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La Nouvelle-Calédonie paralysée par un conflit sur l’exportation de nickel

Les mineurs et transporteurs de nickel ont durci leur mouvement vendredi, bloquant les accès à Nouméa après l’échec des négociations avec le gouvernement calédonien.

Le Monde

Publié le 21 août 2015 à 20h34, modifié le 22 août 2015 à 11h46

Temps de Lecture 3 min.

Des routiers transporteurs de nickel bloquent le rond-point de Belle-Vie, à Nouméa, le 19 août.

Après plus de quinze jours de conflit, le mouvement des mineurs et transporteurs de nickel s’est encore durci, vendredi 21 août, en Nouvelle-Calédonie. La veille, le dialogue entre les rouleurs et compagnies minières d’un côté, le gouvernement de l’autre, s’était pourtant renoué, après une semaine de rupture des négociations. Pour aboutir, tard dans la nuit, à un accord... que les transporteurs ont finalement refusé de signer.

Face à cet échec, les camionneurs ont de nouveau bloqué plusieurs accès à la capitale Nouméa, ainsi que de nombreux points névralgiques de la Grande Terre (l’île principale de l’archipel calédonien). Le quotidien Les Nouvelles calédoniennes rapporte en direct l’évolution de ces barrages qui jalonnent l’île, du Nord à Koumac, au Sud au Mont-Dore.

A Nouméa, seuls les véhicules d’urgence pouvaient entrer et sortir de la ville vendredi. La plupart des magasins du centre-ville étaient fermés, et l’entrée du port Moselle, la principale marina, a été entravée. En « brousse », dans le reste de l’île, des barrages filtrants ont été installés. D’après la Chambre de commerce et d’industrie calédonienne, 30 à 80 % des salariés n’ont pu se rendre à leur travail. Des chantiers du BTP sont restés au point mort, faute de main-d’œuvre, des stations-service manquent de carburant, et des élevages sont menacés par l’absence d’approvisionnement en nourriture, d’après la chaîne Nouvelle-Calédonie 1ère. Le mouvement a aussi touché l’université, où des examens ont dû être annulés, ou encore l’usine Doniambo, de la Société Le Nickel (SLN) à Nouméa, qui a annoncé avoir diminué la puissance de ces fours du fait de l’absence d’une grande partie de ses salariés.

Exporter le minerai vers la Chine ?

A l’origine de ce long conflit, les compagnies minières et les rouleurs, qui transportent le minerai de la mine jusqu’au port, souhaitent, entre autres, l’ouverture d’une filière d’exportation de minerais à faible teneur de nickel vers la Chine. Ils disent vouloir ainsi compenser la baisse des exportations vers l’Australie et le durcissement des conditions imposées par leur client Queensland Nickel (QNI). Les rouleurs estiment que ce nouveau débouché est indispensable à leur survie économique, afin de maintenir un volume de travail suffisant. Pour les partisans de ce rapprochement avec la Chine, la Nouvelle-Calédonie ne peut plus composer sans la puissance asiatique, qui est devenue le premier consommateur de nickel au monde.

En Nouvelle-Calédonie, les mineurs indépendants, soutenus par les rouleurs, demandent l'ouverture d'un canal d'exportation vers la Chine de latérites à basse teneur, afin de compenser la baisse des volumes vers l'Australie et maintenir l'emploi sur les mines.

Problème : cette filière va à l’encontre du shéma minier calédonien. Ce dernier autorise les exportations vers les clients traditionnels que sont le Japon et l’Australie, mais ne prévoit pas l’ouverture de nouveaux flux d’exportations. C’est pourquoi le Groupe de travail des présidents et signataires de l’accord de Nouméa a notamment donné un avis défavorable à son ouverture.

Le FLNKS (indépendantiste) et Calédonie Ensemble (centre droit, proche de l’UDI), auquel appartient le président du gouvernement Philippe Germain, estiment aussi que l’approvisionnement en minerai du marché chinois serait une erreur stratégique. Il maintiendrait des prix bas du métal, et maltraiterait donc la rentabilité des opérateurs locaux. Il risquerait aussi, selon eux, de compromettre la ressource à plus basse teneur que les générations futures pourront valoriser demain, lorsque le minerai plus riche sera épuisé. En janvier, le FLNKS a adopté sa « doctrine nickel », dont l’un des principaux axes est l’arrêt des exportations de minerais bruts, afin de maximiser la plus-value et les retombées économiques dans le pays.

Le sujet, éminemment politique, est loin de faire consensus, même à l’intérieur des camps indépendantistes et loyalistes, et fait l’objet de diverses crispations. Le Palika (Parti de libération kanak, indépendantiste) a ainsi parlé d’une « entreprise de déstabilisation des institutions » orchestrée par les Républicains.

Quelle « stratégie nickel » ?

Le modèle économique en question, qui sous-tend la gestion du nickel calédonien, est une question éminemment stratégique pour l’avenir du « pays », et âprement débattue entre indépendantistes, partisans d’une maîtrise publique de cette richesse, et non-indépendantistes, à la vision plus libérale.

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L’île contient en effet un quart des ressources mondiales de nickel, et ce minerai, facilement accessible à la surface de sa terre, est aussi très riche. Ainsi, selon le dernier rapport Syndex-Usoenc sur le nickel, « métal du diable ou vecteur de développement », « la teneur moyenne des gisements exploités en Nouvelle-Calédonie est de 2,22 %, contre 1,63 % dans le reste du monde, soit un écart de 0,59 point ou de 36 % ».

Poumon économique de l’île, ce métal est aussi un élément central du processus de décolonisation instauré par l’accord de Nouméa en 1998, et conditionne toute avancée politique sur cette épineuse question. Il est vu par les indépendantistes comme le moyen d’assurer l’émancipation politique du pays. Encore faut-il que la Nouvelle-Calédonie s’entende sur une « stratégie nickel » cohérente et durable, estime un article des Nouvelles calédoniennes, qui déplore que « le nickel n’a pour l’instant pas de boussole. »

 

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