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AFGHANISTAN

À Kaboul, opération "cache-misère" sur le pont des toxicomanes

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Le pont de Pul-e-Sokhta, dans la banlieue de Kaboul, est réputé pour être un repaire de drogués venant des quatre coins d’Afghanistan. Il y a deux semaines, la police afghane y a fait une descente musclée et a brûlé les tentes des toxicomanes qui se sont réinstallés à une centaine de mètres, dans le lit de la rivière asséchée.

L’Afghanistan est l’un des plus gros producteurs de drogues de la planète. Le pays produit a lui seul 90 % de l’héroïne consommée dans le monde, et la culture de l’opium permet à 2 millions d’afghans de vivre, sur une population de trente millions de personnes. Kaboul, la capitale, détient le taux de consommation de drogue par habitant le plus élevé du monde : onze pourcent de la population en consomme quotidiennement.  Par ailleurs, selon un rapport conjoint du ministère afghan de la Santé publique et du département d’État américain, 300 000 enfants seraient dépendants à la drogue dans le pays.

Les drogués se sont réfugiés à une centaine de mètres du pont où ils peuvent récupérer de l'eau dans le fleuve. Photo Mohammad Radmanesh.

"Ils ont perdu le peu de choses qu’ils avaient"

Mohammad Radmanesh a été témoin de l’opération de police à Pul-e-Sokhta, durant laquelle des centaines de drogués ont été chassés par la police. Puis, il est revenu prendre des photos des toxicomanes dans leur "nouveau" lieu de vie, le lit de la rivière Kabal.

Environ 1 500 personnes vivaient sous ce pont, qui attirait de très nombreuses personnes qui cherchaient à se procurer de la drogue facilement. Lorsque la police est passée, ces toxicomanes ont perdu le peu de choses qu’ils avaient. Ils ont été repoussés à une centaine de mètres en contrebas de la rivière. Pour l’instant, ça ne pose pas de problème, car les cours d’eau sont asséchés. Mais la saison des pluies va commencer dans notre région [fin août, début septembre, NDLR], et il y a des risques d’inondations dans la zone où se sont réinstallées ces personnes.

"La plupart des drogués replongent au bout de quelques mois car il n’y a pas de suivi"

Je n’ai aucune idée de la rasion pour laquelle la police est intervenue, surtout que parmi ces 1 500 personnes, il y a aussi des femmes et des enfants [France 24 a contacté la police de Kaboul qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, NDLR]. Il est vrai que la zone était malfamée, la plupart des drogués vivant de petits larcins. Peut-être la police a-t-elle voulu les repousser loin de la vue de riverains qui s’en plaignaient. Mais ce n’est qu’un cache-misère.

Personne ne se soucie du sort des drogués. Parfois, les autorités viennent leur parler, font des promesses, mais rien ne se passe. À Kaboul, il y a deux hôpitaux spécialisés dans le traitement des toxicomanes, ce qui est totalement insuffisant pour répondre aux besoins. La plupart des toxicomanes passent deux mois là bas pour être soignés, mais faute de suivi, la plupart replonge rapidement [selon les estimations, le taux d’addiction est de 13 % dans les grandes villes afghanes, et de 5 % dans les villages, NDLR].

Photos Mohammed Radmanesh.

  

 

"Les problèmes d’addiction ne sont pas une priorité dans notre pays"

Il existe également un camp de traitement de drogués, qui à la base avait deux zones séparées, une pour les femmes et l'autre pour les hommes. Des ateliers étaient organisés pour leur permettre de retrouver un emploi. Par exemple, ils avaient ouvert un restaurant qui recrutait des toxicomanes pour leur permettre d’avoir un petit boulot et une aide psychologique.

Mais ces efforts ne sont pas suffisants, sans compter que le camp pour femmes a fermé [à la demande des habitants du quartier, NDLR]. Aujourd’hui, la structure peut accueillir seulement cinquante personnes. Peu d’ONG souhaitent s’y investir davantage, car il ne s’agit pas d’un domaine où des résultats positifs peuvent intervenir dans un laps de temps court.

Pour moi, c’est clair que l’Afghanistan ne fait pas des problèmes d’addiction une priorité et préfère concentrer ses efforts sur les questions sécuritaires.

Photo Mohammed Radmanesh.

En 2012, le gouvernement afghan, avec l'aide de Washington, avait mis en place 113 programmes de traitement anti-addiction à travers le pays. Mais selon nos contacts sur place, ces programmes peinent aussi à montrer leurs effets, du fait du peu de moyens mis à la disposition des ONG locales qui gèrent ces centres.

Toutes les photos ont été prises par notre Observateur Mohammad Radmanesh.

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