs côtés, les early adopters, souvent les plus enthousiastes, conserveront un fort attachement à la marque en ayant le sentiment légitime d’avoir participé à sa création.

Parce que vous améliorerez vos produits

Entretenir des liens étroits avec sa communauté au travers de forums, évènements, blogs, micro-blogs (Twitter) permet de connaître leur point de vue sur une nouveauté, une modification, un projet. Posez-leur une question et le dialogue commence. Attention, les discussions devront inclure le concepteur qui dialoguera directement avec les clients. Ceux-ci continueront la discussion entre eux, comparant les produits, apportant des idées,...

Nous touchons ici à un point critique : si vous ne connaissez pas vos clients, si vous en avez peur ou si vous les prenez pour des imbéciles (plusieurs choix possibles), laissez tomber. Mieux vaut ne rien faire que de faire semblant.

Parce que votre communauté vous le rendra bien

Ce caractère à la fois viral et attachant de la relation, c’est l’or que toutes les marques recherchent. "Trust is the new energy" (la confiance est la nouvelle énergie) affirme Frédéric Mazella, le co-fondateur et dirigeant de Blablacar. Plus d’échanges, de commentaires, de notations, de recommandations, c’est plus de confiance dans la fiabilité du service. C’est aussi plus de temps passé en ligne, et de précieuses données de comportements. Utiles pour améliorer le service, renforcer la fidélité ou trouver des revenus publicitaires.

"Nous ne le faisons pas pour le fun, nous le faisons pour le business" dit plus prosaïquement une responsable de Salesforce dans un article récent de GigaOm. "Les entreprises commencent à peine à le comprendre. C’est une arme essentielle pour notre compagnie". Dreamforce, l’évènement annuel organisé par Salesforce, accueille 135 000 développeurs. C’est le plus grand événement mondial autour du logiciel. La Mecque du CRM.

Parce que c’est peut-être vous qui dépendrez de votre communauté

Dans une interview récente au magazine INfluencia, Noam Bardim, le fondateur de Waze révèle : "Google a d’abord acheté Waze pour notre communauté (…). Google, Microsoft ou Apple ont du mal à créer une communauté ; nous avons réussi à engager nos utilisateurs comme personne et si on peut amener cela à Google, ils en tireront beaucoup d’avantages".

Entretenir de bonnes relations avec sa communauté peut également vous aider à surmonter des crises, à être plus résilient face aux évènements et imprévus qui jalonnent la vie d’une entreprise.

Comment faire pour révéler et fédérer sa communauté ?

Lui fournir des outils et une organisation

Jeff Jarvis dans What Would Google Do ? rapporte cet échange entendu au Forum de Davos. À la question "comment faire pour créer une communauté comme la vôtre ? Faut-il posséder une communauté ?", le jeune Mark Zuckerberg (22 ans) répondit : "Vous ne pouvez pas créer de communauté. Les communautés existent déjà. Elles font ce qu’elles veulent. La question que vous devriez vous poser est comment pouvez-vous les aider à le faire mieux ?" Et sa réponse : "Proposez-leur une organisation élégante (elegant organization)".

David Plouffe, l’organisateur de la campagne présidentielle de Barack Obama en 2008, expliquait ainsi le succès de MyBarackObama.com, le site participatif créé lors de la campagne: "Notre organisation en ligne était devenue un domicile pour les gens. Nous leur avions fourni les outils pour réussir et des centaines de milliers de gens passaient des heures sur notre site. Des outils de toutes sortes, allant des moyens de recruter de nouveaux votants à la possibilité de faire suivre des messages de réponse aux attaques à la totalité de son carnet d’adresse (…) Ces millions d’Américains se sont approprié le message d’Obama en restant dans leur sphère à eux et leur imaginaire" (cité par Marylène Delbourg-Delphis). Obama a gagné en 2008. Il a été réélu en 2012. David Plouffe travaille lui maintenant comme lobbyiste chez Uber.

Cette "organisation élégante" doit se différencier clairement des canaux commerciaux : ici on ne vend pas, on écoute et on crée du lien.

Commencer petit puis grandir

Trouvez votre communauté d' early adopters et choyez-là. David Spinks, fondateur d’une conférence spécialisée sur les Communautés, conseille : "toutes les startups commencent par une communauté restreinte (core community), pour l’élargir ensuite". Facebook à ses débuts était réservé aux étudiants de Harvard, puis aux étudiants américains. Cette première communauté avait une forte utilisation de la plateforme : Facebook a pu tester et valider de nombreuses fonctionnalités avant de les généraliser.

La considérer et la soigner

Noam Bardim : "Tout ce que nous avons entrepris depuis la création de Waze, nous l’avons fait en se demandant quel impact cela allait avoir sur la communauté, comment cela influencerait les utilisateurs, quelle en serait l’efficacité sur la réduction du trafic…Nous intégrons minutieusement tous ces facteurs avant de prendre la moindre décision. C’est une méthode très différente de ce qu’on retrouve dans les plus grandes entreprises".

De nombreux services proposent également à leur communauté de tester des nouveautés en exclusivité. Vous recevez un accès à la version beta, et êtes invité(e) à donner votre avis. Votre communauté raffolera également de scoops et de privilèges comme des versions spéciales ou limitées. Ne faites surtout pas comme la majorité des grandes marques qui réservent leurs meilleures offres aux nouveaux clients plutôt qu’aux anciens. Encouragez plutôt les nouveaux à se rapprocher des anciens.

Encourager le partage des valeurs

Lyft, autre service de covoiturage, cultive une image forte autour du partage et de l’échange. Les covoitureurs sont incités à se saluer avec un fist-bump ("poing contre poing") pour vaincre la timidité. Les conducteurs ont leur propre page Facebook et compte Twitter. Airbnb, le site de partage de logements, organise des meetups (rencontres) de visiteurs dans chaque grande ville. Les community builders du site envoient les invitations, paient le déjeuner et laissent les voyageurs se rencontrer et échanger. Cette activité fait partie d’une stratégie globale: Airbnb a repensé récemment tout le design et les fonctionnalités de ses solutions pour mieux faire partager la vie des hôtes (pour en savoir plus lire ici).

Évidemment cet encouragement n’a de sens que s’il relève d’un partage authentique et constructif de la marque. Les avis et propositions doivent trouver une réponse directe et sans ambiguïté de la part des responsables de produits.

Qui sont ces community builders, ces "constructeurs de communautés" ?

Quand des individus interagissent en relation avec un produit, ils associent des sentiments positifs à la marque. Alors que le marketing manager utilise les medias sociaux pour connecter les clients à l’entreprise, le community manager ou community builder connecte avant tout les utilisateurs les uns aux autres. Leur rôle est essentiel pour construire un sentiment d’appartenance parmi les utilisateurs de ces solutions. Encourager ce type de communication requiert des expert(e)s qui comprennent ce qu’est la connectivité de groupe et savent comment la faire passer à l’échelle.

Ces nouveaux génies de la relation sont en partie sociologues, organisateurs d’évènements, et développeurs de produits. Ne les cherchez pas dans des écoles, ce sont avant tout des personnalités et des tempéraments, que vous jugerez sur leurs pratiques et expériences concrètes. L’art de la relation ne s’apprend pas dans les livres, mais dans la pratique.

Stéphane Schultz, fondateur de 15marches, société de conseil en stratégie et innovation

Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.

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