
Ces trois mots-là pourraient-ils devenir un mantra ou un hashtag ? « Let’s go ! » (« allons-y », en anglais) : c’est sur cette injonction, digne d’un officier sur la ligne de front, que les trois amis américains – deux soldats en permission et un étudiant – se sont rués sur Ayoub El-Khazzani, vendredi 21 août 2015, à bord du Thalys Amsterdam-Paris, pour l’empêcher de réaliser son projet meurtrier. Une petite phrase qui a sans doute « changé le destin de beaucoup » de passagers, a souligné l’ambassadrice des États-Unis en France, Jane Hartley, lors d’un point presse, dimanche 23 août, à sa résidence.
Spencer Stone, 23 ans, Alek Skarlatos, 22 ans et Anthony Sadler, 23 ans, n’en mènent pas large devant le parterre de journalistes qui leur fait face. Avec son œil au beurre noir et son bras en écharpe, Spencer Stone apparaît comme le plus fatigué des trois. Il a été blessé au cou et a eu le pouce pratiquement tranché au cutter par Ayoub El-Khazzani lors de leur corps à corps. Mais il n’a rien perdu de son sang-froid de l’avant-veille :
« Alek m’a tapé l’épaule et m’a dit “let’s go” Il [Ayoub El-Khazzani] semblait prêt à se battre jusqu’au bout. Nous aussi. »
Simple instinct de survie ou réflexe de soldat entraîné au combat ? Un peu des deux, ont admis les jeunes hommes. Spencer Stone, première classe de l’US Air Force sur une base des Açores, se réveillait d’un « profond sommeil » quand il a aperçu le Marocain de 26 ans avec son AK47. Il a tout de suite vu que « son arme s’était enrayée ». Séparé du tireur de plus de dix mètres, il va courir pour le stopper. L’étouffer jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Puis faire un garrot avec sa main valide au passager franco-américain grièvement blessé au cou par la seule balle qu’a eu le temps de tirer Ayoub El-Khazzani.
« S’il avait pu agir, il nous aurait tous tués »

« De toute évidence il n’avait pas reçu une formation sur les armes à feu », a immédiatement remarqué son camarade Alek Skarlatos, réserviste de la garde nationale de l’Oregon, de retour d’une mission de neuf mois en Afghanistan.
« Il ne savait peut-être pas ce qu’il faisait. Mais s’il avait pu agir, il nous aurait tous tués. Il n’y a pas besoin de neuf chargeurs pour braquer un train », a-t-il ajouté, balayant à sa manière la défense du jeune Marocain qui nie tout projet « terroriste ».
C’est un vibrant plaidoyer contre la « passivité » qu’a, pour finir, lancé Anthony Sadler, étudiant en kinésithérapie, et troisième de la bande à être intervenu contre Ayoub El-Khazzani : « La leçon qu’on doit retenir c’est que dans un moment de crise comme ça (…) se cacher ou rester assis là où on est ne va rien donner. Lors d’un attentat terroriste comme celui-là, il faut faire quelque chose, s’il vous plaît. »
François Hollande doit remettre aux trois « héros » américains la Légion d’honneur, lundi, en compagnie du citoyen britannique, Chris Norman, qui leur a prêté main-forte. Soucieux de son anonymat, Damien, le jeune français de 28 ans qui a, le premier, tenté d’arrêter le terroriste présumé, sera décoré plus tard.
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