Le redressement se confirme au tournant de l'année 2013-2014, mais il ne se produit pas partout au même rythme. Dans les économies avancées, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sortent du lot. « L'investissement y est soutenu, les carnets de commandes sont pleins, l'emploi augmente et l'industrie repart. C'est une vraie reprise », analyse Patrick Artus, économiste en chef de Natixis. Ailleurs, en particulier dans la zone euro, la reprise est « poussive » même si les grands pays devraient tous renouer avec la croissance.
Dans les pays émergents, qui, observait mi-décembre 2013 Denis Ferrand (Coe-Rexecode), « ont encore contribué à près des trois quarts de la croissance mondiale au troisième trimestre 2013 », l'activité a plutôt résisté en Asie à partir du sursaut chinois de l'été et ralenti ailleurs. Ces divergences devraient durer.
Mais si la crise de 2008 s'éloigne, des risques importants pèsent toujours sur la croissance, faute notamment d'une véritable reprise du commerce mondial.
Une rechute japonaise affaiblirait les économies asiatiques Le Japon du premier ministre Shinzo Abe n'est pas encore tiré d'affaire, autrement dit sorti de plus de quinze années de déflation. La Banque du Japon a d'ailleurs annoncé, le 21 novembre 2013, le maintien de sa politique monétaire ultra-accommodante pour soutenir la croissance et remonter l'inflation à 2 % d'ici deux ans. Le rythme de progression de l'activité, à peine retrouvé, a ralenti au troisième trimestre. Toutefois, le volume du produit intérieur brut (PIB) a retrouvé son niveau d'avant-crise et l'industrie repart, certes lentement, mais elle repart. L'économie profite d'un effet de richesse, avec la hausse de 30 % du prix des maisons et de plus de 50 % de l'indice Nikkei en 2013.
« Mais il n'y a pas de véritable relais de croissance, et les salaires réels continuent de baisser », observe M. Artus. A ses yeux, l e véritable juge de paix des « Abenomics », ce sera la manière dont le pays absorbera l'augmentation de 3 points du taux de TVA prévue au 1er avril. Si ces 3 points sont prélevés sur l'épargne, cela ira. S'ils le sont sur la consommation, cela pourrait précipiter le Japon dans la récession, comme ce fut le cas lors de la grande crise asiatique de 1997. Ce serait une mauvaise nouvelle pour l'Asie.
Une crise de change reste possible dans certains émergents Le principal défi pour les pays émergents est de trouver un nouveau modèle de croissance. C'est vrai en Chine, où l'urbanisation accélérée n'aura pas les mêmes effets bénéfiques sur l'activité qu'une montée en gamme de l'économie, mais aussi au Brésil, en Inde, en Indonésie, en Afrique du Sud ou en Turquie.
Ces derniers ont été touchés au printemps 2013 par les turbulences financières liées aux sorties de capitaux, elles-mêmes dues à l'anticipation d'un resserrement de la politique monétaire américaine. Dans ces pays, la production n'a pu suivre la demande qui était stimulée par l'expansion du crédit, en raison de problèmes structurels comme l'insuffisance des infrastructures de transports ou des réseaux électriques, et les déficits extérieurs se sont fortement creusés. Cette dégradation, qui n'est pas de nature à rassurer les investisseurs, a entraîné une chute des devises et un ralentissement économique.
L'Indonésie, par exemple, n'est pas à l'abri d'une crise de change faute d'avoir constitué des réserves. D'autres pays, comme l'Inde, doivent faire face à une moindre croissance et à l'accélération de l'inflation. Une double difficulté que la Réserve fédérale indienne a le plus grand mal à traiter.
La zone euro demeure fragile La sortie de récession a été confirmée au troisième trimestre 2013, mais la reprise, à quelques exceptions près, y est tout sauf vigoureuse.
Le climat des affaires comme les anticipations des ménages et des entreprises continuent de s'améliorer. C'est un bon point. La moindre consolidation budgétaire (plusieurs pays dont la France ont obtenu de Bruxelles des délais pour redresser leurs finances publiques) et la nécessité de renouveler les capacités de production devraient permettre, selon l'Insee, « une croissance modérée, malgré un marché du travail dégradé ».
« Mais la croissance reste assez faible, trop faible en tout cas pour financer nos modèles sociaux qui supposent le plein-emploi, analyse Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management. Le point-clé, c'est l'investissement. Tout l'enjeu pour les gouvernants est de créer les conditions de son redémarrage afin de générer des gains de productivité et d'infléchir le cycle économique à la hausse. »
Malgré d'indéniables signes d'amélioration – il y a partout un peu plus de consommation, de pouvoir d'achat et d'investissement –, la zone euro n'est pas à l'abri d'une nouvelle crise financière. « Il y a une sorte de course entre l'amélioration de l'économie et l'augmentation des taux d'endettements publics qui atteignent par exemple 134% du PIB en Italie », observe M.Artus. Pour l'heure, les marchés financiers ne s'en soucient guère. Jusqu'à quand ?
Les inconnues de la Fed et des banques européennes Pour les Européens, le resserrement de la politique monétaire américaine, et ses conséquences, reste l'une des inconnues de 2014. Si M. Ferrand estime que la sortie en cours de la politique accommodante de la Fed reste « un exercice d'équilibriste » et qu'il faudra « beaucoup de doigté pour ne pas casser la phase de croissance qui s'est ouverte », nombreux sont ses confrères à penser que les économies et les marchés se sont ajustés au « tapering » en mai 2013, lorsque Ben Bernanke, le président de la Fed, a annoncé un possible resserrement monétaire.
Hors d'Europe, on a moins les yeux rivés sur la banque centrale américaine et on s'inquiète plus de l'état des banques européennes. « Les Européens, à l'exception peut-être des Français, n'ont toujours pas fait le ménage dans leurs banques. C'est ce qui fait peser les plus grandes menaces sur les finances et l'économie mondiales », estimait mi-décembre Michael Smith, PDG d'ANZ, la troisième banque d'Australie et la première en Asie.
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