
Le Kenya est-il en train de prendre le chemin des OGM ? Le vice-président William Ruto a déclaré le 12 août que son gouvernement comptait lever le moratoire, datant de 2012, sur l’importation d’organismes génétiquement modifiés dans le pays.
Parallèlement, deux institutions, la Kenya Agriculture and Livestock Research Organisation (Kalro), chaperonnée par le gouvernement kényan, et l’African Agricultural Technological Foundation (AATF), une association à but non lucratif spécialisée dans l’agronomie en Afrique, sont dans l’attente d’une décision de l’Autorité nationale pour la biosécurité, afin de permettre la première production et commercialisation d’un maïs transgénique au Kenya.
« Le Kenya ne peut pas rester à la traîne, alors que le monde embrasse les biotechnologies à cause de craintes invisibles et de désinformation », a déclaré William Ruto, s’exprimant devant le quatrième sommet sur la biosécurité, ajoutant que « tout ce qui est génétiquement modifié n’est pas forcément dangereux. ».
Les scientifiques du pays sont à l’unisson derrière le discours du vice-président. Le Conseil national pour la science et la technologie, conseillant le gouvernement, s’est toujours opposé au moratoire sur les importations d’OGM, instauré en 2012, suite à une étude démontrant que le maïs transgénique pouvait provoquer des cancers chez des rats de laboratoire.
Si la culture des OGM n’a pas encore été approuvée dans le pays, rien n’empêche la recherche sur les organismes génétiquement modifiés au Kenya. Le Karlo fait des expérimentations depuis plusieurs années dans ses fermes confinées de Kiboko, dans le sud-est du pays. Le maïs OGM, étudié par l’Autorité nationale de biosécurité, est de variété MON810, produit par le groupe américain Monsanto. Sa culture est aujourd’hui autorisée dans l’Union européenne, mais interdite en France.
Le gouvernement kényan souhaite éviter tout risque alimentaire. Le maïs est la base de l’alimentation kényane, cultivé aux quatre coins du pays, vendu le long des routes, bouilli et broyé afin de produire l’ugali, le plat national.
Une solution d’urgence
Mais le maïs kényan est en danger, menacé par la nécrose létale du maïs (NLM). Le virus, apparu au sud de la vallée du Rift, s’est étendu aux frontières avec l’Ouganda et la Tanzanie, et frappe aujourd’hui des milliers d’exploitations. Les pertes pour les agriculteurs ont été chiffrées à 4,1 milliards de shillings kényans (34 millions d’euros) en 2014, faisant flamber les prix du maïs, de même que celui de la farine alimentaire.
Les OGM de Monsanto, résistants au virus, apparaissent comme une solution d’urgence. Mais les fermiers s’inquiètent. « Le gouvernement est sous pression des entreprises pro-OGM, se lamente Justus Lavi, secrétaire général du Forum des petits fermiers du Kenya (KESSFF). Nous sommes très inquiets. Nous les agriculteurs, nous connaissons les dangers des OGM Monsanto. Le maïs MON810 disperse autour de lui une toxine qui fait chuter le nombre d’abeilles et la biodiversité, contamine les plantes aux alentours. On ne maîtrise pas non plus les conséquences sur la santé : des études montrent que les OGM peuvent avoir des effets sur les reins, provoquer des allergies ou des problèmes sexuels. »
Trois pays africains produisent des OGM
Plus inquiétants, selon Justus Lavi, « la levée du moratoire, et l’autorisation de culture OGM au Kenya, seraient une porte ouverte pour les OGM sur tout le continent. » Aujourd’hui, seuls trois pays en Afrique produisent des OGM : l’Afrique du Sud, le Burkina Faso et le Soudan.
La levée du moratoire au Kenya, grenier du continent, troisième producteur mondial de thé, et grand exportateur de haricots verts, de café, de choux, de mangue et d’oignons, pourrait avoir un effet d’entraînement dans toute l’Afrique. Déjà, en Ouganda, un projet de loi devrait être soumis sous peu au Parlement afin d’autoriser la commercialisation d’OGM. Les graines du maïs Monsanto pourraient donc se disperser rapidement, bien au-delà des frontières du Kenya.
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