
On l’avait presque oubliée. Trois ans après y avoir été découverte, l’épidémie de graves infections dues au coronavirus du Moyen-Orient (MERS-CoV) prend de l’ampleur en Arabie saoudite. 98 cas ont été signalés depuis le début du mois d’août, dont 25 mortels. Ce retour en force s’explique avant tout par une transmission active du virus à partir du mois de juin dans l’un des principaux hôpitaux de la capitale, le King Abdulaziz Medical City, avec de nombreux patients et soignants parmi les malades.
Cinquante-trois cas, dont 17 mortels, étaient recensés dimanche 23 août dans cet établissement ultramoderne destiné à soigner les membres de la garde nationale et leur famille, signale le ministère saoudien de la santé. Un expert de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) doit arriver cette semaine à Riyad pour évaluer l’actuel regain de cette infection, pour laquelle il n’existe ni vaccin ni traitement spécifique.
Dans son bilan le plus récent, le 21 août, l’OMS indique que 1 445 cas d’infection par le MERS-CoV lui ont été notifiés au niveau mondial depuis 2012, dont 80 % en Arabie saoudite. Cinq cent douze d’entre eux ont été mortels, soit un taux de létalité de plus de 35 %. Par comparaison, celui du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), également dû à un virus de la famille des coronavirus, se situait entre 10 % et 15 %. Celui du virus Ebola est de l’ordre de 50 %.
Accumulation de cas depuis juin
Le MERS-CoV est transmis à l’homme depuis l’animal. Provenant à l’origine des chauves-souris, il est ensuite passé, il y a bien longtemps, aux camélidés. Dans la région du Golfe, 90 % des dromadaires en sont porteurs. Ils constituent vraisemblablement le réservoir à partir duquel est partie l’épidémie, même si le contact avec ces animaux ou la consommation de lait de chamelle ne sont pas toujours attestés chez les malades. Le virus peut également se transmettre d’humain à humain par voie aérienne et lors de contacts proches.
Les autorités sanitaires saoudiennes ont pris des mesures face à cette nouvelle flambée épidémique. Une équipe de réponse rapide, composée de spécialistes des maladies infectieuses, a été dépêchée au King Abdulaziz Medical City dès que les infections y ont été signalées, de même que des équipes d’épidémiologistes et d’experts en santé publique. Plus de 5 700 prélèvements biologiques ont été analysés afin d’identifier et de surveiller les personnes susceptibles d’avoir été contaminées. Le service des urgences de l’établissement hospitalier a été fermé.
Depuis le pic de plus de 300 cas enregistrés en juin 2014, la transmission du MERS-CoV ne s’était pas interrompue en Arabie saoudite. Elle s’était poursuivie avec une faible intensité pendant l’été et l’hiver. Puis, à partir de la mi-juin 2015, les cas se sont accumulés.
La grande crainte est de voir l’épidémie déborder au sein de la population et s’étendre à d’autres villes du pays. Ce d’autant qu’approche le grand pèlerinage à La Mecque : plusieurs millions de croyants sont attendus dans le pays aux environs du 21 septembre. Certes, les hajj des trois années précédentes n’avaient pas occasionné de cas et l’Afrique subsaharienne en est restée à ce jour exempte, mais la menace demeure. Dans un éditorial de la revue International Journal of Infectious Diseases, une équipe de spécialistes des maladies infectieuses s’en inquiète et souligne le besoin d’y renforcer la vigilance et la surveillance.
D’autant que l’épidémie a montré qu’elle pouvait surprendre des pays disposant d’infrastructures sanitaires de haut niveau. Le MERS-CoV a ainsi touché 186 personnes en Corée du Sud entre mai et juillet. Trente-six patients sont décédés avant que le pays ne décrète la fin de l’épidémie. On imagine ce qui pourrait advenir en Afrique subsaharienne, où trois pays ont par ailleurs déjà subi les ravages du virus Ebola.
Des pistes encourageantes
Le 19 août, pourtant, une nouvelle prometteuse a été publiée dans la revue Science Translational Medicine : un article de l’équipe de David Weiner, de l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis), montre l’induction d’une immunité protectrice contre le MERS-CoV chez des primates. Avec un vaccin à ADN, mis au point par génie génétique, les chercheurs ont obtenu chez la souris, le macaque et le chameau l’apparition d’anticorps neutralisants dirigés contre une partie protéique du MERS-CoV peu sujette à des variations.
« Il s’agit d’un travail préliminaire avec une efficacité qui reste à démontrer chez l’homme, surtout parce que nous ne disposons pas d’un bon modèle animal pour refléter l’infection humaine par le MERS-CoV, commente le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Outre les anticorps neutralisants, le vaccin semble avoir également suscité une réponse immunitaire de type cellulaire [avec la production de certains globules blancs] mais les auteurs de l’étude ne développent pas beaucoup cet aspect. Généralement, les vaccins qui protègent bien induisent ces deux types de réponse. »
Ce travail est à rapprocher de celui d’une autre équipe, celle de Barney Graham (Institut national de l’allergie et des maladies infectieuses, de Bethesda, dans le Maryland), paru le 28 juillet dans Nature Communications. Là encore, des macaques ont été protégés de l’infection par le MERS-CoV grâce aux anticorps neutralisants apparus après vaccination.
Ces pistes sont encourageantes. Car si elles ont pour perspective de protéger les humains, elles devraient aussi permettre de vacciner les dromadaires. Et ainsi de réduire le réservoir animal de ce virus mortel.
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