"Khaled al-Asaad était le symbole de la résistance"

Pour Le Point.fr, Maamoun Abdulkarim, directeur des Antiquités syriennes, rend hommage à l'ex-directeur des Antiquités de Palmyre, décapité par l'EI.

Par Maamoun Abdulkarim

Khaled al-Asaad, directeur des Antiquités de Palmyre de 1963 à 2003, a été décapité par l'EI à l'âge de 82 ans.
Khaled al-Asaad, directeur des Antiquités de Palmyre de 1963 à 2003, a été décapité par l'EI à l'âge de 82 ans. © HO / SANA / AFP

Temps de lecture : 3 min

Peu avant l'été, Maamoun Abdulkarim, l'homme qui a sauvé les trésors de Palmyre avant l'arrivée de Daesh, confiait ses craintes au Point. "Nous ne savons pas quand nous serons tués", déclarait le directeur des Antiquités syriennes. Quelques semaines plus tard, mardi 18 août, Khaled al-Asaad, directeur des Antiquités de Palmyre de 1963 à 2003, était décapité par l'EI, à l'âge de 82 ans.

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Bouleversé par la mort de son ami, Maamoun Abdulkarim nous a adressé cet hommage, d'ami à ami, de disciple à maître.

"Ma première rencontre avec Khaled se déroula à Palmyre en 1995. À l'époque, j'étais étudiant en thèse me spécialisant en période classique romaine, période à laquelle Palmyre s'est développée (pendant les trois premiers siècles après J.-C). Khaled était un grand professeur avec de très grandes qualités humaines. Je suis allé le voir au Musée de Palmyre pour lui demander certaines informations concernant ma recherche. Pendant sa carrière aux Antiquités de Palmyre, sa porte a toujours été ouverte aux collègues et aux étudiants.

En 2002, quand j'étais en charge du Département des affaires des musées de Syrie (DGAMS), j'ai eu l'honneur de travailler avec Khaled. Il était à la fin de sa carrière avant de prendre sa retraite en 2003. Durant cette période, nous nous sommes vus fréquemment. Khaled était un mélange d'érudit et de gentleman. Nous avons développé et mis en place plusieurs projets, et malgré nos 35 ans d'écart, nous sommes devenus de grands amis.

Nous nous sommes souvent contactés depuis la crise en 2012, mais c'est à notre dernière communication téléphonique en mai dernier que je pense le plus, après que Palmyre est tombé entre les mains de l'EI. Comme je le priais de quitter Palmyre pour Damas, il refusa en me disant qu'il y était né, qu'il resterait, et qu'il ne laisserait pas tomber sa ville. Il était courageux, audacieux et sa longue expérience a beaucoup apporté à l'équipe chargée de la mission de secours pour l'évacuation des richesses du musée de Palmyre, juste avant l'entrée de l'EI. Son fils Mohamad et le personnel du musée ont travaillé dur pour sauver les objets archéologiques et c'est ainsi qu'une grande majorité est conservée désormais à Damas.

Mon ami Khaled al-Asaad est né le 1er janvier 1934, il avait appris la langue araméenne de Palmyre et a oeuvré toute sa vie pour que le site de Palmyre soit reconnu comme une institution archéologique de haut niveau scientifique, tout en apportant support et assistance aux missions archéologiques étrangères ou conjointes qui travaillaient dans la région.

Son principal souci était la protection du site et de sa région, afin de transmettre ce patrimoine aux générations futures. En développant les participations aux expositions archéologiques internationales ainsi qu'aux multiples séminaires, il assurait la diffusion de l'histoire de Palmyre au monde entier. Toute sa vie il l'a dédiée à sa ville, même après sa retraite. Il n'a pas quitté sa ville antique et l'EI l'a capturé. Il a été décapité car il aurait refusé de dire où se trouve un trésor caché, un trésor d'or caché, énorme mensonge propagé dans Palmyre quand l'État islamique est arrivé.

La vérité, c'est qu'il a été tué d'une façon sauvage parce qu'il a refusé de légitimer leur pouvoir à Palmyre, et qu'ils se sont vengés en envoyant un message pour terroriser le peuple de Palmyre.

Khaled al-Asaad est aujourd'hui un martyr de Palmyre, et doit devenir un symbole de résistance contre le terrorisme."

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Commentaires (10)

  • mnbee

    Est encore mis en scène pas ces sauvages de l'ei.

    Le degré 0 de l'humanité et nous laissons faire...

  • alleluïa

    Oui rendons hommage à cet homme.
    Et qu'une minute (seulement ?) de silence soit respectée dans toutes les Assemblées Nationales dignes de ce nom.

  • Solidomal

    De quelle r?sistance ? Face à des djihadistes dont on connait les méthodes, rester quand on peut se sauver, je n'appelle pas ça du courage, mais du suicide !