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Finance et marchés

Pourquoi la finance aime les religions

Le monde de la finance est une religion en soi. Pourtant Standard & Poor’s vient de créer un indice de valeurs catholiques. Un mouvement encore embryonnaire en France qui reste incomparable au poids de la finance islamique dans le monde.
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Indicateur de valeurs catholiques
Un prêtre philippin officie devant un écran de la Bourse de Manille en janvier 2014.
JAY DIRECTO / AFP

A priori le monde de la finance na rien déthique. Bien au contraire. Sans aller jusquaux excès du Loup de Wall Street, la recherche du gain maximal semble la règle du jeu. Peu importe les conséquences, peu importe ce que cela implique. Dès lors voir des financiers créer des produits respectant tantôt les principes des religions musulmanes ou catholiques semble répondre simplement à une demande spécifique. 

Standard & Poor's Dow Jones Indice vient d'annoncer le lancement d'un indice des valeurs catholiques. Il sera constitué de valeurs déjà membres du S&P 500 "dont les pratiques respectent les règles de l'investissement socialement responsable édictées par la Conférence des évêques des Etats-Unis." Concrètement les investissements doivent être en accord avec "les principes fondamentaux de la religion  catholique à savoir des objectifs de justice, de respect mutuel, de saine gestion, dhonnêteté pour des activités favorisant le bien commun entre autres" précise Antoine Cuny de la Verryère, auteur de Finance Catholique (aux éditions CMS). Linvestissement doit bien sûr exclure la recherche sur des cellules souches, ou ne doit pas favoriser lavortement, la vente darmes, ou encore le travail des enfants. Sans oublier bien sûr la pornographie. Est-il crédible de voir la finance catho-compatible se développer également en France? 

Etat embryonnaire de la finance catholique

Pour l’instant celle-ci n’est qu’à l’état embryonnaire. Le fonds ProClero créé il y a 3 ans possède actuellement 43 millions den cours sous gestion. Une goutte deau, certes bénite, dans la finance mondiale. Le produit a été créé à linitiative du prêtre Pascal André Dumont, de la communauté traditionnelle de Saint-Martin afin de trouver des ressources pour la formation des prêtres. Avec laide de Meeschaert Asset Management, le fonds permet de rémunérer la communauté grâce aux frais de gestion (200.000 euros en 2015). Pourtant Pascal André Dumont ne veut "pas vraiment faire de ce fonds une question de foi ou de dogme ni un problème moral. Il faut simplement dire que lorsque lon a des moyens financiers, on a la responsabilité de ce que lon fait avec cet argent car votre placement a un impact".

Dans la pratique le fonds adoptait au début une logique dexclusion des activités que la religion ne saurait voir. Puis ProClero a fait évoluer son mode de sélection. "Notre responsabilité morale est de faire le bien et pas seulement déviter le mal. Du coup nous investissons désormais dans des entreprises où le bien de la personne humaine est au centre du projet économique (dépendances des personnes âgées par exemple)" précise le prêtre.

Et concernant le rendement du fonds, le caractère religieux natténuerait pas le gain espéré, bien au contraire. " La performance est meilleure sur le long terme et ses entreprises font souvent preuve dune meilleure résilience en cas de crise" se satisfait Philippe Troesch, président du directoire de Meeschaert Asset Management. Un moyen selon lui "de restaurer limage de la finance".

2.000 milliards de dollars pour la finance islamique

La finance catholique ne représente pourtant pas grand chose par rapport au poids de la finance islamique. Ses actifs mondiaux seraient estimés à 100 milliards de dollars alors que la finance islamique en représente 2.000 milliards selon Standard & Poors. Situation pour le moins paradoxale car celle-ci obéit à des règles beaucoup plus strictes. "La finance islamique doit obéir aux lois de la charia à savoir 5 piliers : linterdiction de lintérêt et de la spéculation, linterdiction des financements illicites au regard de la charia (alcool, pornographie, porc principalement), respect du principe de partages des pertes et profits au cours dune transaction et le principe dactif sous-jacent (un actif réel doit exister à chaque transaction) "explique Mohamed Damak, responsable mondial de la finance islamique pour Standard & Poors, à Dubaï.

Un domaine où la France est absente et où la majorité des fonds se développent en Malaisie et dans les pays du Golfe avec une croissance en volume de 10 à 15% par an. Certains pays européens sy intéressent afin daccueillir les investisseurs du Moyen-Orient. "Le Royaume-Uni a créé 5 banques et 2 assureurs islamiques et le gouvernement anglais a émis un sukuk (instrument financier comparable à une obligation) lannée dernière pour 200 millions de livres. Le Luxembourg la également imité. En France, nous sommes loin de tout cela. Il y a eu des discussions mais cest tout" précise Mohamed Damak.

Le poids marginal de la finance catho-compatible dans le monde ne désespère pas Antoine Cuny de la Verryère. "La finance catho-compatible est en plein boom. Le public a pris conscience quil y avait un énorme problème déontologique dans la finance depuis la crise de 2008". Lauteur de Finance catholique admet que "plus une personne est riche, moins elle investit dans des produits catho-compatibles". Avant davouer que les "investissements du Vatican ne sont pas forcément tous très catholiques". Hasard ou non, le Pape François a d'ailleurs affirmé sur son compte Twitter le 25 août "Un chrétien trop attaché à l'argent s'est trompé de route".

 

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