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Les profs formés à détecter les potentiels candidats au djihad

(Image d'illustration) La mesure répond à l'effroi provoqué par les départs successifs, au cours des derniers mois, d'au moins cinq jeunes de Winterthour.

La rentrée apporte toujours son lot de nouveautés. Dès septembre, les enseignants winterthourois seront formés à détecter les premiers signes de radicalisation chez leurs élèves. Annoncée à la mi-août, la mesure répond à l'effroi provoqué par les départs successifs, au cours des derniers mois, d'au moins cinq jeunes de la ville zurichoise pour l'Etat Islamique (EI). Ceux-ci apprendront à reconnaître les indices, tels qu'une élève qui porte soudain un foulard ou un garçon qui refuse tout à coup de serrer la main d'une femme. Ils bénéficieront également des conseils d'experts.

La Ville de Zurich, bien qu'elle n'ait pas connu de cas concret, suit la même démarche. Son bureau de prévention de la violence publiera dès octobre une marche à suivre destinée au corps enseignant en cas de signes inquiétants. Le protocole sera expliqué lors de la formation continue annuelle des enseignants.

Une démarche «bizarre»

L'association des enseignants du canton de Zurich appuie la mesure. Du côté romand, l'idée laisse perplexe. «A titre personnel, je trouve la démarche un peu bizarre», réagit le président du Syndicat des enseignants romands (SER), Georges Pasquier. L'enseignant rappelle que l'une des fonctions de l'école consiste à développer les capacités de socialisation et du vivre ensemble des élèves. La vigilance s'effectue déjà de manière générale. «Lorsque l'un d'eux adopte un comportement perturbé, nous essayons, avec l'appui de spécialistes et des parents, d'en identifier la source et de régler le problème. Un programme spécial me semble inapproprié. D'autant plus qu'à ma connaissance aucune école en Suisse ne connaît de phénomène de radicalisation systématique.»

Georges Pasquier estime par ailleurs que, lorsqu'un jeune présente des symptômes, il est déjà trop tard. «C'est le résultat d'une souffrance, d'un échec qui a eu lieu quelque part en amont. Il faut agir avant.»

Bilal Ramadan, membre du bureau de l'Union du corps enseignant secondaire genevois (UCESG) et de la commission consultative du soutien aux élèves en difficulté, se range à l'avis de son collègue. «L'école doit bien sûr rester vigilante, mais une telle mesure doit s'inscrire dans une démarche coordonnée de différents secteurs. On a bien vu que ces jeunes se radicalisent ailleurs que dans la cour d'école.» Bilal Ramadan craint une stigmatisation inutile des musulmans. «Nous sommes loin de connaître la même problématique que dans les écoles françaises. Une telle initiative ne sert qu'à rajouter de l'huile sur le feu.»

Recrues de plus en plus jeunes

Spécialiste de la lutte contre le terrorisme, Jean-Paul Rouiller se montre plus convaincu par l'initiative prise à Winterthour. Il relève que dans la plupart des cas observés en Suisse on constate l'existence d'une ou de plusieurs ruptures, survenues avant ou tout au début du processus de radicalisation. «Les recrues potentielles de groupes tels que l'EI sont de plus en plus jeunes, souligne le directeur du Geneva Center for Training and Analysis of Terrorism (GCTAT). L'école, le lieu d'apprentissage, voire l'environnement professionnel, sont autant d'espaces dans lesquels une éventuelle radicalisation peut survenir. Donner aux professeurs, enseignants et éducateurs les outils susceptibles de détecter un tel basculement me semble donc tout à fait sensé.»

Jean-Paul Rouiller reste toutefois sur la retenue quant à leur efficacité. «Même si quelques réussites ont été enregistrées, les expériences effectuées dans plusieurs pays européens rendent compte de succès mitigés. Plus la personne ciblée est détectée tardivement, plus les chances de succès se restreignent. Cela étant dit, la vraie question est de savoir si nous avons réellement le choix.»