Pourquoi le métro parisien n'ouvrira pas toute la nuit

À l'instar de Londres, Paris étudie une amplification horaire de ses transports. Mais les premières limites commencent déjà à apparaître.

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La maire de Paris Anne Hidalgo a promis d'étendre les horaires d'ouverture du métro parisien. Le projet est plus complexe qu'il n'y paraît.
La maire de Paris Anne Hidalgo a promis d'étendre les horaires d'ouverture du métro parisien. Le projet est plus complexe qu'il n'y paraît. © DE NUL/SIPA

Temps de lecture : 5 min

La question a été tranchée beaucoup plus nettement de l'autre côté de la Manche. Le maire de Londres Boris Johnson a décidé, sans consulter les syndicats, d'ouvrir le métro de la capitale toute la nuit les samedis et vendredis soir à partir de septembre. Résultat, deux grèves majeures se sont succédé. À Paris, le sujet n'est pas nouveau, mais il a été remis sur les rails lors des dernières élections municipales. Aujourd'hui, les transports parisiens (métro, tramway, bus, RER) s'arrêtent entre 1 heure et 1 h 30 du matin en semaine, et roulent jusqu'à 2 heures du matin le week-end. Les bus Noctilien, eux, fonctionnent de 0 h 30 à 5 h 30.

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C'était l'une des promesses de campagne de l'actuelle maire de Paris Anne Hidalgo (PS) : étendre l'amplitude horaire des transports de la ville. Elle acte même dans son programme le développement d'un réseau « fonctionnant 24 heures sur 24 le week-end, et à terme, la semaine ». Peu après son élection, l'élue a confié cette mission à la région et au Stif (Syndicat des transports d'Ile-de-France), organisme chargé d'organiser et de financer les transports publics.

Une étude est alors engagée en octobre 2014, censée évaluer « l'intérêt et la faisabilité de différents scénarios d'augmentation de l'amplitude du service ». Le Stif est une instance régionale, et pas simplement parisienne, nous précise Christophe Najdovski, maire adjoint de Paris chargé des transports, des déplacements, de la voirie et de l'espace public. L'étude a donc lieu dans un cadre régional, le Stif regarde à ce que ces amplitudes horaires supplémentaires bénéficient à l'ensemble des Franciliens, et pas simplement aux Parisiens

En février 2015, au cours d'une interview sur BFM TV, Anne Hidalgo renouvelle cette promesse : « Je suis pour l'extension des horaires des métros, qui pourraient fonctionner toute la nuit », confirme-t-elle, apportant quelques précisions. Ainsi, la mise en place ne serait pas instantanée, mais l'idée est « de permettre chaque année de gagner une heure ». Un projet qui semble toutefois difficile à mettre en oeuvre.

30 millions d 'euros par heure supplémentaire

D'abord, contrairement à ce qui a pu être évoqué, les deux lignes automatiques ne devraient pas être les premières à fonctionner plus tardivement : en effet, l'amplification doit être mise en place sur toutes les lignes en même temps. Aussi, « on ne peut pas passer à un métro qui circulera 24 heures sur 24, affirme Pierre Serne, vice-président (EELV) de la région chargé des transports et vice-président du Stif. Techniquement et par rapport au système de maintenance en place en Ile-de-France, ce n'est pas possible. » L'entretien du matériel, effectué actuellement la nuit lors de l'arrêt complet de l'exploitation du métro, deviendrait alors impossible. La mise en œuvre d'une telle mesure impliquerait donc une refonte complète de l'organisation de la maintenance, engageant des frais supplémentaires considérables. Les Parisiens devraient donc gagner certes quelques heures, mais pas plus.

La dernière expérience menée il y a quelques années s'est soldée par une facture très salée : pas moins de 30 millions d'euros par heure supplémentaire d'ouverture du métro. Dans le détail, le vice-président du Stif explique que ce sont toutes les stations d'une ligne qui doivent rester ouvertes. Ce qui augmente le besoin en personnel RATP et en agents de sécurité, encore plus important la nuit, alors même que la fréquentation est minimale aux heures tardives.

