L’IRA existe-elle encore ? “La réponse à cette question aura des implications importantes pour le processus de paix” en Irlande du Nord, explique The Times. Le monde politique de l’Irlande du Nord est en effet secoué après les propos tenus le 22 août par le chef de la police de l’Irlande du Nord, George Hamilton. Ce dernier a confirmé que l’IRA provisoire est toujours active et que ses membres poursuivent des activités criminelles.

M. Hamilton a été amené à s’exprimer sur le sujet après le meurtre, le 12 août à Belfast, de Kevin McGuigan, criminel et ancien membre de l’IRA. Il semble avoir été tué par des membres de l’IRA provisoire. Cette reconnaissance de l’existence de l’organisation représente une rupture avec la version officielle, selon laquelle l’organisation n’existe plus depuis le dépôt de ses armes en 2005. De la part du gouvernement irlandais d’Enda Kenny, composé de Fine Gael – centre droit – et du Parti travailliste, la seule réaction a été “un silence assourdissant”, note le Irish Independent. “Vu qu’il s’agit d’un sujet d’importance nationale, ce silence est difficile à comprendre.”

“Les terroristes sont à la porte du gouvernement”

Les propos de la police embarrassent notamment le Sinn Féin, qui nie avec force la poursuite des activités de l’IRA. Branche politique de l’IRA à l’époque des Troubles, le parti dirigé par Gerry Adams partage aujourd’hui le pouvoir au sein de l’exécutif nord-irlandais avec quatre autres partis. Peter Robinson (DUP, parti unioniste démocrate), le Premier ministre nord-irlandais, a exprimé son souhait que le Sinn Féin quitte le gouvernement si l’IRA est en effet responsable du meurtre.

Sa position est saluée par le Irish Independent dans un éditorial intitulé “les terroristes sont à la porte du gouvernement [nord-irlandais]. Le journal estime qu’il est “inconcevable qu’un parti politique [le Sinn Féin], qui dispose toujours d’une organisation paramilitaire accusée d’être impliquée dans un meurtre de sang-froid, soit apte à occuper des postes publics”.

Le quotidien rappelle que le meurtre de Kevin McGuigan “n’était pas un cas de barbarie isolé”.

“Depuis le cessez-le-feu [en 1997], l’IRA provisoire a été impliquée dans un grand nombre d’autres [plus de 40] assassinats, des passages à tabac, des mutilations, des rackets et d’autres activités criminelles dont des viols et des abus sexuels.”

Mais “pour faire avancer le processus de paix, les responsables politiques en Irlande et en Irlande du Nord ont fait profil bas face à ces atrocités”, regrette le journal. Dans The Irish Times, le chroniqueur politique Stephen Collins regrette que, pour ne pas mettre en péril “l’équilibre fragile de l’exécutif de l’Irlande du Nord”, les gouvernements britannique et irlandais aient “fermé les yeux sur les activités criminelles d’anciens membres de l’IRA, notamment sur l’immense contrebande frontalière qui leur rapporte des millions d’euros”.

“Les relations politiques en Irlande du Nord [entre les républicains et les unionistes] deviennent de plus en plus fragiles, observe The Irish Times dans un éditorial, et cela devrait inquiéter les gouvernements britannique et irlandais”. Et pour Stephen Collins, “si l’IRA est encore là, la question qui se pose est de savoir si l’engagement démocratique du mouvement républicain [Sinn Féin] est bien sincère”.

Le Sinn Féin est un parti “Téflon”

“Le processus de paix ne sera jamais mené à bien tant que les groupes paramilitaires ne sont pas complètement démantelés, note The Times. Quant aux gouvernements de Londres et de Dublin, ils ne doivent plus tolérer l’attitude ambiguë [de la part de Sinn Féin] vis-à-vis de l’IRA”, fustige le quotidien londonien.

Quoi qu’il en soit, le Sinn Féin est un parti “Téflon”, observe le Irish Examiner, car les ennuis semblent glisser sur lui. Malgré la mise en cause de sa crédibilité, “un grand nombre de personnes continueront à voter pour le parti”, regrette le journal. Il rappelle que “même les révélations d’abus sexuel et de justice parallèle au sein de l’IRA n’ont pas réduit sa popularité”.