La BCE plaide pour la création d'un ministère des Finances de la zone euro
Pour assurer une plus grande stabilité à l'union monétaire, les institutions doivent évoluer.
Par Virginie Robert
Malmenée par la crise grecque, l'image des institutions européennes n'est pas sortie grandie de l'épreuve. Jeudi, devant les ambassadeurs réunis à Paris, Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE a cherché à tirer les « bonnes leçons pour la zone euro ». « Nous devons utiliser la confiance dans la monnaie unique pour construire des institutions qui renforceront la cohésion de notre union politique et économique », écrit-il, arguant que les récentes négociations avec la Grèce « ont laissé échapper de sa lampe le mauvais génie d'une sortie de la zone euro (même temporaire) » .
Dans la droite ligne du rapport paru fin juin pour accélérer l'intégration de la zone euro signé des cinq présidents (Commission européenne, BCE, Conseil européen, Parlement européen et Eurogroupe) le banquier central milite pour la création d'un « Trésor de la zone euro ». Celui-ci pourrait être constitué sur la base du « Mécanisme européen de stabilité » auquel seraient attribuées des ressources fiscales et la possibilité d'émettre de la dette. L'objectif : avoir les moyens d'une politique d'investissement de la zone euro, comme des munitions pour résister aux chocs. Mais cette délégation de souveraineté ne peut fonctionner que si les économies des différents pays de la zone euro ont suffisamment convergé pour éviter de trop fortes distorsions. « Ce plus grand partage de risques suppose également des politiques budgétaires responsables », écrit Benoît Coeuré.
Le français va un cran plus loin en proposant la création d'un ministère des finances de la zone euro, à travers une réforme de l'Eurogroupe. Doté d'un budget, muni d'un droit de veto si la politique budgétaire de tel ou tel Etat paraît inadaptée, le ministère réintégrerait du contrôle démocratique et de la transparence espère ainsi la BCE. Choisi par le Conseil européen, ce super ministre pourrait être épaulé par un conseil composé de membres permanents et des dix-huit ministres des Finances des pays de la zone euro qui voteraient les décisions. Des mécanismes souples (avec des ces votes à majorité simple ou qualifiée), doivent renforcer des stratégies coopératives plutôt que compétitives entre les différents Etats (comme le dumping fiscal). « Peut-on imaginer un seul instant que le Conseil des gouverneurs de la BCE aurait pu faire face à la crise s'il n'était qu'un club de dix-neuf gouverneurs décidant par consensus ? », a encore interrogé Benoît Coeuré.
Changement dans les traités
Ces idées auront du mal à éclore avant 2017, d'autant qu'elles exigent des changements dans les traités. Il faut attendre en effet que soient passées les élections allemandes et françaises. Il sera peut-être plus facile de progresser sur l'achèvement de l'union bancaire, avec la création d'un système européen de garantie des dépôts.
Mardi à Berlin, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, avait évoqué de son côté un « New Deal européen » qui sera obtenu par une plus grande convergence entre la France et l'Allemagne. Les français sont persuadés qu'il faut résorber les écarts de croissance potentielle en poursuivant la voie de la réforme en France et celle de l'investissement en Allemagne. En préparant le terrain maintenant, des progrès pourraient voir le jour dès 2018.
Virginie Robert