Diab, réfugié syrien: «L’avenir de mes filles est en Belgique»

Toute la semaine, « Le Soir » décortique les étapes du parcours d’un demandeur d’asile en Belgique. Notre 4e volet : le défi de l’intégration.

Journaliste au service Société Temps de lecture: 4 min

Diab a cinquante ans, une femme, et trois filles, de 17, 15 et 8 ans. Avant que la guerre n’éclate en Syrie, il était photographe et cameraman. Il travaillait notamment pour la télévision syrienne mais possédait aussi son propre studio indépendant. « J’avais une vie paisible : une famille, une belle maison, une voiture, mon studio, raconte-t-il avec un beau sourire. Quand la guerre a commencé, je pensais que ça ne durerait pas… » C’est la destruction de sa maison et de son studio qui l’a réellement décidé à partir : « J’ai travaillé pendant des années pour construire cette maison. C’est comme si ma vie là-bas s’était arrêtée à ce moment-là. Nous avons d’abord essayé de partir dans des régions où il n’y avait pas la guerre. Puis pour sauver ma peau, j’ai décidé d’émigrer pour recommencer une vie ailleurs. » Diab part alors avec deux autres amis pour un long périple : de Damas, ils montent dans un avion vers l’Algérie, qui ne demande pas de visa. C’est là-bas qu’ils se mettent en quête d’un passeur pour passer vers la Tunisie, à pied, par les montagnes. De là, ils payent un taxi pour rejoindre la Libye où ils trouvent un passeur qui leur demande 1500 dollars par personne pour les emmener jusqu’en Italie. Mais à l’endroit du rendez-vous où le passeur les dépose, après les avoir dépouillés d’une grande partie de leur argent, personne. Retour à la case départ. Ils finissent par trouver un autre intermédiaire, qui a des contacts avec la mafia italienne et les fait passer en Italie pour 2500 dollars par personne.

« Le bateau de pêche s’est approché de la côte sicilienne et on nous a demandé de continuer à la nage, se souvient Diab. Nous avons nagé une heure… Quand nous sommes arrivés, nous étions comme des morts-vivants. Nous avons encore dû marcher trois heures dans les montagnes avant de croiser quelqu’un et de lui demander d’appeler la police. » Quel fut le sentiment de Diab en posant le pied en Europe ? « J’ai remercié Dieu, répond Diab en levant les mains au ciel. Je savais que c’était presque fini. Mais ma vraie joie, c’était le deuxième jour. J’avais pris une douche, j’avais mangé et j’avais bien dormi. Là j’ai vraiment réalisé que j’étais en Italie. »

Au départ, Diab voulait s’installer en Hollande ou au Danemark. Mais une fois en Europe, il s’agit encore de trouver des passeurs ! Il est finalement arrivé en Belgique où il dit avoir été bien accueilli. Quand il évoque le Petit Château, par contre, Diab grimace : « administrativement, c’était très bien, mais les gens qui logeaient là étaient sales, irrespectueux… » C’est cependant dans ce centre qu’on lui parle de l’association Convivial, qui accompagne les réfugiés lors de leur installation. C’est d’ailleurs dans les locaux de cette ONG qu’il nous rencontre. C’est aussi là-bas qu’il a pu trouver gratuitement quelques meubles, des vêtements et de la vaisselle. Il a aussi commencé des cours de français. Mais le plus grand problème de Diab à l’heure actuelle est de trouver un logement. Il est en effet arrivé seul et a donc trouvé un petit studio, temporairement. Il a depuis fait venir sa famille, restée chez des amis à Damas. Ils sont désormais cinq dans ce petit logement d’une seule pièce. Son image de la Belgique s’est un peu altérée au passage : « Au début, j’ai beaucoup apprécié la Belgique. Mais c’est très dur de trouver un appartement. Dès que je dis que j’ai le revenu d’intégration sociale, c’est foutu, les propriétaires ne veulent pas. » Néanmoins, si lui personnellement n’exclut pas de retourner un jour en Syrie, l’avenir de ses filles est en Europe, estime-t-il : « Comme tout le monde, j’aime mon pays. Mais j’ai décidé de recommencer une nouvelle vie. En tout cas, une chose est certaine : l’avenir de mes enfants est ici. J’ai vu que l’éducation, le niveau de vie était bien meilleur. » Diab est toujours inquiet pour sa mère et sa sœur, restées en Syrie. « J’ai téléphoné hier et il y avait eu 70 bombes sur la journée à Damas ! » La Belgique n’autorise plus le regroupement familial que pour les conjoints et les enfants.

Diab poursuit chaque jour sa découverte de la Belgique. Avec les cours de « citoyenneté » de Convivial, il est fier de nous dire qu’il a appris qu’il y avait eu 7 rois en Belgique : « j’ai des amis qui sont ici depuis 20 ans et qui ne le savaient pas ! », rigole-t-il. Sur son smartphone, il nous montre aussi une photo de lui avec sa femme et ses trois filles sur la grand-place de Bruxelles. En apparence, rien ne les distingue de touristes lambda, tout sourire au cœur de la capitale européenne.

Notre série « Sur la trace des migrants »

Le travail à l’Office des étrangers, « on aime ou on n’aime pas » (1/5)

Dans un centre pour demandeurs d’asile : « On gère beaucoup en urgence » (2/5)

Comment les récits des réfugiés sont contrôlés (3/5)

 

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