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Comment juge-t-on la soutenabilité d'une dette publique?

PHILIPPE HUGUEN/AFP

LE SCAN ÉCO - Après s'être assurée d'un troisième plan d'aide européen, la Grèce est entrée de nouveau, vendredi, dans une période d'instabilité politique. Les créanciers ne semblent pas inquiets après la mise en place d'un nouveau plan d'aide.

Après six mois de négociations ardues, et de pressions des créanciers du pays qui ont menacé Athènes d'une sortie de la zone euro, Alexis Tsipras a été contraint de signer un accord avec l'Europe sur un nouveau prêt de 86 milliards d'euros sur trois ans contre des mesures d'austérité qui devront être mises en place très rapidement en Grèce.

De son côté, le FMI souhaite un allègement voire un effacement d'une partie de la dette grecque qu'il juge insoutenable. Il propose trois options: un effacement de la dette pure et simple, des transferts annuels au budget grec, ou un allongement du délai de grâce sur l'ensemble de la dette européenne. On ne sait toujours pas s'il participera au nouveau plan d'aide accordé à Athènes. Lors de la dernière estimation, en mars dernier, la dette publique grecque atteint 170% du PIB soit, 300 milliards d'euros.

Qu'est-ce qui rend une dette insoutenable? La soutenabilité de la dette exprime la capacité d'un État à faire face à ses emprunts, c'est-à-dire, sa solvabilité. Elle est liée aux recettes prévisibles qui permettront de payer les intérêts voire de rembourser une partie de la dette.

Pas de critère absolu

«Il n'y a pas de critère absolu pour juger de la soutenabilité car cela dépend de la capacité du gouvernement à lever de nouveaux impôts ou à abaisser ses dépenses, donc du contexte socio-politique qui varie d'un pays à l'autre. Cela dépend aussi des perspectives de croissance que l'on ne connaît pas», déclare Agnès Bénassy-Quéré, professeur à l'Ecole d'Economie de Paris, Université Paris 1.

Pour se faire une idée, elle propose plusieurs méthodes: vérifier que le ratio de la dette sur le PIB n'explose pas dans les dix années à venir, que le ratio service de la dette (intérêts et remboursement) sur le PIB n'est pas trop important chaque année, regarder la maturité moyenne de la dette (plus elle est courte, plus le pays est vulnérable à une crise de liquidités), regarder s'il y a des marges de manoeuvre fiscales ou des actifs privatisables. A partir de ces critères, elle juge la dette grecque insoutenable.

«La définition de la soutenabilité de la dette publique est extrêmement délicate, met en garde Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE. Celle-ci dépend des anticipations des marchés financiers (qui peuvent être auto-réalisatrices) et du comportement du gouvernement». Pour lui, la dette publique est soutenable quand les marchés financiers estiment que le gouvernement est capable de contrôler son évolution et que sa probabilité de faire défaut est négligeable.

Rembourser les intérêts

De son côté, Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à l'ESCP-Europe, assure: «Le seul critère de la soutenabilité d'une dette est la capacité à rembourser les intérêts dus. Si les recettes sont supérieures à la charge de la dette, comme c'est le cas de la Grèce, alors la dette est soutenable, le reste est une histoire d'arbitrage entre les différents postes de dépenses». Le montant des intérêts de la dette grecque s'élevait à 7 milliards d'euros en 2014, c'est-à-dire environ 4% de son PIB, d'après les chiffres d'Eurostat.

«En réalité tout dépend si l'on parle de soutenabilité vis-à-vis des marchés (en ce qui concerne la Grèce, sa dette n'est pas soutenable), ou de la capacité du pays à faire des arbitrages pour ses dépenses. Dans ce cas, la dette de la Grèce est soutenable. Elle doit simplement faire des choix», conclut Jean-Marc Daniel.

Certains pays, les Etats-Unis ou le Japon par exemple, s'endettent dans leur propre monnaie et contrôlent leur taux d'intérêt. Ils sont dans une situation très différente puisque l'Etat s'endette auprès de la Banque Centrale, qui crée la monnaie. De plus, ils peuvent maintenir des taux très bas. Leur dette peut augmenter, elle reste soutenable puisque les marchés n'ont pas à craindre la faillite. Le risque est uniquement l'inflation ou la dépréciation de la monnaie. Mais les pays qui ne contrôlent pas leur taux d'intérêt, qui s'endettent en monnaie étrangère (pays en développement) ou bien ceux qui ne peuvent pas s'endetter auprès de leur banque centrale comme c'est le cas des pays de la zone euro, «leur dette devient insoutenable si les marchés considèrent que le gouvernement perd le contrôle de ses finances et a une probabilité de faire défaut», explique Henri Sterdyniak.

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6 commentaires
  • marie210917

    le

    Au prochain problème point de souci pour certains (les marchés financiers) mais beaucoup pour d'autres : les déposants ... Et oui l'accord est passé :les banques en cas de problème se serviront directement sur les comptes des déposants... Cela s'est fait, en catimini, en 2013.

  • Asimon

    le

    En ce qui concerne la France, tant que nous autres contribuables seront assez c... pour payer nos impôts à des gouvernements gabegistes, les agences de notation et les marchés ne s'inquiéteront pas.
    Et puis, s'il faut lessiver l'épargnant, c'est facile : la dette publique est dans les contrats d'assurance Vie.
    Où est le problème ?

  • mistophore

    le

    Tant que ça dure, c'est soutenable ,..