Les chargés d'étude du Stif se penchent donc sur des alternatives en concertation avec la Ville de Paris. L'offre globale comprendrait alors « des évolutions et des améliorations » pour la grande couronne, avec un renforcement important des lignes du Noctilien et des RER, priorités des usagers, selon l'organisme. Les cibles ne sont pas forcément les utilisateurs des transports tardifs, mais ceux « qui ne sont pas usagers la nuit parce qu'il n'y a pas de solution de transport ». En effet, selon le Stif, les lignes qui permettent aux gens « de repartir plus à l'extérieur » sont les plus demandées.

L'augmentation de l'amplitude horaire des transports ne fait pas que des heureux, les syndicats des taxis en tête. De son côté, Didier Hogrel, président de la Fédération nationale du taxi, s'interroge sur la rentabilité d'une mesure qui va « faire tourner des métros à vide ». « C'est regrettable, explique-t-il, parce que ce sera encore un manque à gagner pour la profession. » Ces décisions relevant toutefois d'un « service public », il reconnaît ne pas avoir son mot à dire. Il met tout de même en lumière un autre aspect : « Lorsqu'une femme seule va prendre le métro à 1 heure du matin, elle n'a pas la sécurité d'un transport individuel. » Même son de cloche du côté de la CGT-Taxi, qui attend cependant les résultats de l'étude avant de réagir. Pour Christophe Najdovski, la probable levée de boucliers de ces syndicats n'a pas lieu d'être : « On n'est pas véritablement en concurrence. Quand des milliers de personnes le vendredi ou le samedi soir à la fermeture des bars sont à la recherche d'un transport en commun et sautent sur les taxis, on voit bien qu'il y a un déficit d'offre. Donc ça n'empêchera pas les taxis de travailler. »

Un budget en négociation

Du côté du financement, l'amplification des horaires figure dans la renégociation des contrats qui lient le Stif aux opérateurs, RATP et SNCF, pour la période 2016-2020. Une enveloppe de plusieurs dizaines de millions d'euros - une bagatelle dans le budget annuel du Stif de 9 milliards d'euros - a bien été prévue pour « permettre un renforcement des transports de nuit », nous annonce Pierre Serne, qui assure que son coût ne sera pas répercuté sur le prix des transports. Si la réalisation du projet pose encore quelques difficultés, les différents scénarios doivent être remis à la Mairie de Paris d'ici à la fin de l'année.

Un dernier obstacle risque cependant de freiner l'extension des horaires des transports franciliens : les élections régionales de décembre prochain, qui mettent en pause le fonctionnement du Stif. Les réunions seront arrêtées pendant la campagne et la réinstallation du Syndicat ne sera pas effective avant février. Pierre Serne souhaiterait « voter au moins les principes de mise en œuvre avant novembre, pour que la mise en application puisse se faire au cours de l'année 2016 ». L'Euro de foot 2016, organisé en France à partir du 10 juin, pourrait bien être l'occasion de lancer le nouveau système.

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Commentaires (2)

  • Roger11

    Faite sans examen préalable des possibilités et conséquences de mesures annoncées uniquement pour se faire élire...
    C'est le lot de tous nos bons démagos ("demain on rase gratis"), et pas seulement pour les municipales !

  • librepenseuse

    Pourquoi ? Parceque nous avons des syndicats payés par nos impôts depuis Mitterand, ce qui fait que nous finançons le blocage des réformes élémentaires dans tous les cas, le financement ayant été décidé du fait que les syndicats n'avaient plus de représentativité, les employés de la RATP particulièrement bien payés coûtent évidemment plus cher à l'heure supplémentaire. Ce sont nous, qui travaillons et payons des impôts, qui finançons tous les blocages aux réformes, ainsi que les campagnes électorales à base de bourrage de crânes. Conclusion : IL FAUT FAIRE LA GREVE DES IMPOTS pour tarir les prédateurs en chef, les politiques et leurs innombrables bureaucraties, ne votons plus, ne payons plus.