
L’annonce, jeudi 20 août, de la démission du premier ministre grec, Alexis Tsipras, et de la tenue d’élections législatives anticipées en septembre n’a pas ébranlé la capitale grecque. Dans les rues désertées d’Athènes, la vie tourne au ralenti. La majorité des habitants, en vacances, a quitté la ville pour les îles ou les villages.
Au Roumeli, l’un des rares cafés du quartier de Neapoli-Exarkion ouverts en cette saison, le patron, Achilleas Dukas, a tranquillement monté le son du poste de télévision. A la tombée de la nuit, trois clients étaient réunis dans le petit local aux néons blafards pour suivre le discours du chef du gouvernement. Lorsque le visage grave du premier ministre est apparu à l’écran, le taulier a poussé un soupir, résigné. « Ces élections anticipées sont un désastre pour la population. Psychologiquement, nous sommes déjà passés par des phases intenses [la fermeture des banques, le contrôle des capitaux et le référendum du 5 juillet]. Les gens sont tellement stressés », lâche-t-il.
« Je voterai pour Aube dorée »
Lors des législatives anticipées de janvier, Achilleas Dukas avait voté, enthousiaste, pour Syriza, la formation d’extrême gauche d’Alexis Tsipras. Aujourd’hui, le cafetier ne dissimule pas sa déception, après plusieurs semaines et l’acceptation d’un mémorandum qu’il trouve « beaucoup trop difficile pour le peuple », incluant notamment une hausse de la TVA sur certains produits ou une profonde réforme des retraites. Il hausse les épaules : « Je voterai pour Aube dorée [parti néonazi] aux prochaines élections, ce sera la seule solution pour montrer notre mécontentement ! ». La force politique extrémiste, troisième parti du pays, avait récolté plus de 6 % des voix aux dernières élections. La gauche radicale, elle, avait remporté plus de 36 % des suffrages, soit la majorité dès le premier tour.
Pour ce nouveau scrutin, le parti de gauche radicale et son dirigeant jouissent toujours d’opinions favorables au sein de la population. Syriza disposait de 33,6 % d’intentions de vote le 24 juillet, selon un sondage relayé par Reuters. Pour Georges Contogeorgis, professeur de sciences politiques à l’université Panteion, à Athènes, c’est cette popularité encore acquise qui a poussé le premier ministre a démissionner maintenant. « Alexis Tsipras choisit de convoquer des élections dans l’immédiat, car il sait que dans six mois, il ne bénéficiera pas forcément d’une bonne cote de popularité. » Cette accélération du calendrier permettra en effet la tenue d’un scrutin avant que les électeurs ne ressentent les effets des nouvelles mesures d’austérité.
Dans le café vide Roumeli, Dimitri Rezus, écrivain, se concentre sur les informations, verre de tsipouro à la main. « Tout le monde est dans l’attente, l’angoisse. On va aller voter puisque de toute façon, on ne peut faire que ça. Je ne suis pas sûr que c’était la bonne période pour les élections même si on s’y attendait, commente-t-il. Le parti est divisé, d’accord, mais quand on a un problème en interne, on le règle en interne, on ne provoque pas des élections qui concernent tout un peuple. »
L’homme prédit : « On risque d’avoir des surprises lors de ces élections anticipées, davantage qu’en janvier. » L’écrivain ne se « reconnaî [t] plus » dans les partis actuels. « Ces dernières années, la politique est devenue chaotique dans le pays. Le paysage politique a beaucoup changé, les gens sont perdus idéologiquement, des partis politiques ont chuté, comme le Pasok (socialistes). » Pour le Grec, il est impossible d’anticiper le résultat de l’élection. La réaction « de la rue », en revanche, est prévisible, d’après lui. Conséquence du troisième Mémorandum et de cette nouvelle annonce d’élections anticipées, « les gens iront de nouveau protester, crier, se battre pour leurs droits, mais je ne suis pas optimiste. Cela fait longtemps que l’on manifeste sans que cela soit efficace ».
Des élections « pour sauver un parti »

Quelques rues plus loin, à la terrasse d’une taverne du quartier de l’université Panapistimio, Dimitri, évoque la situation ; tirant nerveusement sur sa cigarette. Cet Athénien au chômage n’a pas regardé le discours du premier ministre à la télévision, car « il n’y a rien de surprenant dans ses interventions », s’énerve-t-il. Ce dernier, qui vote pour le parti de droite Nouvelle Démocratie reste « étonné » par « les revirements » du chef de gouvernement. Il dit « ne plus comprendre sa stratégie ». « Avant son élection, il était très à gauche, proche des communistes et maintenant il se range derrière les créanciers pour un troisième plan d’austérité qui n’a plus de sens. ». Pour le cinquantenaire, ces élections anticipées ont lieu « seulement pour sauver le parti Syriza, le renforcer, elles n’ont pas lieu dans l’intérêt du peuple ». Il se dit « pessimiste » pour les mois à venir. « L’économie est dans une situation catastrophique, nous avons du mal à nous relever et nous n’avons aucune industrie à part le tourisme. Une fois que la saison sera terminée, nous n’aurons plus rien. »
Aux terrasses qui bordent la rue, les visiteurs sont majoritaires. Cette année, la Grèce va atteindre un record de fréquentation, en augmentation par rapport à 2014. Le tourisme est l’un des rares secteurs qui ne connaît pas la crise.
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